29/09/2012
Un projet de loi, présenté hier en Conseil des ministres, prévoit de remplacer la garde à vue des sans-papiers, devenue illégale, par une « retenue » pouvant aller jusqu’à seize heures.
Le nouveau système de « retenue » en commissariat ou gendarmerie sera mis en œuvre – une fois le projet adopté, idéalement avant la fin de l’année – par un officier de police judiciaire (OPJ) sous contrôle du procureur de la République, qui peut y mettre un terme à tout moment.
Pendant les seize heures, l’étranger aura droit à un avocat, à un médecin, à l’aide juridictionnelle et pourra contacter une personne de son choix, selon le texte.
« Ce n’est pas un outil de punition mais d’efficacité », a déclaré le ministre de l’Intérieur Manuel Valls. Selon lui, il s’agit de pallier un « vide juridique ». Car depuis une décision de la Cour de cassation le 5 juillet interdisant de placer en garde à vue les sans-papiers, les forces de l’ordre ne pouvaient retenir les étrangers plus de quatre heures, délai maximal prévu par la procédure de vérification d’identité. « C’est tout à fait insuffisant », notamment « pour que les préfectures puissent prendre des décisions solides et argumentées avant de lancer des procédures d’éloignement du territoire », a jugé M. Valls.
La décision de la Cour de cassation découlait d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de décembre 2011, affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne pouvait être emprisonné sur ce seul motif. Or, la réforme de la garde à vue, au printemps 2011, a limité son recours aux personnes soupçonnées d’infraction passibles d’une peine d’emprisonnement.
L’an dernier, sur près de 100 000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60 000 avaient été placés en garde à vue, selon les associations.
Les association dénoncent un «régime d’exception»
Celles-ci déploraient hier la mise en place d’un « régime d’exception ». « Le gouvernement est en train de créer un nouveau système privatif de liberté spécifique aux migrants… On sort du droit commun. Au lieu d’effectuer un changement de cap vers moins d’enfermement, on retient une volonté de rafistoler le dispositif existant », a regretté David Rohi, membre de la Cimade.
Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) a également critiqué la durée de cette retenue. « Qu’on ne vienne pas me dire qu’avec les moyens modernes, dont les fichiers, il n’y a pas moyen de faire des vérifications d’identité en 4 heures ? », a estimé son président Stéphane Maugendre. « En fait, 16 heures, c’est du confort pour pallier les carences de l’État en terme de moyens », a-t-il jugé.
Le délai a été arrêté après un arbitrage de Matignon cet été, a rétorqué le ministre de l’Intérieur. « C’est un plafond » rendu nécessaire par des « difficultés objectives », a-t-il ajouté, en citant les temps de transport ou la nécessité de pouvoir retenir les étrangers en cas d’interpellation le soir ou le week-end. « Je ne veux pas prendre le risque d’un travail bâclé », a-t-il encore justifié.