T.Lévêque avec J.B Vey, et J. Toyer à Bruxelles 13/09/10
Une circulaire du ministère de l’Intérieur ciblant les Roms sème le trouble entre membres du gouvernement français et entraîne une bataille judiciaire sur une politique d’expulsions vivement critiquée.
Cette circulaire du 5 août signée par Michel Bart, directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, montre que cette ethnie a bien été visée dans le démantèlement des camps, contrairement aux dénégations du gouvernement.
« Trois cent campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms », peut-on lire dans ce texte publié par des médias.
« Il revient donc, dans chaque département, aux préfets d’engager (…) une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms. »
Des organisations de défense des droits de l’homme estiment que l’action du gouvernement est juridiquement illégale, puisqu’une catégorie de population est visée en tant que telle et non des individus qu’on incriminerait pour certains faits.
Tant le ministre de l’Immigration, Eric Besson, que le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, ont affirmé lundi avoir découvert cette circulaire dans la presse, une façon de s’en démarquer.
Pour Eric Besson, « la seule circulaire valable » est celle qu’il a signée le 24 juin avec Brice Hortefeux et qui ne mentionne pas explicitement les Roms. Niant toute divergence avec le ministre de l’Intérieur, il a souligné que la note du 5 août émanait non de Brice Hortefeux mais de son directeur de cabinet, qui en serait donc responsable.
TROIS VOLS VERS BUCAREST EN SEPTEMBRE
Eric Besson a confirmé qu' »en droit français, les ethnies n’existent pas ».
Il a néanmoins assuré que Paris poursuivrait la mise en oeuvre des éloignements d’étrangers en situation irrégulière, « quelles que soient leur origine ethnique ou leur nationalité ».
« Ces mesures sont toujours prises sur une base individuelle, en application de la loi de la République et des traités européens et internationaux », a-t-il dit, bien que les Roms soient expulsés à bord de vols spécialement affrétés.
Le ministre a annoncé que trois vols spéciaux partiraient vers la Roumanie ce mardi, jeudi prochain et le 30 septembre.
Le ministère de l’Intérieur n’a fait aucun commentaire sur la circulaire contestée, qui demande aussi aux préfets de médiatiser les actions de démantèlement de camps.
Eric Besson a sur ce point condamné, non la médiatisation de la politique envers les gens du voyage et les Roms, mais les médias, pour avoir filmé les départs. « Ce sont des images irrespectueuses de la dignité des personnes », a-t-il dit.
Pierre Lellouche, même s’il dit avoir découvert la circulaire contestée dans le train qui l’emmenait à Bruxelles, où se tenait une réunion des ministres des Affaires européennes des Vingt-sept, n’y voit, lui, rien à redire.
« A mes yeux, cela n’a strictement rien de contradictoire avec ce que nous avons fait ou expliqué ici (à Bruxelles). Cette circulaire cible en effet les camps qui doivent être démantelés », a-t-il cependant ajouté.
Frédéric Lefebvre, le porte-parole de l’UMP, a abondé dans le même sens. « Ce que j’ai vu, c’est que cette circulaire ciblait non pas les Roms mais ciblait les campements illicites de Roms », a-t-il dit à la presse.
Il a jugé logique qu’Eric Besson ne soit pas au courant de la circulaire contestée car « en l’occurrence ce n’est pas de sa responsabilité. » « N’essayez pas de créer un problème entre Eric Besson et Brice Hortefeux parce qu’il n’y en a pas », a-t-il dit.
Le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, a estimé au contraire qu’Eric Besson ne pouvait pas ignorer ce texte.
« A l’indignité de cette politique, le ministre de l’Immigration en rajoute avec l’indignité de son comportement », a-t-il dit lors du point de presse hebdomadaire du PS.
Le Gisti, une association d’aide aux immigrés, a commencé la rédaction d’un recours au Conseil d’Etat pour faire annuler la circulaire du ministère de l’Intérieur, a dit à Reuters son président Stéphane Maugendre. Le PS et d’autres organisations demandent le retrait du texte.