Julien Constant, 20/12/2002
EDITH E… est toujours en fuite. Cette Nigériane de 25 ans est pourtant la pièce maîtresse d’un réseau international de prostitution de jeunes filles africaines. Constitué de véritables esclavagistes, ce réseau recrutait ses victimes en Afrique de l’Ouest avant de les récupérer au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) à la sortie des audiences destinées à statuer sur l’entrée en France des étrangers.
Cet après-midi, neuf de ses complices, tous originaires de pays anglophones d’Afrique de l’Ouest et installés en région parisienne, comparaissent devant le tribunal correctionnel de Bobigny, qui fixera la date de leur procès.
L’affaire débute en mai 2001, lorsque l’association Gisti (Groupe d’information et de soutien aux étrangers) dépose plainte auprès du doyen des juge d’instruction de Bobigny après la disparition de plus cinquante jeunes filles des foyers de l’aide sociale à l’enfance de Seine-Saint-Denis.
Jusqu’à 50 000 dollars à rembourser
C’est à la même période que les trottoirs parisiens des boulevards des maréchaux commencent à être inondés par les prostituées africaines. Ces réseaux montent en puissance et arrivent même à supplanter les organisations mafieuses albanaises.
Dans un premier temps, l’enquête piétine et rien de concluant n’émerge avant le 25 novembre 2001. C’est à cette date que trois prostituées, âgées de 20 à 25 ans, décident de raconter leur calvaire aux policiers parisiens. Recrutées à Lagos (Nigeria), ces jeunes femmes avaient été totalement prises en charge par Edith E… La mère maquerelle leur avait ordonné de déclarer aux autorités françaises qu’elles étaient âgées de 15 ans. Avant le départ, le réseau leur avait remis une carte téléphonique et un numéro à composer dès leur arrivée à l’aéroport de Roissy pour prévenir leur complice. Edith avait engagé un avocat spécialisé pour faire sortir ses proies du tribunal.
A l’issue de l’audience au tribunal de Bobigny ou à la sortie des foyers de Seine-Saint-Denis, Edith envoyait un chauffeur pour les ramener dans l’appartement d’un complice. Les trois jeunes femmes, obligées de se prostituer tous les soirs à la porte de Vincennes à Paris, battues dès que leur rendement baissait et quotidiennement menacées de mort, devaient rembourser le prix de leur voyage estimé à 50 000 dollars.
Ces informations ont permis d’interpeller les principaux acteurs du réseau, fin 2001. L’enquête a pu établir qu’au moins douze jeunes filles étaient passées entre les mains de ces proxénètes qui auraient aussi des bases arrière dans le nord de l’Europe.
Mais selon Me Stéphane Maugendre, l’avocat du Gisti, cette affaire n’est « qu’un iceberg qui cache la banquise ».