Stéphane Maugendre, avocat spécialiste du droit des étrangers, analyse les amendements proposés par le gouvernement dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne.
Que vous inspire les mesures du gouvernement?
Cela me choque qu’un gouvernement de gauche propose ce train de mesures. C’est une sorte de condensé Pleven-Peyrefitte-Pasqua, trois anciens ministres de l’Intérieur qui se sont distingués par des textes liberticides. On fait comme il y a quelques années et souvent en matière de terrorisme : on met des moyens judiciaires et juridiques à la disposition des juges, alors que ce sont les moyens matériels qui leur manquent. La législation antiterroriste existe et on a déjà pu en dénoncer les dérives. A l’occasion du procès du réseau Chalabi, notamment. Les avocats ont été contraints de boycotter les audiences, et ils ont calculé qu’au final l’ensemble des prévenus avait fait quatorze ans de détention provisoire pour rien. Ces mesures, pas plus que Vigipirate, n’empêcheront les terroristes de s’organiser. De ce point de vue, c’est de la poudre aux yeux. En revanche, elles vont favoriser des dérives très dangereuses pour les libertés publiques.
Lesquelles ?
Les rédacteurs vont si loin en matière de fouilles de véhicules et de perquisitions qu’ils précisent : si les opérations révèlent autre chose que les infractions visées dans les réquisitions du procureur, ces procédures incidentes ne pourront être frappées de nullité. En clair, le dispositif pourra être utilisé à d’autres fins que la lutte antiterroriste. C’est l’inconscient qui parle ! On couvre par avance toutes les possibilités de dérapage de la police. A la lecture de procès-verbaux, on remarque que certains services de police jouent déjà avec les limites, pour fouiller une voiture par exemple : «Regardant par la vitre du véhicule, voyons un joint de cannabis. Agissons donc en flagrance…» Il s’agit d’une pratique marginale. Mais si on leur donne la possibilité de le faire systématiquement, ils iront plus loin dans leurs pratiques quotidiennes. Les perquisitions sont possibles en enquête préliminaire, avec l’assentiment de la personne ou la présence de deux témoins. Or, je n’ai jamais vu de refus de perquisition en matière de terrorisme, dans aucune procédure. Que vise-t-on exactement ? Quant aux vigiles, ils pourront, demain, procéder à des fouilles et à des palpations de sécurité, avec le consentement de la personne. Qu’est-ce qu’un consentement dans ces conditions ? Que se passe-t-il si la personne n’obtempère pas ? Ces contrôles tomberont sur qui ? Ces dérives existent déjà avec les polices municipales. On ne doit pas donner de tels pouvoirs à des gens qui ne sont pas des policiers.