Sans-papiers: l’urgence d’une solution humaine

 Accueil,  Emilie Rive, 31/03/1998

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Le mouvement de solidarité aux sans-papiers est revivifié par les interventions de passagers des vols d’Air Afrique, alors que se rapproche la date limite des régularisations. Le PCF demande une entrevue au ministre de l’Intérieur.

EN fin de journée hier, le tribunal correctionnel de Bobigny devait se prononcer sur le sort de 12 Maliens dont les passagers d’un vol d’Air Afrique pour Bamako avaient empêché l’expulsion samedi. Ils avaient été arrêtés lors de l’évacuation par les forces de police des églises Notre-Dame-de-la-Gare et Saint-Jean-de-Montmartre, à Paris, et conduits au centre de rétention de Vincennes. Me Maugendre, l’un de leurs avocats, demandait pour tous le report du jugement. Il remarquait que les dossiers instruits comportaient des questions « bizarres »: « On a fait dire aux gens qu’ils n’ont pas subi de violences policières. Comme si on se protégeait à l’avance contre toute poursuite. Il n’y a pas eu de procès-verbal d’interpellation sur le refus d’embarquement, alors que onze des sans-papiers avaient clairement exprimé leur opposition à la procédure » (le douzième, drogué, bâillonné et menotté, ne pouvait pas s’exprimer). « Il y a des dossiers qui seraient a priori régularisables selon la loi Chevènement, poursuivait l’avocat, leur titulaires ayant travaillé dix, douze ans en France, sans interdiction de territoire ni casier judiciaire pour d’autres faits. »Samedi, à Roissy, des associations de soutien aux sans-papiers distribuaient des tracts aux passagers des vols africains, les engageant à protester auprès des h »tesses et du commandant de bord. Didier raconte: « Les CRS se sont mis à trois, parfois à cinq, pour faire monter les douze sans-papiers un par un. Le bus des passagers est arrivé un quart d’heure seulement avant l’heure d’envol. Ils sont montés, puis descendus après avoir discuté avec le commandant de bord. Les sans-papiers ont été ensuite redescendus et les passagers sont partis avec plus de trois heures de retard. »Une avancée positiveDepuis hier, les sans-papiers des Hauts-de-Seine occupent l’église de Nanterre, comme leurs collègues du Havre, en Seine-Maritime, l’église Saint-Pierre, et ceux de Créteil, en Val-de-Marne, et d’Evry, dans l’Essonne, les deux cathédrales. Ces derniers ont obtenu, samedi, du directeur de cabinet du préfet de l’Essonne une rencontre, le 5 avril, avec les services de la réglementation afin de trouver une méthode de travail commune aux deux parties pour examiner les dossiers en litige. C’est la première ouverture de ce type depuis le début du conflit. La coordination voit là une avancée positive, mais reste vigilante.

Il faut dire que le temps presse. Le 30 avril est la date butoir de la circulaire Chevènement. Les 150.000 sans-papiers qui se sont fait connaître et dont la situation ne sera pas régularisée à cette date seront alors expulsables. La majeure partie des cas aujourd’hui réglés sont ceux des gens pouvant faire état d’attaches familiales en France. Sont donc plus particulièrement concernés les ressortissants algériens, marocains et chinois. En revanche, les communautés d’Afrique noire, et surtout les Maliens et les Sénégalais, souvent célibataires, ont essuyé le maximum de refus. Les préfectures, dans leur cas, font jouer les accords… franco-algériens! Ce qui prouve bien que l’examen des dossiers a été effectué sans aucun sérieux, comme si un quota de régularisations avait été fixé arbitrairement, quelles que soient les situations réelles. Les recours administratifs déposés ne sont pas suspensifs, alors que les procédures peuvent durer jusqu’à quatre mois. Il semble que, si les choix du ministère de l’Intérieur ne changent pas, ce seront plusieurs milliers de sans-papiers qui seront finalement refusés parce que la circulaire Chevènement, déjà très restrictive, n’est même pas appliquée correctement.

Pour sa part, le Parti communiste français s’est adressé par lettre à Jean-Pierre Chevènement, le 24 mars, à qui il demande une rencontre. Il regrette « l’application très restrictive des critères de la circulaire » et souligne que « la régularisation fait apparaître de très grandes lacunes », en s’indignant de « la recrudescence des controles au faciès, d’arrestations massives, de mises en centre de rétention et d’expulsions musclées du territoire ».

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