Meurtre d’un vigile : des versions contradictoires

images fig Tanguy Berthemet, 20/06/2001

C’est une histoire de frères que les magistrats de la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, tentent de démêler depuis hier. Une histoire d’entraide et de meurtre. Celle d’Henri, tout d’abord, qui, pour aider son aîné, Bienvenue Makolo, un Zaïrois sans papier, lui prêtait son identité pour travailler dans une société de gardiennage. Celle de Fabrice Ozier-Lafontaine, qui, voulant veiller sur son cadet, Jérémie, a poignardé à deux reprises Bienvenue, alors vigile dans un centre commercial.

Le 1er juillet 1998, vers 18 h 30, Fabrice Ozier-Lafontaine, aujourd’hui âgé de 29 ans, se rend à Rosny II avec « des amis, pour manger». Ils sont, selon lui, « chauds », après avoir bu du rhum. Au sortir du magasin Darty, le groupe, composé de sept à huit jeunes, croise trois agents de sécurité. Le ton monte vite. « Ils voulaient qu’on parte, alors il y a eu des gestes et des insultes », témoigne, à la barre, Malik Dioum, un ami de Fabrice. Les vigiles appellent deux collègues en renfort, puis la police.

Mais près de la porte, une bagarre éclate. Bienvenue Makolo, touché de deux coups de couteau au cou et au front, ne se relèvera pas. Très rapidement interpellé, Fabrice reconnaît les faits, tandis qu’un poignard est retrouvé non loin, dans un bac à fleurs.

Mais ce sont bien là les seules certitudes des débats. De fait, Fabrice affirme « avoir été pris de dos par une clef au cou ». « Je ne voyais rien, j’étouffais. Alors j’ai sorti mon couteau et j’ai piqué deux fois très vite. Je ne voulais pas tuer », explique-t-il. Seulement, Bienvenue Makolo, interrogé très peu de temps avant de mourir, a assuré que son agresseur lui avait d’abord lancé : « Casse-toi ou je te nique ! », avant de l’attaquer de face. Quant aux témoins, tous racontent des versions différentes, voire contradictoires, du drame. « Pourquoi vous promeniez- vous avec un couteau ? demande alors la présidente. – Je suis toujours armé », se contente de répondre l’accusé.

Et Me Yves Leberquier, d’insister : « Mais pourquoi ? – Depuis que j’ai vu, à l’âge de 12 ans, et sans pouvoir intervenir, mon oncle violer ma petite sœur sourde-muette. »