Archives de catégorie : Régularisation

Régularisation par le travail : un « piège » pour le Gisti

rue89-logo Chloé Leprince, 05/01/2008

L’association alerte contre l’illusion d’une vague de régularisations qui cacherait une stratégie de fichage des clandestins.

Une série de documents émanant des directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle promet des papiers aux ressortissants étrangers démunis de titre de séjour, pourvu qu’ils aient un travail, voire une simple promesse d’embauche. En Seine-Saint-Denis, un document que s’est procuré Rue89 les invite ainsi à « se présenter à la préfecture de Bobigny ou à la sous-préfecture du Raincy avec une promesse d’embauche », en échange de quoi l’administration leur cèderait des papiers.

Une promesse des préfectures basée sur l’article 40 de la loi Hortefeux. Pour le Gisti, il ne s’agit guère plus que d’un effet déformant de la loi. L’avocat Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, n’hésite pas à parler de « piège » :

« C’est au cours de la discussion parlementaire qu’on a ouvert l’idée d’une régularisation par le travail. Mais attention : certains députés, comme Thierry Mariani, le rapporteur du texte, l’ont présentée comme un gage de générosité. Or, si c’est un signe d’ouverture, c’est aussi dangereux.

“Peu à peu, une rumeur gonfle, chez les sans-papiers, mais aussi dans les associations et chez certains travailleurs sociaux. Cette rumeur laisse entendre qu’il suffirait d’une promesse d’embauche pour avoir des papiers. Or pas du tout : c’est loin d’être systématique ! ‘

Fichage contre promesse

Pour le vice-président du Gisti, qui y voit un effet d’annonce’, il s’agit en fait avant tout de ‘ficher les célibataires comme on a fiché les parents d’enfants scolarisés, qui n’ont été que 6000 à 10000 régularisés après la circulaire Sarkozy pour 60000 sans-papiers sortis au grand jour’ :

‘On voit des gens se précipiter à la préfecture avec une promesse d’embauche alors que le texte n’est même pas applicable et que c’est la meilleure façon de se faire embarquer. Non seulement ils divulguent alors leur adresse personnelle, mais aussi le nom de leur employeur, or on sait bien que c’est souvent quelqu’un qui emploie dores et déjà des clandestins.’

Dans les faits, les poursuites sont encore rares à l’encontre des employeurs. Le parquet de Chalons-sur-Saône a, par exemple, renoncé à poursuivre Michel Millet, le notable vigneron médiatisé mi-décembre pour être monté au créneau lorsque Benali Sahnoune, son ouvrier agricole algérien, a été expulsé. Mais le Gisti avance que, depuis ‘une petite année, de plus en plus d’entreprises prennent contact pour savoir comment obtenir des papiers pour leurs salariés’. Sachant que certains, comme la CGT, avancent le chiffre -énorme- de ‘90% de sans-papiers salariés’.

Du côté des inspecteurs du travail, les syndicats montent au créneau depuis déjà plusieurs semaines pour dénoncer la prise en main des tâches des directions du travail par le ministère de l’Immigration et de l’identité nationale ‘sous couvert de lutte contre le travail clandestin’.

Le mois dernier, le ministère de l’Immigration avait rendu publiques les listes des métiers ouverts, région par région, aux non ressortissants de l’Union européenne : en tout, trente métiers -contre 129 pour les travailleurs des nouveaux pays de l‘UE- dont la plupart sont des métiers très qualifiés qui ne correspondent pas aux emplois réellement exercés’, critique Yves Veyrier, qui suit les questions liées à l’immigration pour Force Ouvrière.

Contactés à plusieurs reprises, les services de Brice Hortefeux n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

La préfecture retire sa note aux travailleurs sans-papiers

  Carole Sterlé, 26/12/2007

UNE PROMESSE d’embauche ou un CDI contre une régularisation. Pour les nombreux sans-papiers qui travaillent, parfois avec de vraies feuilles de paye, la proposition est tentante. La loi Hortefeux du 20 novembre autorise en effet cette régularisation, à titre exceptionnel, pour les sans-papiers qui travaillent dans des secteurs en manque de main-d’oeuvre.
Des dossiers se constituent en préfecture, alors que la loi n’est pas encore opérationnelle.

En Seine-Saint-Denis, une note de la Direction départementale du travail du 5 décembre informe les ressortissants étrangers qu’ils « doivent se présenter à la préfecture de Bobigny ou sous-préfecture du Raincy avec une promesse d’embauche pour examen de la situation et recevabilité de la demande ». Depuis, les téléphones des associations et avocats spécialisés ne cessent de sonner.

« Des étrangers en situation irrégulière nous demandent s’ils doivent aller faire les démarches », rapporte un avocat. Les réponses divergent. « Moi, je leur dis de ne surtout pas y aller, estime Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Gisti*. On surfe sur une rumeur. Et comme la loi n’est pas encore applicable, en se signalant auprès de la préfecture, ils s’exposent à une interpellation. »

La liste des « métiers sous tension » n’est toujours pas publiée

Interrogée, la préfecture de Bobigny a fait savoir que cette note avait été retirée après quelques jours. « Son affichage était prématuré puisque nous attendons les directives gouvernementales, explique-t-on au cabinet du préfet. Cette note est donc caduque, nulle et non avenue », ajoute-t-on sans préciser si des dossiers ont été constitués entre-temps. A Paris, une note similaire, datée du 22 novembre, stipule que, « dans l’attente des instructions ministérielles », la Direction départementale du travail de Paris « recevra les dossiers de demande d’autorisation de travail qui lui seront présentés ». Selon nos informations, des dossiers ont déjà été constitués.

Au ministère de l’Emploi, on indique qu’aucune directive n’a été donnée par rapport à la réalisation de ces notes, et on renvoie sur le ministère de l’Intégration et de l’Identité nationale. « Pour que la régularisation par le travail soit effective, il faut que le décret d’application soit publié. Cela ne devrait pas être très long, Brice Hortefeux souhaiterait que ce soit le plus vite possible », précisent les services du ministre de l’Intégration.

Et d’assurer qu’un « cuisinier sénégalais a été régularisé dans la région de Strasbourg, où les cuisiniers faisaient défaut ». Pour l’heure, aucune liste des métiers « en tension » pour les ressortissants d’Etats tiers (hors Europe élargie) n’est officielle.

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Sans-papiers : « La mobilisation va au-delà des habituels militants »

rue89-logo Anne Diatkine 04/07/2007

Il y a un an, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, décidait d’examiner la situation des enfants sans papiers scolarisés et de leurs familles. Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, revient sur les critères « arbitraires » de régularisation qui ont prévalu, et décrit la situation des familles déboutées.

Parmi les éléments examinés par les préfectures : la maîtrise de la langue française, l’absence de lien avec le pays d’origine, et la scolarisation des enfants depuis au moins deux ans. Les familles disposaient de deux mois pour déposer leur dossier à une administration vite débordée, tant les critères semblaient s’appliquer à des milliers d’entre elles. Sur environ 30000 dossiers déposés, il y a eu 7000 régularisations. Que deviennent les familles déboutées ? Questions à Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés).

Quel bilan peut-on tirer de la circulaire du 13 juin 2006 ?

Elle a permis de régulariser des familles, dans le plus grand arbitraire, puisque des situations identiques ont reçu des réponses opposées, selon les préfectures et l’interprétation du texte. Du coup, des dizaines de milliers de personnes sont sorties du bois. Elles sont désormais fichées avec l’imprimatur d’Arno Klarsfeld. Ce qui fait un vivier considérable de gens facilement interpellables. Ces fichiers pourront servir pour respecter les chiffres de 25000 éloignements et 130000 mises en cause dans des affaires de séjour irrégulier, par an, annoncés par M. Hortefeux. De fait, le traitement informatique des dossiers permet de classer les sans-papiers selon les nationalités. Ce qui est un moyen simple de préparer des charters.

Quelles sont les conséquences juridiques d’une « mise en cause » ?

C’est un terme très vague sans réelle consistance juridique, utilisé pour englober les employeurs et les réseaux mafieux, et les soutiens aux sans-papiers. Selon Hortefeux, les seconds sont les alliés objectifs des premiers. On sait qu’apporter de l’aide à un sans-papier est un délit, mais de là à le punir d’une peine de prison… On observe cependant que les mises en examen de soutien sont de plus en plus nombreuses.

Comment vivent les familles sorties de l’ombre ?

Dans la terreur. Le réflexe, c’est de retourner à la clandestinité. Elles déménagent quand elles le peuvent. Ce qui les oblige à rompre les liens qu’elles avaient tissés au moment de la constitution de leur dossier. La mobilisation a provoqué la rencontre entre des mondes étanches, et pour certaines familles exclues, c’était les prémisses d’une insertion, ne serait-ce que dans la vie de l’école. Aujourd’hui, elles sont dans la méfiance. Une simple visite médicale devient un drame. Elles sont à la merci de n’importe quel employeur.

Comment mener une vie clandestine quand on a des enfants scolarisés ?

C’est impossible et c’est le paradoxe de certaines familles refoulées par la circulaire, qui parlent le français et sont si « intégrées » , qu’elles ne peuvent se volatiliser du jour au lendemain. Leur intégration même les transforme en cibles pour la police. Mais en même temps, leur arrestation provoque à chaque fois une mobilisation énorme. À l’inverse, un célibataire sans papiers logeant dans un foyer est plus aisément invisible et mobile, mais lorsqu’il est sur le point d’être expulsé, ça ne provoque aucun remous. Dans ce contexte, l’établissement scolaire est devenu un lieu particulier, le seul où les parents sans papiers peuvent se sentir en sécurité. La loi interdit qu’on demande aux parents qui y inscrivent leurs enfants leurs papiers. Elle tient un rôle d’asile. Mais les parents qui viennent chercher leurs enfants à la sortie peuvent être interceptés en famille. En centre de rétention, ils n’ont plus que 48 heures pour trouver un avocat et faire un recours. Sauf exception, ils en sortent à condition de laisser leur passeport et sont alors assignés à résidence, en attendant qu’une place dans un avion leur soit trouvée. Deux solutions : soit ils acceptent de quitter la France, soit ils disparaissent dans la nature.

Comment explique-t-on que ces derniers mois, plusieurs couples aient été incarcérés tandis que les enfants étaient sans nouvelles d’eux, parfois pendant plusieurs jours ?

Certaines familles ont donné l’adresse de leur employeur dans le dossier qu’elles ont déposé l’été dernier. Fourni en preuves d’intégration, il contenait des attestations de travail ou des promesses d’embauche, parfois des avis d’imposition, car même lorsqu’on travaille au noir, on doit déclarer ses revenus. D’autres part, le mode d’arrestation a changé, notamment à Belleville. Après quelques scandales médiatisés, elles se font moins au faciès, dans la rue, mais plus discrètement dans les ateliers ou restaurants où les parents travaillent souvent ensemble. Du coup, ils sont également embarqués ensemble. Le comble, ce sont les familles cueillies le 13 juin dernier à la sortie du métro Belleville. Elles revenaient du dépôt collectif de demandes de rendez-vous organisé symboliquement par RESF, un an après la parution de la circulaire.

Étant donné l’absence d’issue et le peu de régularisations, ne serait-ce pas normal que les soutiens se découragent ?

Si les étrangers ont toujours intérêt à conserver précieusement les preuves de leur présence en France, il est impossible aujourd’hui de donner de véritable conseil sur l’intérêt de déposer un dossier, même aux personnes qui entrent dans le cadre du Cesa. Cependant, les populations d’un quartier ou d’une école, qui peuvent sembler endormies, surprennent toujours par la force de leur réaction lorsqu’une personne est en danger.

Il y a une semaine, une grève a été votée dans une école du XXe pour protester contre la « mise en rétention » d’une mère chinoise, expulsable à tout moment. Lorsque les parents Pan ont été mis en centre de rétention, laissant pendant quatre jours sans nouvelles leurs enfants en maternelle, deux cent cinquante parisiens ont fait le trajet jusqu’à Rouen, pour être présents lors de l’audience. Une salle pleine, ça impressionne, et non seulement les Pan ont été relâchés, mais l’arrêté de reconduite à la frontière a été levé.

Non seulement la mobilisation reste forte, mais elle s’étend bien au-delà du militantisme habituel. Il n’est pas rare que les salles d’audience des tribunaux administratifs soient pleines. Le gouvernement est dans une position intenable. Selon un rapport parlementaire, il y a entre 400000 et 500000 sans-papiers en France. À supposer que ce chiffre reste stable, il lui faudrait vingt ans pour expulser tout ce monde.

En 2006, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a dû, sous la pression des associations, régulariser deux fois plus de monde qu’en 2005. Rien ne dit que malgré ses discours, Hortefeux ne soit pas obligé de mener une politique plus souple que celle qu’il promet. De fait, grâce à la vigilance de RESF.

A lire :  A Paris, une école du XXe mobilisée contre une expulsion
La mère thaïlandaise d’un jeune garçon tente un ultime recours.

«Les régularisations ont été arbitraires»

logo-liberation-311x113  Anne Diatkine

INTERVIEW

Il y a un an, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, faisait paraître une circulaire qui énonçait six critères de régularisation des sans-papiers ayant des enfants scolarisés en France. Parmi eux : la maîtrise de la langue française, l’absence de lien avec le pays d’origine et la scolarisation des enfants depuis au moins deux ans. Les familles disposaient de deux mois pour déposer leur dossier aux préfectures qui furent vite débordées. Sur environ 30 000 dossiers déposés, il y a eu 7 000 régularisations. Que deviennent les familles déboutées ? Questions à Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés).

Quel bilan peut-on tirer de la circulaire du 13 juin 2006 ?

Elle a permis de régulariser des familles, mais dans le plus grand arbitraire, puisque des situations identiques ont reçu des réponses opposées, selon les préfectures et l’interprétation du texte. Des dizaines de milliers de personnes sont sorties du bois,ce qui fait un vivier considérable de gens facilement interpellables. Ces fichiers pourront servir pour respecter les chiffres annuels de 25 000 éloignements et 130 000 «mises en cause dans des affaires de séjours irréguliers» annoncés par Brice Hortefeux.

Quelles sont les conséquences juridiques d’une «mise en cause» ?

C’est un terme très vague sans réelle consistance juridique, utilisé pour englober les employeurs, les réseaux mafieux et les soutiens aux sans-papiers. Selon Hortefeux, les soutiens sont les alliés objectifs des premiers. On sait qu’apporter de l’aide à un sans-papier est un délit, mais de là à le punir d’une peine de prison… On observe cependant que les mises en examen de soutien sont de plus en plus nombreuses.

Comment vivent les familles sorties de l’ombre ?

Dans la terreur. Le réflexe, c’est de retourner à la clandestinité. Elles déménagent quand elles le peuvent, ce qui les oblige à rompre les liens qu’elles avaient tissés au moment de la constitution de leur dossier. La mobilisation a provoqué la rencontre entre des mondes étanches, et, pour certaines familles exclues, c’était les prémices d’une insertion. Aujourd’hui, elles sont dans la méfiance. Une simple visite médicale devient un drame. Elles sont à la merci de n’importe quel employeur.

Est-ce si facile de mener une vie clandestine, lorsqu’on a des enfants scolarisés ?

C’est impossible et c’est le paradoxe de certaines familles refoulées par la circulaire, qui parlent le français et sont si «intégrées» qu’elles ne peuvent se volatiliser du jour au lendemain. Leur intégration même les transforme en cible pour la police. Mais en même temps, leur arrestation provoque à chaque fois une mobilisation énorme. A l’inverse, un célibataire sans papiers logeant dans un foyer est plus invisible et mobile, mais, lorsqu’il est sur le point d’être expulsé, ça ne provoque aucun remous. Dans ce contexte, l’établissement scolaire est devenu un lieu particulier, le seul où les parents sans papiers peuvent se sentir en sécurité. Mais les parents qui viennent à la sortie peuvent être interceptés en famille. En centre de rétention, ils n’ont plus que quarante-huit heures pour trouver un avocat et faire un recours. Sauf exception, ils en sortent à condition de laisser leur passeport et sont alors assignés en résidence, en attendant qu’une place dans un avion leur soit trouvé. Donc, soit ils acceptent de quitter la France, soit ils disparaissent dans la nature.

Comment explique-t-on que, ces derniers mois, des couples ont été incarcérés, leurs enfants restant sans nouvelles pendant plusieurs jours ?

Certaines familles ont donné l’adresse de leur employeur dans le dossier qu’elles ont déposé l’été dernier. Fourni en preuves d’intégration, il contenait des attestations de travail ou de promesse d’embauche, parfois des avis d’imposition, car même lorsqu’on travaille au noir, on doit déclarer ses revenus. D’autre part, le mode d’arrestation a changé, notamment à Belleville. Après quelques scandales médiatisés, elles se font moins dans la rue au faciès, mais plus discrètement dans les ateliers ou restaurants où les parents travaillent souvent ensemble.

Etant donnée l’absence d’issue et le peu de régularisations, ne serait-il pas normal que les soutiens se découragent ?

Si les étrangers ont toujours intérêt à conserver précieusement les preuves de leur présence en France, il est impossible aujourd’hui de donner de conseil global. Cependant, la population d’un quartier ou d’une école surprend toujours par la force de sa réaction. Il y a une semaine, une grève a été votée dans une école du XXe arrondissement pour protester contre la mise en rétention d’une mère chinoise expulsable à tout moment. Lorsque les parents Pan ont été envoyés en centre de rétention, leurs enfants restant quatre jours sans nouvelles, 250 Parisiens ont fait le trajet jusqu’à Rouen pour assister à l’audience. Une salle pleine, ça impressionne, et non seulement les Pan ont été relâchés, mais l’arrêté de reconduite à la frontière a été levé. Il n’est pas rare que les salles des audiences des tribunaux administratifs soient pleines. Le gouvernement est dans une position intenable. Selon un rapport parlementaire, il y a entre 400 000 et 500 000 sans-papiers en France. A supposer que ce chiffre reste stable, il faudrait vingt ans pour expulser tout ce monde. En 2006, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a dû, sous la pression des associations, régulariser deux fois plus de monde qu’en 2005. Rien ne dit que, malgré ses discours, Hortefeux ne sera pas obligé de mener une politique plus souple que celle qu’il promet. De fait, grâce à la vigilance de Réseau éducation sans frontières (RESF).

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Quel avenir pour la famille Raba ?

Lorsqu’on les avait rencontrés au Kosovo, en février dernier, Jousef, Shpresa Raba et leurs trois enfants ne pensaient qu’à ça : rentrer en France. Expulsés en novembre à grand bruit, ils sont devenus malgré eux un symbole de la lutte des sans-papiers intégrés à la vie française mais qui ne parviennent pas à être régularisés. Pour autant, que peuvent-ils espérer en étant revenus illégalement sur le territoire ? Au ministère de l’Intérieur, on a annoncé que toute nouvelle demande d’asile serait infondée.

Pour Stéphane Maugendre, spécialisé dans le droit des immigrés, « Il est clair qu’aucune décision ne sera prise avant la constitution du nouveau gouvernement. La famille Raba a déjà déposé deux fois une demande d’asile devant l’Ofpra, je ne suis pas certain que la troisième fois sera la bonne s’il n’y a aucun élément nouveau. » A moins qu’elle ne mise sur le changement de gouvernement. Stéphane Maugendre ajoute : « Régulariser la famille Raba, cela permettrait, même à un ministère de l’Intérieur de droite, de sortir du mauvais pas dans lequel il s’est mis et de ne pas apparaître trop rigide. »

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Les télés au secours des sans-papiers?

20minutes.fr Raphaëlle Baillot, 06/07/2006

Des micros surplombent la foule sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris : facile de repérer les équipes de l’AFP Vidéo, d’Arte et de France 3, hier matin. Elles étaient là pour filmer les centaines de sans-papiers venus déposer un dossier de régularisation à la préfecture de police. La télé a largement rendu compte des conditions de vie des quelque 15 000 clandestins qui ont inscrit leurs enfants à l’école, mais restent menacés d’expulsion. « Depuis janvier, nous avons diffusé dix-sept sujets sur ce thème, le double avec les rediffusions », atteste Pascal Doucet-Bon, chef des « infos géné » de la Deux. « Nous y avons consacré six reportages dans les JT rien que la semaine dernière », complète son homologue de France 3 Philippe Panis.

Parti en croisade contre « la chasse aux enfants », le Réseau éducation sans frontière (RESF) a bien compris le goût des médias pour ce feuilleton à fort coefficient émotionnel. « La couverture n’a pas faibli depuis janvier, quand nous avons communiqué sur les premiers parrainages d’enfants par des personnalités », se félicite Anne-Laure Barbe, membre de RESF. Le « 12/13 » de France 3 a ainsi reçu vendredi un Philippe Torreton devenu parrain. « Ce côté “paillettes” peut paraître gênant, mais on se doit d’utiliser le pouvoir de l’image pour faire connaître la cause », revendique l’avocat Stéphane Maugendre, spécialisé dans la défense des immigrés.

Sur toutes les chaînes essaiment donc des reportages consacrés à ces familles menacées de reconduites à la frontière. Au risque de préférer le ressenti à l’analyse. « Ces situations spectaculaires peuvent tirer les larmes, admet Etienne Leenhardt, numéro 2 de l’info de France 2. Mais nous n’inventons rien, c’est notre boulot de les montrer. » Du coup, « on compense avec un commentaire très sobre », souligne Virginie Fichet, auteur pour France 2 d’un zoom sur une famille arménienne. Sobriété ou non, Arno Klarsfeld, le médiateur qui doit examiner les dossiers au cas par cas, a reconnu lundi sur France Inter que « le biais de la presse » pourrait l’alerter sur la détresse de certaines familles ! Réponse médiatique à une mobilisation médiatique.

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« C’est l’arbitraire le plus total »

, Propos recueillis par Anne-Cécile Juillet, 07/05/2006

LP/P. DE POULPIQUET
LP/P. DE POULPIQUET

Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti décrypte les conditions de la régularisation.

LES DÉPUTÉS achèveront mardi l’examen du projet de loi de Nicolas Sarkozy sur l’immigration. Vendredi soir, l’Assemblée nationale a adopté l’une des mesures phares du texte : la suppression de la régularisation automatique des immigrés clandestins au bout de dix ans de présence en France.

Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), redoute que les régularisations soient soumises à « plus d’arbitraire ». Comment percevez-vous cette mesure ?

Stéphane Maugendre. Nous étions déjà critiques au moment où cette durée de dix ans a été décidée par Jean-Pierre Chevènement, parce qu’il n’y a pas de durée pertinente, a priori, qui puisse justifier de l’intégration d’une personne. D’autant que cela ne concerne que très peu de monde : seulement 3 000 immigrés sont régularisés chaque année par cette voie. C’était donc beaucoup de bruit pour rien. En revanche, l’idée des régularisations au cas par cas est inquiétante : car celles-ci vont dépendre de la bonne volonté des préfets ou des élus locaux. C’est la certitude de l’arbitraire le plus total.

Concrètement, qu’est-ce que cela va changer dans la vie des immigrés clandestins ?

L’immense majorité des clandestins en France travaillent. Certains ont des fiches de paie, et d’ailleurs, c’est ce qui leur permettait d’être régularisés de plein droit au bout de dix ans. Cette nouvelle mesure va précariser encore davantage leur situation, les mettre encore plus sous la coupe d’employeurs indélicats ou de ces marchands de sommeil qui profitent de leur situation. On a appris que des Dash 8, habituellement utilisés comme avions bombardiers d’eau par la sécurité civile, ont été utilisés pour ramener des clandestins dans leur pays d’origine… Ce sont des façons d’agir absolument scandaleuses ! C’est pire qu’un charter, cela fait vraiment penser que l’on prend ces gens pour du bétail. Mais le plus inquiétant, c’est que cela s’est fait dans le plus grand secret. Sarkozy avait promis de la transparence : c’est exactement le contraire qui se produit. Qu’est-ce qui nous assure que tous les protocoles, notamment en termes de droits ou d’hygiène, ont été respectés ?

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Les lois Pasqua réformées sans « humanité ».

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman

Juristes et associations estiment que le projet Debré pénalise encore plus les étrangers.

«Un bout de gras donné à l’extrême droite et aux sans-papiers», «un projet qui ne tient pas compte des événements.» Les spécialistes, familiers des arcanes du droit des étrangers, qui ont analysé l’avant-projet de loi sur l’immigration du gouvernement (Libération du 9 octobre) sont sévères et parlent de durcissement et de répression. «Les dispositions les plus répressives sont à la fois innovantes et liberticides, et tout ce qui peut sembler libéral n’est en fait que l’application de textes actuellement en vigueur, ou de la jurisprudence appliquée depuis longtemps par les tribunaux administratifs», estime l’avocat Stéphane Maugendre. Défenseurs de nombreux étrangers, il regrette que ni les propositions des médiateurs, ni le travail de ceux qui ont réfléchi depuis des années sur l’immigration, n’ait jamais été pris en considération. «Le projet, dans sa forme actuelle, aggrave les conditions de traitement des étrangers à l’entrée et à la sortie», note de son côté Jean-Pierre Alaux pour le Gisti (Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés). Pour lui, l’avant-projet Debré «ne tient pas compte des événements récents et ne régularise qu’une petite frange des immigrés. Ainsi, les parents d’enfants nés en France, qui sont déjà inexpulsables, sont absents du projet». Les juristes notent aussi que le texte fait preuve d’une grande méfiance envers la justice, puisqu’il fait passer de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai de présentation au juge d’un étranger placé en rétention administrative. La déception est d’autant plus forte que la disposition la plus libérale inscrite dans l’avant-dernière mouture, qui interdisait d’expulser les étrangers dont l’éloignement aurait des conséquences «d’une gravité exceptionnelle», a disparu de l’avant-projet définitif. Et que les déboutés du droit d’asile voient leurs possibilités de recours encore un peu plus limitées. D’autres critiques portent sur les pouvoirs ­jugés excessifs­ accordés aux maires pour contrôler la réalité des certificats d’hébergement. «Pour réprimer les étrangers, on porte atteinte à la liberté des Français», déplore-t-on au Gisti.

«On en profite pour resserrer les verrous», résume, au PS, Martine Aubry. Une intention dont se défendent, à droite, ceux qui ont travaillé au projet: bien que des concessions ont été faites en direction des plus répressifs sur la rétention administrative et les certificats d’hébergement, ils soutiennent, que la loi autorise un maximum de régularisation et tire, sans équivoque, les leçons de la crise estivale des sans-papiers. Mais sera-t-elle suffisante pour éviter d’autres Saint-Bernard?. – 24 membres d’un collectif de sans-papiers, dont une militante du MRAP et 2 sans-papiers ont été arrêtés et conduits dans les locaux de la police. Ils participaient à une manifestation qui n’avait pas été déclarée auprès de la préfecture.

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