Emilie Gougache, 3/02/2012
Le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les sanctions pénales prévues par l’article 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), lorsqu’un étranger se trouve en séjour irrégulier.
Les Sages de la rue Montpensier avaient été saisis de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui contestait l’ article 621-1 du CESEDA permetant de punir d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros, « l’étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 du même code, ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa ».
Les requérants soutenaient que cette disposition est contraire à la directive(1) du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt(2) du 6 décembre 2011. Me Julien Gautier, à l’initiative de la saisine, et plusieurs associations (Gisti, Cimade et Soutien aux sans-papiers), s’étaient notamment appuyés sur l’arrêt rendu par la CJUE. Celle-ci considérait que l’emprisonnement d’un étranger en situation irrégulière, au cours de la procédure de retour, était en contradiction avec le droit européen.
Mais selon les juges du Conseil constitutionnel(3), les peines prévues à l’article 621-1 du CESEDA ne sont pas « manifestement disproportionnées » par rapport à l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière, poursuivi par le gouvernement .
La cour de cassation pourrait se prononcer avant l’été
Le Conseil constitutionnel a également ajouté qu’il ne lui appartenait pas « d’examiner la compatibilité des dispositions contestées avec les engagements internationaux de la France » et que cette compétence appartient aux « juridictions administratives et judiciaires ».
Les Sages ont donc déclaré l’article contesté « conforme à la Constitution ».
Pour l’avocat du Gisti, Me Stéphane Maugendre, le Conseil constitutionnel a « renvoyé la patate chaude à la Cour de cassation ». Les peines de prison pour le seul motif de séjour irrégulier seraient relativement rares. Sur « 100 000 ouvertures de procédures pour séjour irrégulier » par an, on ne compte que « 600 condamnations sur le fondement unique de l’article 621-1 du Ceseda et 200 peines d’emprisonnement ferme », a déclaré l’avocat. Selon lui, « ce délit n’est utilisé que pour placer des gens en garde à vue, pour que la préfecture puisse prendre des mesures de reconduite à la frontière. C’est un détournement de procédure », a-t-il dit.
Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, a regretté que le Conseil constitutionnel « entérine un texte dans une rédaction dont on sait aujourd’hui qu’elle est inapplicable ».
« On donne une caution à un texte qui est aujourd’hui amputé et malade », a-t-il ajouté, anticipant la « mise en conformité des pratiques nationales avec la décision de la CJUE ». « Le véritable enjeu est celui de la légalité des gardes à vue sur la base de cet article », a-t-il souligné. « La Cour de cassation aura vocation à trancher normalement avant l’été, puisqu’elle est déjà saisie d’une série de recours ».
(2) CJUE, 6 déc. 2011, n° C329/11, Alexandre A. c/ Préfet du Val-de-Marne.
(3) Cons. const., 3 fév. 2012, n° 2011-217 QPC, Mohammed Alkii B