24/04/2010
Stéphane Maugendre, 49 ans, est avocat au barreau de Seine-Saint-Denis. Il est le président du groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) depuis 2008.
Pensez-vous que cette affaire éclate par hasard ?
STÉPHANE MAUGENDRE. Non, elle est même presque trop belle pour le gouvernement en ces temps de débat sur l’interdiction du voile intégral ! Impossible de dire pour le moment si le ministère de l’Intérieur a mené l’enquête en un temps record ou s’il disposait d’éléments sur cette famille avant que cette femme ne porte plainte pour avoir été verbalisée avec un niqab au volant. Ce qui est sûr, c’est que, grâce à cette histoire, le gouvernement peut espérer un soutien inattendu à sa loi. Et un tassement des voix qui s’élevaient contre. Car le raisonnement qu’ils vont tenir est simple : qui dit voile intégral dit nécessairement polygamie, appartenance à une mouvance islamiste, fraude aux allocations familiales… donc personnes dangereuses pour la France. Mais on ne déchoit pas quelqu’un de sa nationalité française facilement.
Quelles sont les conditions pour mener la procédure de déchéance de nationalité ?
Apparemment, d’après la lettre de Brice Hortefeux, cet homme a obtenu la nationalité française par mariage en 1999. Pour éventuellement le déchoir de sa nationalité, il faut prouver qu’il était déjà marié civilement avec une autre femme avant cette date. Dans ce cas, le mariage contracté en 1999 sera considéré comme nul, et une procédure en extranéité (retrait de la nationalité) pourra être lancée. Peu importe depuis combien de temps cette personne réside sur le territoire français. Mais s’il vit avec plusieurs femmes sans être marié avec elles, sa conduite n’est pas répréhensible judiciairement.
Et que pensez-vous de la loi sur le voile ?
Le Gisti ne prend pas position sur cette question. Mais l’utilisation politique d’un cas particulier et extrême comme celui-ci reste de toute façon scandaleuse. On ne peut légiférer dans ces conditions, dans l’urgence, et après un tel ramdam.
Une réflexion sur « Affaire de la conductrice voilée : « On ne peut légiférer dans ces conditions » »
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