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Pour les sans-papiers et leurs supporters, cette décision avait valeur de test. Hier, neuf Maliens, qui s’étaient soustraits à une mesure de reconduite à la frontière le 28 mars 1998 à l’aéroport de Roissy, ont été condamnés par la cour d’appel de Paris à des peines de deux à six mois d’emprisonnement et, pour six d’entre eux, à une interdiction du territoire français comprise entre trois et cinq ans. L’arrêt n’a surpris personne: en novembre, un autre Malien, Cheikne Diawara, embarqué sur le même vol, avait été condamné à un an de prison ferme. L’histoire de ce vol Paris-Bamako n’est pas très claire. Le 18 mars 1998, onze Maliens sont interpellés lors d’une occupation de l’église Saint-Jean de Montmartre par un groupe de sans- papiers. A l’époque, cette occupation, destinée à attirer l’attention sur la régularisation très problématique des sans-papiers célibataires en vertu de la circulaire Chevènement promulguée l’été précédent, est loin de faire l’unanimité au sein des collectifs.
Parmi les sans-papiers entraînés dans l’aventure, figurent en effet des Africains, vivant en paix depuis de longues années dans des foyers du 18e arrondissement parisien. Donc théoriquement régularisables. Mais exposés à une reconduite en cas de «rencontre» avec la police. Ce sera le cas.
Pugilat. Parmi les occupants, onze Maliens sont arrêtés, placés en rétention et reconduits à la frontière. Une reconduite qui tourne au pugilat entre policiers et sans-papiers. Et à la controverse. Selon les sans-papiers et quelques témoins, passagers payants sur ce vol, les policiers emploient la force, quelques coups bas et des coussins sur le visage des reconduits, pour les contraindre au calme. Selon Stéphane Maugendre, avocat des Maliens et vice-président du Gisti (Groupement d’information et de soutien aux travailleurs immigrés), les passagers auraient alors pris le parti des sans-papiers, rapidement débarqués du vol, le pilote ne voulant pas décoller dans ces conditions. Un rapport des Renseignements généraux fait, au contraire, état de la résistance musclée des Maliens. C’est ce rapport, basé sur des témoignages indirects, qui a été pris en considération par l’accusation depuis le début de l’affaire.
Le 8 juin 1998, le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint- Denis), estimant que ce rapport ne prouve rien, relaxe les Maliens. Le 26 novembre, à la surprise générale, l’un d’entre eux, Cheikne Diawara, est condamné en appel à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction du territoire pour refus d’embarquer. Il s’est pourvu en cassation.
Mouvement effiloché. La condamnation de ses neuf camarades était donc attendue sans illusions, ce 18 mars. Ce troisième anniversaire de l’occupation de l’église Saint-Ambroise et le début du mouvement des sans-papiers a confirmé l’effilochement de ce mouvement, qui n’arrive pas à surmonter ses divisions internes et le manque d’appuis extérieurs. Parmi ces derniers, le Parti communiste, qui a saisi l’occasion pour développer son programme sur l’immigration: respect du droit d’asile, droit de vote aux élections locales et européennes pour les immigrés en France depuis plus de cinq ans, suppression de la double peine et arrêt des expulsions.
Sur le parvis de l’église Saint- Ambroise, les représentants du PCF ont été pris à partie par des anciens de Saint-Bernard. «Nous n’acceptons pas que vous parliez à notre place», leur ont-ils lancé, rappelant aux communistes qu’ils ont longtemps traités les sans-papiers de «manipulés» par l’extrême gauche. Un nouvel éclat qui laisse mal augurer de la manifestation «unitaire» et européenne de soutien aux sans- papiers, le 27 mars à Paris.