Celine Rastello , 06-07-2012
Des syndicats de policiers réagissent à la décision de la Cour de cassation d’interdire la garde à vue pour le seul séjour irrégulier.
« On va s’adapter » réagit le secrétaire général de Synergie Officiers Patrice Ribeiro au lendemain de la décision de la Cour de cassation d’interdire la garde à vue des étrangers pour le seul séjour irrégulier. Une décision qu’il avait « anticipée », la jurisprudence européenne « s’orientant dans ce sens » et la chambre criminelle de la Cour, saisie par la chambre civile, ayant rendu début juin un avis suivi jeudi.
4 h pour vérifier l’identité : pas suffisant selon les policiers
Les associations de défense des droits des étrangers saluent cette décision. « C’est une vraie victoire, on va enfin considérer que le séjour irrégulier n’est plus un délit » confiait jeudi le président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) Stéphane Maugendre, dénonçant des gardes à vue « de confort » : « les autorités ont le temps de produire l’arrêt de reconduite à la frontière. Tout le monde est tranquille sauf l’intéressé, privé de liberté. »
Pour vérifier l’identité d’un étranger, les forces de l’ordre, sans garde à vue, pourront utiliser la procédure applicable à tous, de quatre heures maximum. Mais qui, selon les syndicats de policiers, n’est pas adaptée. « Tout le monde sait que ce n’est pas possible. On n’aura pas le temps de vérifier l’identité et d’avoir un retour de la préfecture » poursuit Patrice Ribeiro, « le décompte commence au contrôle et à partir de 20 h, dans certaines préfectures, on n’a plus personne. »
« Et si une personne est interpellée à minuit ? »
Un policier qui travaille dans la lutte contre l’immigration clandestine avance la difficulté de la langue : « Il est compliqué de trouver un interprète et de le faire venir rapidement ». C’était jusqu’ici, « rare », selon lui, que les gardes à vue soient prolongées « sauf si l’on attend des éléments importants du dossier. »
Le même policier cite aussi les délais liés aux différents systèmes de prise d’empreinte : « en fonction du matériel, on peut savoir tout de suite si la personne est déjà enregistrée, ou attendre plusieurs heures. » Viennent ensuite les difficultés liées à la nuit : « Et si une personne est interpellée à minuit ? Comment contacte-t-on les différents services administratifs entre minuit et quatre heures du matin ? »
« On va remplir les fichiers de police » soupire-t-il, citant l’exemple d’une personne dont l’identité n’a pas pu être vérifiée, qui sera relâchée, et peut-être à nouveau interpellée le lendemain. Et « le nombre de reconduite à la frontière va chuter ». Celui qui rappelle que la procédure de vérification se fait sans avocat craint aussi « qu’on soit tenté de trouver un autre élément connexe et se concentrer davantage sur la chasse aux ‘sauvettes’ (vendeurs à la sauvette), qui, elles, permettent la garde à vue. »
« On doit trouver un système pour pouvoir remplir cette mission »
« Ça va être compliqué, voire impossible » estime pour sa part le secrétaire général du Syndicat national des officiers de police SNOP-SCSI, Jean-Marc Bailleul : « chaque cas est différent et on doit trouver un système pour pouvoir remplir cette mission. Peut-être via une entente au niveau européen, ou des accords avec les pays d’origine des personnes. » On ne peut pas, dit-il, « demander aux policiers d’atteindre le nombre de reconduites à la frontière s’ils n’ont pas les moyens de le faire ».
Si certains préfèrent ne pas se prononcer sur une éventuelle prochaine loi remplaçant l’interdiction du placement en garde à vue, d’autres la trouvent « logique et utile ». « Sinon, on perd du temps inutilement. A partir du moment où on a la mission d’interpeller les personnes en situation irrégulière, ou on nous permet de le faire, ou on dit que ce n’est pas un délit » remarque le secrétaire général d’Unité SGP police FO Nicolas Comte.
Des associations de défense des droits des étrangers et le Syndicat de la magistrature, entre autres, espèrent justement aller vers une dépénalisation. « Autant on dénonce les quotas, autant une personne qui n’est pas en conformité avec la législation doit être reconduite » estime de son côté Nicolas Comte. Question « de cohérence et d’efficacité. »
Des « faux problèmes » selon le président du Gisti
Le gouvernement souhaite légiférer « rapidement » a fait savoir le ministre de l’Intérieur Manuel Valls dès jeudi soir : « Le Premier ministre m’a demandé de lui proposer rapidement un texte législatif pour redonner un fondement légal à notre action ». Il pourrait même être présenté dès la prochaine rentrée.
Avant cette annonce, Stéphane Maugendre redoutait que « sous l’impulsion du ministère de l’Intérieur les législateurs ne créent un nouveau régime d’exception pour les étrangers ». « Ma crainte était fondée » réagit-il après, redoutant qu’un nouveau système soit mis en place « pour palier les carences de l’administration ».
Quant aux difficultés avancées par les policiers, ce sont selon lui de « faux problèmes » : « la période de vérification d’identité de quatre heures suffit. La plupart des interpellations ont lieu au faciès, de jour, dans le métro ou dans la rue, et les interprètes arrivent rapidement. »