Crime du periph : l’heure des comptes

logo france soir Olivier Pelladeau, 15/09/2000

L’assassinat de la policière Catherine Choukroun et la tentative contre son coéquipier Emile Hubbel, sur le boulevard périphérique, le 20 février l991? «Un acte antisocial, un jeu tragiquement gratuit, la traduction criminelle du «t’es pas cap » des enfants ».

Au terme de sept audiences, l’avocat général Philippe Bilger a distribué les rôles. Il a requis hier, devant la cour d’assises de Paris, vingt ans de réclusion criminelle contre les videurs d’immeubles de passes Aziz Oulamara et Marc Petaux, et au plus cinq ans contre l’ex-prostituée Nathalie Delhomme.

Manipulation

On attendait de voir quelle lecture ferait l’avocat général du revirement de mercredi, Delhomme revenant finalement à ses aveux en garde à vue : elle était présente dans la 205 des criminels, à l’arrière, camée. C’est Oulamara qui a tiré. Elle ignore qui conduisait mais ce n’est pas Petaux.

«Manipulation», a balayé hier Philippe Bilger, qui sent dans ce procès une histoire apparente et une histoire cachée, expliquant les revirements au gré des implications respectives dans d’autres affaires. Lui a I la certitude qu’Aziz Oulamara, lâché par ses coaccusés, est le tireur », « au mieux la quasi-certitude » que Marc Petaux conduisait la 205, et l’idée que Nathalie Delhomme, consciente et complice, encourageait depuis le siège arrière.

« Oulamara sans Petaux, il n’y a pas d’acte criminel. Car il fallait à Oulamara, chien fou pétri d’admiration, être sous le regard de l’autre», ce Petaux brutal, voleur, jouisseur, qui nie aujourd’hui jusqu’à des faits prouvés, parce que lâcher une miette reviendrait à s’impliquer.

L’avocate de la famille Choukroun avance qu’il s’agissait pour les deux d’un rite de passage pour prendre du galon dans le milieu.

Nier, c’est oublier les vantardises d’Aziz dans la rue Saint- Denis (« On a fumé un flic ») ou les propos « crédibles » d’un fourgue. Le gardien Emile Hubbel, selon son avocat, Me Maugendre, « revoit, lui, depuis dix ans, des silhouettes dans une voiture sombre, entend deux coups de feu, découvre sa collègue en sang… il attend la vérité ».

Le verdict, prononcé aujourd’hui, en apportera une, après les plaidoiries de la défense commencées hier soir.

Le poignant témoignage du mari de la policière

«Après cette bombe atomique, il y a ma deuxième vie, plus triste, plus dure. Celle d’un homme seul avec une fille de six mois à l’époque. Si Estelle n’avait pas été à mes côtés, je ne serais plus là Je serais devenu fou. Elle m ’a sauvée. » Tard mercredi soir, Gilles Choukroun, 42 ans, est venu confier aux jurés son remords et son désespoir après l’assassinat de son épouse policière. Il tapote la barre, s’arrête au cœur d’une phrase et glisse, effondré, que si Catherine a passé le concours de gardien, c’est après qu’il a vu par hasard une annonce à la Préfecture. Il lui en parle, comme ça. pie enregistre, postule. Fini les petits boulots, le secrétariat médical, l’école Pigier. « Elle voulait un travail actif. La police l’a changée. C’était une fille sportive, généreuse. C’était une vie simple, heureuse. J’étais employé de banque. Elle aimait son métier, ses collègues. Elle voulait progresser, passer officier. »« Le 20 juillet je me suis réveillé à 5 heures. Dans le brouillard, j’ai vu le gyrophare d’une voiture de police. Je revois sa chef, qui n’ose me dire que Catherine est morte. Le monde s’écroulait je tremblais, j’ai pensé à notre fille endormie au-dessus. » Près de lui, le gardien survivant Hubbel sanglote, encore bouleversé par l’audition de l’enregistrement du trafic radio du 20 février. Quatre minutes irréelles. Blessé, pleurant, sa collègue agonisante sur l’épaule, Hubbel appelle des renforts. Le central croit à une blague avant de réaliser.