Sylvia Zappi, 29/11/2002
Elles militent pour le retrait du code pénal de l’interdiction du territoire.
FAUT-IL supprimer l’interdiction du territoire du code pénal et laisser au seul ministère de l’intérieur l’arme de l’expulsion ? Alors que la question de la double peine surgit une nouvelle fois dans le débat politique, la réflexion des associations de défense des étrangers semble désormais prendre une tournure paradoxale : après des années de lutte contre l’emprise de la police sur la situation des étrangers en France, elles souhaitent aujourd’hui retirer à l’autorité judiciaire un pouvoir de décision pour le.confier à nouveau – mais dans certaines limites – au ministère de l’intérieur.
La double peine – condamnation complémentaire qui conduit un délinquant étranger, une fois purgée sa peine de prison, à être expulsé du territoire – a été introduite dans le droit français sous forme peine d’interdiction du territoire français par la loi du 31 décembre 1970 dite « loi Chalandon » ; texte qui visait exclusivement les étrangers condamnés pour certaines infractions graves à la législation des stupéfiants. Le champ de la loi a été progressivement étendu aux délits liés au séjour, puis à plus de 220 incriminations (atteintes aux biens et aux personnes, à la nation, à l’Etat, à la paix publique…).
« DÉRIVE JUDICIAIRE »
La loi Sapin avait tenté, en 1991, de donner un coup d’arrêt à cette montée en puissance en instaurant des catégories d’étrangers à l’encontre desquels une interdiction du territoire ne pouvait être prononcée en raison de leurs liens avec la France. Mais, en 1993, Charles Pasqua, alors ministre de l’intérieur, avait modifié la loi en donnant la possibilité d’expulser quiconque à la seule condition de motiver la décision. L’«urgence absolue » ou l’« ordre public » ont ainsi été couramment invoqués et les expulsions se sont multipliées.
Arrivé au ministère de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement avait refusé d’abroger ces dispositions, se contentant d’ajouter que la décision d’expulsion devait être prise au regard de la situation familiale.
La peine accessoire, a priori d’exception, était devenue une peine courante. «Les magistrats en ont fait une peine principale qui s’est largement répandue. Certaines cours, comme celle de Lyon, le font systématiquement », dénonce Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme. « Cette peine de bannissement est un pouvoir énorme laissé aux juges. C’est une peine indigne », renchérit Stéphane Maugendre (avocat), vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Pour remédier à ce qu’elles qualifient de « dérive judiciaire », les associations voudraient en fait supprimer l’interdiction du territoire de l’arsenal juridique. Mais elles estiment que le ministère de l’intérieur ne devrait pas, de son côté, pouvoir décider à sa guise d’expulsions administratives. En guise de « garde-fous », elles proposent – comme le député (UMP) Etienne Pinte – que le ministère ne puisse expulser sans un avis conforme de la commission d’expulsion et que les recours aient un effet suspensif.
« Il faut que l’expulsion redevienne une exception, explique M. Maugendre. Il ne doit plus y avoir de peine discriminatoire fondée simplement sur la nationalité et qui sanctionne la délinquance des étrangers de manière spécifique. «