Expulsé décédé à Roissy : sursis requis

Getu Hagos Mariame, 24 ans, est décédé lors de son expulsion en 2003. Les agents de la Police aux frontières « ont été négligents ou maladroits ».

Le procureur de la République de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a requis jeudi 28 septembre de l’emprisonnement avec sursis, sans en préciser la durée, contre deux policiers et la relaxe d’un troisième poursuivis pour homicide involontaire à la suite du décès d’un Ethiopien de 24 ans (que les autorités avaient d’abord dit somalien), embarqué de force dans un avion en janvier 2003.
Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.
Les deux premiers fonctionnaires de la Police aux frontières (PAF) « ont été négligents ou maladroits », a assuré l’accusation en estimant que leurs gestes ont conduit au décès de Getu Hagos Mariame. Ce dernier était arrivé le 11 janvier 2003 d’Afrique du Sud. Le 16, sa demande d’asile étant rejetée, il doit être ré-embarqué dans un vol d’Air France à destination de Johannesburg.

Mais l’homme refuse son retour, simule deux malaises en zone d’attente de l’aéroport de Roissy. De force, il est embarqué à l’arrière de l’avion avant les passagers, entre Axel Daillier, 26 ans, chef d’escorte, et Merwan Khellady, 32 ans. Le troisième fonctionnaire, David Tarbouriech, 28 ans, fait face sur la rangée précédente.« Déporté accompagné »Le « déporté accompagné », c’est ainsi qu’on les appelle, hurle, se débat. Pour le forcer à rester calme, Axel Daillier le maintient plié en deux sur son siège, Merwan Khellady tient les menottes, lui entravant les mains dans le dos. David Tarbourieh lui appuie sur la tête de temps en temps pour l’empêcher de se relever mais fera surtout le « tampon », comme il l’a expliqué, avec les passagers.

Getu Hagos Mariame serait resté dans cette position une vingtaine de minutes. Selon l’expertise médicale, cette position pliée a entraîné son décès par manque d’oxygénation. Depuis ce drame, cette « technique du pliage » est interdite.

« J’ai appliqué les consignes. On n’avait aucune formation. La consigne de ‘pliage’ était celle à faire lorsqu’un individu se rebellait », a expliqué Axel Daillier. A l’époque des faits, il était à la PAF depuis trois ans et avait déjà effectué une trentaine d’escortes.

Brusquement, le passager se calme. Leur première réflexion est qu’il simule un malaise. Mais bien vite, ils s’aperçoivent qu’il est victime d’un malaise. Le Somalien décédera à l’hôpital.

« Trois semaines pour digérer tout cela »

Pour l’accusation, il ne fait aucun doute que les gestes de Daillier et Khellady, doublé d’une « formation lacunaire », ont entraîné le décès de la victime.

L’avocat de la partie civile, Me Stéphane Maugendre, a estimé que les trois hommes sont allés au-delà de l’usage de la force strictement nécessaire. Et regretté qu’ils n’aient pas eu un mot à l’audience pour les parents de la victime qu’il représente.

Les trois hommes n’ont pas exprimé de regrets. « On ne peut qu’être affecté », a déclaré David Daillier. « C’est quand même assez troublant de vivre avec cela », a ajouté Merwan Khellady tandis que David Tarbouriech assurait qu’il lui avait fallu « trois semaines pour digérer tout cela ».

La défense a plaidé la relaxe. Pour Me François Cornette de Saint-Cyr, avocat de Tarbouriech, ils n’ont « fait que leur devoir », sans excès de « zèle ». Me Georges Holleaux, avocat de Merwan Khellady, a plaidé que ces policiers n’avaient pas de règles écrites en cas de reconduite. Depuis ce drame, elles existent. Après le drame, les trois fonctionnaires avaient été suspendus dix mois, avant d’être réintégrés. (AP)

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