« ÇA OU RIEN, c’est quasiment la même chose. » Le verdict posé par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) au lendemain de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et les animateurs de la campagne contre la double peine est sévère, mais reflète assez fidèlement le sentiment dominant des associations de défense des étrangers. Mercredi 2 avril, le ministre de l’intérieur a fait connaître les conclusions du groupe de travail qu’il avait créé en novembre 2002 ( Le Monde du 4 avril).
Les principales organisations impliquées dans ce dossier ont décidé de faire connaître, vendredi, leur profonde déception » lors d’une conférence de presse.
Une « réforme en trompe l’œil », des « modifications cosmétiques » : les mots pour caractériser le sentiment dominant ne sont pas les mêmes. Mais le constat est partagé : la réforme qui se dessine derrière les propositions du groupe de travail et que Nicolas Sarkozy a déclaré faire siennes ne répond pas aux attentes. Le ministre de l’intérieur avait pourtant presque réussi à convaincre certaines associations et quelques personnalités comme Bertrand Tavemier de la sincérité de ses intentions réformatrices. Il avait ainsi publiquement reconnu le caractère « inhumain» de l’interdiction du territoire français (ITF) pour « les étrangers dont l’essentiel de la vie est en France ».
Confronté à une campagne efficace qui mobilisait associations, syndicats et organisations politiques, relayée par des députés de plus en plus nombreux, y compris dans les propres rangs de la majorité, le ministre de l’intérieur était convenu qu’il était nécessaire de réformer l’ordonnance de 1945 sur le séjour des étrangers.
« SE DONNER UNE IMAGE »
La réforme dessinée par le rapport du groupe ad hoc ne remet pas en cause le principe de la double peine, mais tente de l’aménager en le rendant moins arbitraire. Certaines associations ont l’impression de s’être fait flouer. « On est dans le domaine des effets d’annonce et de l’instrumentalisation des associations avec un faux dialogue », analyse Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH). « Ces propositions vont permettre au ministre de se donner une image de mouvement alors que rien ne bouge. »
Même sévérité au Gisti, où l’on juge que si le ton général du rapport est « il faut être humain », en même temps, selon Stéphane Maugendre, avocat et vice-président de l’association, « au nom de l’“éthique de responsabilité” avancée pour justifier le maintien de la double peine, des principes de base comme la non-discrimination et la proportionnalité des peines sont invalidés ».
D’autres se montrent plus pondérés. Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuplés (MRAP) veut « rester attentif et vigilant » et rappeler ses positions de principe pour une interdiction absolue de prononcer des ITF. Mais Mouloud Aounit, son président, estime que « le dossier n’est pas bouclé ».
La Cimade n’est pas non plus totalement critique : « M Sarkozy a respecté le plan de travail annoncé. A priori, j’ai confiance », assure Bernard Bolze, porte-parole de la campagne, qui reconnaît cependant : « II ne touche pas au principe de l’ITF, et la vraie protection pour les résident de longue durée n’apparaît pas. » Il pense néanmoins que « le rapport n’est pas le projet de loi et que les associations ont leur rôle à jouer ».
C’est également le sentiment du député (UMP) Étienne Pinte, auteur d’une proposition de loi supprimant les ITF. « C’est un point extrêmement positif que le ministre ait tenu ses engagements. Mais j’ai du mal à comprendre pourquoi le rapport maintient les interdictions du territoire partir du moment où le ministère de l’intérieur a entre les mains la possibilité d’expulser au nom l’ordre public. » Le député a prévu d’envoyer par écrit, d’ici huit jours », ses réactions. Tout comme les associations, qui ont mis au point une lettre conjointe expliquant que « le principe de maintien de la double peine est inadmissible ».