Mort dans l’avion d’un Argentin expulsé

  Charlotte Rotman

Ricardo Barrientos est décédé dans l’appareil qui devait le ramener à Buenos Aires.

Pascale Aimar
Pascale Aimar

Ricardo Barrientos, un Argentin de 52 ans, est mort à Roissy dans l’avion qui devait le ramener dans son pays. Cet étranger sans papiers, sous le coup d’une interdiction du territoire français notifiée par le préfet de l’Essonne, devait être expulsé vers Buenos Aires par le vol AF 416 de la compagnie Air France, le 30 décembre au soir. Il est ressorti sans vie de l’appareil où il avait été embarqué. La police aux frontières (PAF) assure qu’il s’agit d’une mort naturelle.

Plié en deux. Ricardo Barrientos a été présenté à l’embarquement à 22 h 30, le lundi 30 décembre. «Il n’était pas très content de partir», convient la PAF. Comme souvent dans ce genre d’expulsion, il est amené à l’arrière de l’appareil par une brigade d’escorte, avant l’embarquement normal des passagers. Il est alors assis sur le siège central de la dernière rangée et plié en deux par deux policiers en uniforme qui le maintiennent dans cette position, en appuyant sur chacune de ses omoplates. «Cette méthode de faire plier en deux les étrangers renvoyés, de les oppresser pour les empêcher de crier et d’alerter les passagers est de plus en plus répandue», note l’Anafé, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers.

«Juste avant le départ, il a été pris d’un malaise», note l’enquête de police. Selon des témoins à bord, l’homme gesticulait et se débattait, comme c’est presque systématiquement le cas. «Puis il a arrêté de se débattre», se rappelle un passager. Les policiers ne réagissent pas immédiatement. «Cela a été un peu nébuleux», se souvient cette même source. Peut-être ont-ils imaginé que l’Argentin, comprenant que son expulsion devenait inévitable, abandonnait toute résistance ?

Puis, alors que l’avion s’est totalement rempli, on demande un médecin à bord. Ricardo Barrientos est transporté, inerte, vers l’avant de l’appareil. Il est porté à l’horizontale, «comme un sac à patates», selon des témoins. Les passagers ne s’inquiètent pas vraiment. Un touriste sud-américain, médecin, vient l’ausculter et le déclare mort depuis une dizaine de minutes. Selon la police aux frontières, un médecin du service médical d’urgence est venu l’examiner sur la passerelle, à la sortie de l’avion maintenu au sol. Lui aussi constate le décès. Une autopsie a été pratiquée par l’Institut médico-légal de Paris qui conclut à une crise cardiaque. Selon la PAF, il n’y a pas eu de violences. «Aucun incident n’a été signalé par le pilote au moment de l’embarquement, ni avant ni après. La procédure a été respectée.»

En l’absence d’autres versions que celle de la police, des interrogations demeurent cependant autour de ce décès ainsi que sur l’état de Ricardo Barrientos avant son embarquement. D’avis médical, une crise cardiaque est précédée de signes avant-coureurs qui auraient pu alerter son entourage. Les infarctus aussi brutaux sont rarissimes et précédés de très violentes douleurs thoraciques.

Drames. Ces dernières années, d’autres expulsions ont viré au drame. En septembre 1998, la jeune Nigériane Sémira Adamu, escortée par la police belge, avait péri lors d’une tentative de rapatriement particulièrement violente. Sa mort avait bouleversé la Belgique. En France, le dernier décès à bord d’un avion survenu lors d’une procédure d’expulsion remonte à 1991. Sur le vol UT 568, à destination de Colombo, un demandeur d’asile sri lankais n’avait pas survécu à l’embarquement. Le rapport de la police aux frontières avait conclu à l’«arrêt cardiaque».

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