Dupont Audrey,
Gare à ceux qui aident les immigrés
La générosité peut-elle être un délit? L’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 stipule que toute personne qui aura «facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France […] sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros». Les 23 avril et 30 mai, Charles Framzelle, dit «Moustache», et Jean-Claude Lenoir, membres du Collectif de soutien d’urgence aux réfugiés, ont été mis en examen pour «aide au séjour» d’immigrés clandestins. Jusqu’alors, cet article très contesté n’avait été que rarement utilisé. Mais dans son projet de loi sur l’immigration – discuté à partir du 24 juin à l’Assemblée nationale – Nicolas Sarkozy prévoit de le renforcer en aggravant les peines. En ligne de mire: les associations et les syndicats. Camille, responsable de la communauté d’Emmaüs de Bourg-en-Bresse (Ain), a déjà été mis en garde à vue en février dernier pour le même motif. Une procédure est en cours. «Si Emmaüs est mis en examen, toutes les associations, les maires et Etienne Pinte [député maire UMP de Versailles, qui réclame l’abolition de la double peine] doivent l’être aussi!» s’insurge Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Fabien Tuleux, délégué général d’Emmaüs France, renchérit: «On touche ici à nos valeurs. Depuis cinquante ans, nous pratiquons un accueil inconditionnel. En hiver, on se fiche du statut administratif des gens. Notre relation est avant tout fondée sur la confiance.»