Le vol Paris-Bamako atterrit au tribunal

  Fabrice Tassel

Sébastien Calvet
Sébastien Calvet

C’est de la défiance davantage que de la colère. Ces citoyens venus soutenir les «rebelles» du vol Paris-Bamako n’ont plus confiance : le tribunal de Bobigny ne va-t-il pas juger trois hommes qui ont osé manifesté leur colère alors que la police expulsait, le 17 avril, quatre Maliens en situation irrégulière ? Alors, quand il s’agit, dans la salle pleine à craquer, de libérer des places pour les journalistes, cette foule en perte de confiance s’arroge un droit de censure : France 3 ? Oui. Canal + ? Non, sous les lazzis. Un journaliste du Larzac, «qui a fait 700 bornes» ? Bien sûr. Les policiers appellent les CRS pour contenir l’impatience de ceux qui restent à la porte. La situation reste pourtant calme. Elle le demeure trois heures plus tard, après les réquisitions.

Clients plutôt que citoyens. «Libre et traumatisé», avait dit un peu plus tôt à la barre un témoin qui avait été menotté et embarqué dans le fourgon de police avec les trois prévenus, avant d’en être libéré. Libres et traumatisés, ainsi apparaissent le public et les prévenus après l’annonce de la condamnation : «Coupables, mais dispensés de peine», conformément aux réquisitions du parquet. Le procureur avait demandé au tribunal de sanctionner «ces remarques intempestives incitant les autres passagers à refuser ce qui était décidé par les services de police».

Pour éviter toute politisation des débats, le parquet a fustigé une attitude de clients plutôt qu’une démarche de citoyens. Il devenait plus facile de constater que trois clients ont bel et bien «entravé», selon la qualification pénale, le départ du vol Paris-Bamako. A la barre, Paul Rosner, Léandre Chevalier et Patrick Herman n’ont pas osé s’affirmer comme ce qu’ils sont : des citoyens-militants. Les trois ont prudemment mis en avant les risques «pour la sécurité du vol» que représentait l’expulsion, «dans les hurlements et les pleurs». Maladroitement, les prévenus ont tenté de se glisser dans l’habit du consommateur mécontent de la prestation qu’il a payée. Seules les questions du tribunal leur font avouer leur «honte face aux conditions inhumaines infligées aux expulsés».

«Droit de m’indigner». Un témoin d’origine mauritanienne, Djibril Ba, lui aussi brièvement menotté dans le fourgon, trouve les mots qui manquent aux prévenus : «Je suis devenu français, j’ai adopté les lois françaises mais j’ai encore le droit de m’indigner.» Tout comme l’a fait le commandant de bord qui a demandé, en vain, à l’escorte de police de descendre de l’avion. Le refus n’a fait qu’envenimer la situation.

Le parquet se veut aérien, au plus près du code de l’aviation civile. «Qu’il soit insupportable de vivre une situation inhumaine, bien sûr, explique le procureur, mais il faut être honnête avec soi-même : ce que ces messieurs ont eu à vivre, c’était leur problème, celui d’un consommateur de voyage surtout intéressé par son propre devenir : son arrivée à Bamako.».

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