Le « procès Chalabi » se poursuit devant des bancs vides

index Acacio Pereira, 06/09/1998

Le tribunal a examiné, vendredi, en moins d’une heure, les faits reprochés à trois prévenus, en leur absence.Les avocats continuent de dénoncer « un procès inéquitable et honteux »

A son quatrième jour, le procès du « réseau Chalabi » de soutien aux maquis algériens a continué dans un contexte surprenant. Alors que 138 personnes sont prévenues, seuls 3 détenus, 3 avocats et une trentaine de prévenus libres étaient présents, vendredi, dans le gymnase de l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire de Fleury-Mérogis (Essonne) spécialement aménagé. Le bras de fer se poursuit entre le président du tribunal,Bruno Steinmann, et la plupart des avocats qui ont déserté le procès, pour en dénoncer le caractère « de masse ». Ils appellent les pouvoirs publics à « faire cesser cette injustice ». De son côté, le président a fait procéder à des aménagements matériels réclamée par les avocats. Il espère que ceux qui boycottent le procès reviendront bientôt sur leur décision. Sinon, il pourrait accélérer le rythme du procès.

PLUS LES JOURS passent, plus la durée des audiences du « procès Chalabi » se réduit. Record battu, vendredi 4 septembre : en moins d’une heure, le tribunal a examiné les faits reprochés à trois des cent trente-huit prévenus soupçonnés d’avoir participé à un réseau de soutien logistique aux maquis islamistes algériens. La veille, avec vingt-trois autres prévenus détenus, ils avaient quitté les box dans la confusion la plus totale. Ils ne sont pas revenus. Un seul est représenté par son avocat, bien désœuvré.

Le planning initial ne devrait pas être bouleversé dans l’immédiat. Le président Bruno Steinmann espère toujours que les prévenus qui ne veulent plus comparaître et les avocats qui ont décidé de boycotter le procès reviendront bientôt sur leurs décisions. A défaut, il pourrait être tenté d’accélérer le mouvement en examinant chaque jour le cas d’un plus grand nombre de prévenus. Quoi de pire, en effet, pour un président de tribunal que de mener des débats virtuels faute de participants ?

A l’ouverture de l’audience, M. Steinmann s’offre un petit préambule en forme de pique contre les avocats absents. Mardi, au premier jour du procès, ces derniers avaient réclamé de pouvoir s’asseoir plus près du tribunal et de pouvoir communiquer avec leurs clients prévenus. Bruno Steinmann avait alors promis de faire le maximum avant la fin de la semaine. «Des ouvertures ont été pratiquées dans les vitres pare- balles », indique-t-il. Avec une pointe d’ironie, il ajoute : « Des chaises, installées à la demande des avocats, se trouvent depuis deux jours en face de moi. » Vides, naturellement

Le président fait ensuite part au tribunal des faits reprochés aux trois prévenus du jour. Après chaque lecture, s’efforçant de maintenir une apparence de normalité, il pose la question rituelle au représentant du ministère public, Bernard Fos : «Avez-vous des observations à formuler?» «Je regrette simplement de ne pas pouvoir poser de questions au prévenu », répond, désolé, M. Fos. La scène est presque drôle. Pour le reste, le procès semble tourner à vide, au point que dans la salle, un prévenu libre ne cache plus son ennui en bâillant ostensiblement

PROTESTATION COLLECTIVE

Avant la levée de l’audience jus¬qu’à lundi, Ismaïl Debboub, l’un des trois prévenus détenus présents, demande à prendre la parole. «Je voulais préciser que, concernant les armes retrouvées dans le pavillon que j’habitais à Villeneuve-Saint-Georges, elles n’ont en aucun cas appartenu à un autre réseau que le nôtre, à savoir celui du FIS. » La veille, Mohamed Chalabi, présenté comme l’un des chefs du réseau démantelé, avait pris la responsabilité de l’ensemble des armes retrouvées par les policiers (Le Monde du 5 septembre). « Pourquoi vous démarquer?, interroge le président. – Parce que je n’ai jamais fait partie du réseau Chalabi », lâche le prévenu.

A l’extérieur du gymnase de Fleury-Mérogis où se déroule le procès, Mes Nathalie Jaudel et Mathilde Jouanneau, au nom du collectif des avocats contestataires, réclamant à nouveau « l’arrêt de ce procès inéquitable et honteux, indigne d’un État démocratique ». Dans ce texte bref, les avocats appellent «solennellement les pouvoirs publics et les démocrates de ce pays à [les] soutenir pour faire cesser cette injustice». Enfin, selon nos informations, tous les avocats commis d’office dans ce procès sont convoqués, lundi matin 7 septembre, par la bâtonnière dei l’ordre des avocats, Me Dominique de La Garanderie. Le texte de la convocation ne précise pas l’ordre du jour.

⇒ Voir l’article