Al.P. 12 septembre 2010
Une circulaire du ministère de l’Intérieur semble montrer que les Roms ont été collectivement visés par le gouvernement, bafouant la législation européenne qui proscrit les déplacements groupés de population.
Sur quels fondements les Roms sont-ils expulsés? Pour des raisons individuelles, ce qui peut-être légal, ou en tant que Roms, ce qui peut-être considéré comme une discrimination raciale? Alors que 9.000 personnes ont été expulsées depuis le début de l’année, dont un millier en août, la question se pose. L’ONU, notamment, s’est inquiétée « de la montée des manifestations et des violences à caractère raciste envers les Roms ». Le Vatican, la Roumanie, l’UE s’en sont aussi émus. Jeudi, le parlement européen a d’ailleurs voté une résolution demandant à Paris de suspendre ces expulsions en groupe. Il s’appuyait sur l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux, qui interdisent les déplacements collectifs de populations.
De son côté, et jusqu’ici, le gouvernement a fermement nié que les Roms soient spécifiquement visés. « Le droit européen a été respecté. Il n’y a pas eu d’expulsion collective », a ainsi déclaré Eric Besson la semaine dernière à Bucarest. Il affirme que les expulsions sont prononcées après l’examen de la situation de chaque intéressé, ce qui peut être autorisé sous certaines conditions. Un arrêté de reconduite à la frontière peut notamment être prononcé en cas de menace à l’ordre public ou au bout de trois mois de présence sur le territoire sans ressource. Les autorités peuvent aussi recourir à la procédure de « retour volontaire », acceptée par 80% des expulsés contre quelque 300 euros.
Des préfets appelés au « démantèlement systématique »
Or, la révélation de plusieurs circulaires du ministère de l’Intérieur semble contredire les intentions du ministre. La plus explicite, date du 5 août. Signée par Michel Bart, le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, elle avance des objectifs chiffrés: « 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms.Il revient donc, dans chaque département, aux préfets d’engager (…) une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms ».
Plusieurs associations vont donc demander la suspension de ces textes, a confié à Reuters Stéphane Maugendre, président du Gisti, association d’aide aux immigrés. Une plainte pénale pour « provocation à la haine raciale » est aussi à l’étude. Le parti socialiste n’a pas non plus manqué de rebondir. « Je demande à la Commission européenne et à son président José Manuel Barroso d’engager une procédure d’infraction à l’encontre du Gouvernement français pour que cesse le traitement indigne et la stigmatisation inacceptable des citoyens européens que sont les Roms », annonce dans un communiqué Harlem Désir, député européen et secrétaire national du parti.
Gardienne des valeurs inscrites dans la Charte des droits fondamentaux, la Commission européenne a demandé des « informations » à Paris pour évaluer si les expulsés avaient bénéficié de tous les droits qui leurs sont garantis. Elle devrait rendre prochainement ses conclusions.