Archives de catégorie : Avocat

Sans-papiers: la prime à la délation

A l’avenir, les étrangers entrés illégalement en France pourront se voir délivrer un titre de séjour… s’ils dénoncent leur passeur. Hier (mercredi 4 février), Eric Besson, le ministre de l’Immigration a annoncé sur  Europe 1 qu’il allait signer aujourd’hui (jeudi 5), une circulaire par laquelle «nous allons donner aux préfets la possibilité d’accorder des titres de séjour provisoire aux clandestins victimes de filières clandestines qui décideraient de les dénoncer». «Mettez-vous à la place de ces immigrés illégaux, explique le ministre, ils sont aujourd’hui dans un statut qui ne leur permet pas de dénoncer leurs tristes conditions puisque, justement, ils n’ont aucune titre de séjour. Ils peuvent avoir peur d’aller voir la police ou la gendarmerie». «Avec le système que nous allons mettre en place, ajoute Besson, ils savent que s’ils dénoncent ceux qui les ont mis dans cette situation, ils peuvent obtenir instantanément un titre de séjour provisoire et coopérer avec la police». Une bonne idée? Les association France terre d’asile (voir le communiqué) et SOS racisme en doutent (voir le communiqué). Stéphane Maugendre, le président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) aussi. Interview.

Pourquoi contestez-vous cette mesure?

La délation, par principe, est toujours sujette à caution. Sur un plan moral, c’est moralement condamnable. Et je pense que c’est aussi assez irréalisable. Un passeur c’est quoi? Ça va de celui qui fait inscrire sur son passeport comme son fiston quelqu’un qui ne l’est pas, au membre de la famille qui fait passer la frontière clandestinement à un cousin, à des trafiquants internationaux avec une organisation extrêmement perfectionnée comprenant la traversée de plusieurs pays jusqu’à l’arrivée en France dans un hôtel, la fourniture de faux papiers, le boulot, etc. Et tout ça est parcellisé, sécurisé. Les gens ne se connaissent pas les uns les autres. Le seul intérêt serait que l’étranger dénonce tout le réseau, mais comme il ne connaît que le petit passeur en bout de chaîne, quel intérêt? Et puis il risque d’y avoir des dérives, des mesures de rétorsion sur la famille restée au pays, des réglements de compte intra-familiaux. Le type qui dénonce va mettre en péril sa vie et celle de ses proches.

Pour l’étranger, quel est le poids juridique d’une circulaire?

C’est juste une instruction. En clair, la personne ayant dénoncé son passeur et qui se verrait refuser un titre de séjour par la préfecture serait démunie. Une circulaire n’a pas force de loi. Si elle porte l’affaire devant le tribunal administratif, c’est ce que lui dira le juge. Il faut arrêter de gouverner avec des circulaires. Sarkozy y a eu recours pour la régularisation des parents sans-papiers d’enfants scolarisés, Hortefeux pour la régularisation des salariés. Qu’au moins Besson fasse une loi disant: s’il y a dénonciation, il y aura un titre de séjour.

Besson dit que «son objectif premier était de démanteler les filières», est-ce que cette mesure peut au moins avoir cet intérêt?

Les filières sont d’autant plus puissantes, gagnent d’autant plus d’argent que c’est difficile d’obtenir un visa. Plus les procédures sont longues, plus les gens entrent clandestinement en France. Besson arrive à son ministère, il faut bien qu’il annonce quelque chose. Mais cette mesure ne résoudra rien, c’est juste de l’affichage.

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Eric Besson propose des titres de séjours provisoires

Besson migre en zone sensible

  Catherine Coroller

Les associations attentistes face au ministre de l’Immigration.

 

Pas très optimistes les associations de défense des étrangers. Du remplacement de Brice Hortefeux par Eric Besson au ministère de l’Immigration, Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) «n’attend pas grand-chose». «La politique d’immigration, c’est la politique d’un homme, Sarkozy, et d’un gouvernement», précise-t-il. Ironiquement, il rappelle qu’il y a quelques années, Eric Besson s’était montré «particulièrement critique sur la politique d’immigration de Sarkozy».

Secrétaire général de la Cimade, Laurent Giovannoni, est aussi circonspect : «On n’imagine pas trop qu’Eric Besson change de politique d’immigration, mais on n’a aucun a priori ni positif ni négatif sur lui, on le jugera sur ses actes». Afin de se faire une idée de la politique que le nouveau ministre entend mettre en œuvre, «on va sans délais lui demander rendez-vous», annonce Laurent Giovannoni.

Attentisme également du côté de Patrick Delouvin, responsable du Pôle France d’Amnesty International : «Comme pour tout ministre qui arrive, on prendra contact, on recherchera le dialogue et on jugera sur pièces.»

De Besson, il attend «un peu plus d’échanges».«Un dialogue renouvelé avec les associations», souhaite Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. «On espère qu’Eric Besson mettra en place un changement de méthode en termes de dialogue et de concertation avec les associations», renchérit Laurent Giovannoni de la Cimade.

Pour Stéphane Maugendre, Eric Besson a du pain sur la planche : «A cause de la politique d’Hortefeux, il n’y a pas un domaine où il n’y ait pas quelque chose à faire.» Parmi les dossiers chauds, selon les associations : les exilés errant sur le littoral de la mer du Nord en attendant de passer en Angleterre, l’accès des demandeurs d’asile à une procédure équitable, et les centres de rétention d’où Hortefeux avait entrepris de chasser la Cimade…

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L’incendie du bus de Montreuil au tribunal

13/01/2009

Des peines allant jusqu’à quatre ans de prison ont été requises hier soir contre les cinq jeunes jugés pour avoir détourné un bus et y avoir mis le feu en octobre 2006.

L’incendie du bus 122 à Montreuil, fin 2006, avait-il pour but de ne pas « passer pour des tapettes ou des dégonflés » par rapport à l’Essonne, comme certains l’ont dit au cours de l’enquête ? De commémorer le premier anniversaire des violences urbaines ? Ou bien de s’« approprier le quartier », comme l’estime Haffide Boulakras, procureur de la République, qui a requis hier jusqu’à quatre ans d’emprisonnement contre les cinq prévenus jugés hier pour « l’affaire du bus de Montreuil ».

Les cinq prévenus, âgés de 20, 21 et 22 ans, avec un passé judiciaire et presque tous employés ou en formation aujourd’hui, n’ont pas fourni de réponses. Leurs témoignages n’ont d’ailleurs pas permis d’être certain de leur rôle précis ce soir du 26 octobre.

Trois personnes cagoulées s’engouffrent dans le bus

Il était 0 h 45, lorsque le chauffeur du dernier bus, presque étonné de voir un passager à la station Delpèche, à La Noue, s’est arrêté. Un traquenard, en fait, puisque trois personnes cagoulées se sont engouffrées dans le bus, l’une braquant le conducteur en lui disant : « Surtout, ne touche à rien et dégage ! » Il a ouvert les portes arrière pour faire descendre les passagers, tandis que de l’essence était aspergée dans le bus, d’une valeur de plus de 136 000 €. Il s’est enfui, paniqué, « poursuivi par deux personnes armées », réclamant de l’aide à deux automobilistes. En vain. Le bus a fini incendié dans la cité après avoir percuté une barrière que certains auraient été chargés d’ouvrir. La seule passagère retrouvée n’a pas voulu venir au procès, « par peur », a expliqué le procureur. C’est un renseignement anonyme qui a mis les policiers sur la piste de cinq suspects. Trois individus ont été mis hors de cause. Pas Ameur D., ni Ayoub H. Ils ont reconnu leur participation et mis en cause d’autres connaissances, Karim G., Ludovic G., Johan F., ces deux derniers présentés comme instigateurs présumés de cette attaque d’un bus, première d’une série de trois en Seine-Saint-Denis et quatrième d’une liste noire en Ile-de-France. A la barre, dans un huis clos partiel*, ils reviennent sur leurs déclarations, disculpant Ludovic et Johan, dont les noms auraient été livrés sur « pression des policiers ». « Je ne peux pas vous dire qui m’a demandé d’ouvrir la barrière mais si on me le demande et que je le fais pas ? J’habite dans une cité », se défend Karim, qui assure qu’il n’y avait pas de meneurs. Rien sur la préparation non plus. Seuls Ludovic et Johan continuent à nier leur implication et provoquent des incidents de séance conduisant la présidente à les exclure provisoirement.

Le procureur a requis quatre ans de prison dont deux avec sursis contre Ayoub, Johan et Ludovic et trois ans dont un avec sursis contre Amer et Karim, eux qui ont « reconnu leur participation et fait avancer les choses ».

« Le problème est que l’on prend les détails qui nous arrangent », a plaidé Me Stéphane Maugendre, l’avocat d’Ayoub, démontrant qu’avec d’autres morceaux de témoignage son client ne pouvait être celui qui avait braqué le chauffeur. Présent à l’audience, le conducteur avait repris son travail après cinq mois d’arrêt, choqué et angoissé. Avant cette affaire, suivie d’une grève, il travaillait de nuit depuis six ans et n’avait connu « aucun problème dans ce quartier ». Depuis, il travaille de jour. Le jugement sera rendu le 9 février.

* Seules les familles et la presse étaient autorisées sur les bancs du public.

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Du danger d’aimer le maïs et de passer par Château-Rouge

Le 18ème du mois, janvier 2009

Interpellée, frappée, menottée, emmenée au commissariat, gardée à vue pour avoir aimé le mais et en posséder un épi, très légalement acheté d’ailleurs : c’est l’infortune subie par une dame ayant eu le malheur de se trouver à Chateau-Rouge pendant un contrôle de police, signale Nicole Borvo, sénatrice PC de Paris.

L’élue vient de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité, lui demandant d’enquêter à ce propos. Elle expose la situation : le 28 septembre au matin, Madame Marchand sortait du métro Château-Rouge avec un sac contenant du poulet et du mais acheté dans un KFC de Ménilmontant. Un contrôle de police, les vendeuses à la sauvette de maïs fuient, elle reste sur place, Les policiers la contrôlent, lui disent qu’il est interdit d’acheter du maïs et l’interpellent.

Selon Nicole Borvo, elle aurait reçu des coups de pied serait tombée, aurait perdu son pagne, se retrouvant presque nue devant les badauds. Ceux-ci voulant intervenir, la police aurait fait usage de gaz lacrymogène, aspergeant une femme or son bébé sortant du métro,
Emmenée au commissariat, placée en garde à vue, mise en cellule. Mme Marchand qui est diabétique, a réclamé en vain du sucre mais a réussi à se faire emmener, menottée, à l’hôpital où on a constaté un hématome au tibia, une érosion cutanée à la cheville et des douleurs multiples au poignet, épaule et genou, poursuit Nicole Borvo dans sa lettre à la Commission.

Elle a porté plainte.

La dame a couché à l’hôpital et le 29 septembre à midi, un policier est venu lui signifier qu’elle était libre.

Elle a porté plainte le 30 septembre auprès du procureur de la République et a été entendue le 22 octobre par l’IGS.

La sénatrice demande donc à la Commission d’éclaircir les circonstances et d’établir «si les agissements des membres des forces de l’ordre présents ont constitué un manquement aux règles de déontologie de la sécurité».

Pour museler la Cimade, une copie bis d’Hortefeux

logo-liberation-311x113  Catherine Coroller

Jusque-là, une seule association, la Cimade, assistait les étrangers sur l’ensemble du territoire. Le ministère avait décidé qu’à l’avenir la France serait divisée en huit lots et que n’importe quelle personne morale pourrait poser sa candidature. Objectif : créer une concurrence entre les opérateurs et museler une Cimade jugée trop critique. Cinq associations avaient saisi le tribunal administratif. Qui leur a donc donné raison.

Exigence. Dans la version publiée vendredi, le ministère revoit ses exigences à la hausse. «Le nouvel appel d’offres tient le plus grand compte de l’ordonnance rendue par le juge des référés […] en augmentant le niveau d’exigence pesant sur les équipes intervenant dans les CRA, en termes de compétences juridiques et de maîtrise confirmée des règles spécifiques du droit des étrangers», affirment les services de Brice Hortefeux.

Pour le reste, «il n’y a rien de nouveau, déplore Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade. La mission est toujours éclatée en lots, et les associations mises en concurrence». Dans un communiqué diffusé hier, la Cimade «rejette un processus qui ne peut que conduire à la disparition de l’aide apportée aux étrangers en rétention» et «étudie avec ses partenaires les moyens de contester ce nouvel appel d’offres».

Les candidats ont jusqu’au 10 février pour se faire connaître. Que vont faire les associations ? Maître de conférence en droit et militant au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Serge Slama considère que la seule réponse est de «boycotter ce marché». Cela sous-entend que les défenseurs des étrangers soient solidaires. Or, lorsque le premier appel d’offres a été lancé, deux d’entre eux, Forum réfugiés et France terre d’asile (FTA) ont décidé d’y répondre. Vendredi, Pierre Henry, le directeur de FTA disait vouloir se donner «le temps de la trêve des confiseurs pour l’étudier».

Les autres associations n’ont pas, non plus, arrêté leur position. «Techniquement et juridiquement, on ne sait pas ce qu’on va faire, explique Laurent Giovannoni. Mais au niveau politique, on ne modifie rien de notre position : le refus complet d’un dispositif qui a clairement pour but de détruire la mission d’aide aux retenus, de bâillonner les associations et de tuer la Cimade.» Même analyse du côté du Gisti. Pour son président, Stéphane Maugendre, «l’idée du gouvernement est qu’il n’y ait plus aucun regard effectif sur le quotidien dans les CRA». Or, dit-il, «à partir du moment où il n’y a pas de regards, on en arrive à l’exemple de Mayotte».

«Pas acceptables». Comme l’a reconnu Yves Jégo dans Libération du 19 décembre, les conditions de rétention dans ce dernier centre «ne sont pas acceptables». Pourtant, ce CRA ne figure pas parmi les centres concernés par l’appel d’offres du ministère. En clair, il n’est toujours pas prévu qu’une association y assiste de façon permanente les personnes incarcérées.

Pour quelle raison ? Parce que la législation applicable aux étrangers n’y est pas la même, répondait vendredi le ministère qui pourrait réexaminer la question courant 2009. Interpellé par le collectif MOM (Migrants d’outre-mer), Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, a promis de dépêcher à Mayotte « dès que possible, une mission pour procéder à une analyse approfondie de la situation et faire les recommandations qui s’imposent».

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La nouvelle copie de Hortefeux ne convainc pas

 Accueil , Marie Barbier, 22 Décembre, 2008

Le ministre de l’Immigration lance un deuxième appel d’offres pour l’aide aux étrangers. Rien n’a changé, disent les associations.

Bis repetita. Le ministre de l’Immigration a annoncé vendredi le lancement d’une nouvelle offre pour le droit de visite dans les centres de rétention administrative (CRA). Brice Hortefeux souhaite mettre fin à ce qu’il qualifie de « monopole » de la Cimade, seule association actuellement habilitée à fournir une aide juridique aux étrangers retenus. Le premier appel d’offres, lancé en août, avait suscité une forte opposition des associations, avant d’être annulé par une ordonnance du tribunal administratif de Paris le 30 octobre.

À en croire le ministre, cette nouvelle version répond à la fois aux attentes du tribunal administratif et à celles des associations. D’abord « en augmentant le niveau d’exigence pesant sur les équipes intervenant dans les CRA » et en autorisant les offres conjointes. La libre expression « des opinions, des critiques et des propositions » des intervenants sera, toujours selon le ministère, garantie.

Mais cette deuxième copie ne convainc pas. « Il n’y a rien de nouveau, soupire Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade. C’est le même appel d’offres qu’en septembre. » Principal reproche des associations : la nouvelle version conserve la division du territoire en huit lots : « C’est le coeur de la réforme, poursuit Laurent Giovannoni. Elle met les associations en concurrence, supprime toute vision d’ensemble et toute possibilité de critique. »

Pour Stéphane Maugendre, président du GISTI, l’appel d’offres « empêche un droit de regard dans les centres de rétention. Or, là où il n’y a pas de regard de la société civile, c’est une catastrophe humaine. L’exemple le plus délirant, c’est Mayotte. » Déjà absent du premier appel d’offres, le CRA de cette collectivité d’outre-mer, sur le devant de la scène depuis la diffusion par Libération d’une vidéo accablante (2), ne fait toujours pas partie de l’appel d’offres.

Jusqu’à l’aboutissement de ce dernier, la Cimade conserve ses prérogatives dans les CRA. Les « personnes morales » ont jusqu’au mardi 10 février à midi pour déposer leur candidature. Par ailleurs, le recours contre le décret du 22 août réformant le dispositif d’aide dans les CRA, déposé par dix associations, est toujours en cours d’examen au Conseil d’État.

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Le 28 septembre, à Paris, Augusta, 53 ans.

arton7300 D. Rossigneux et Dominique Simonnot, 10/12/2008

Vers midi, au métro Château-Rouge, les vendeuses à la sauvette criaient : « Maïs tso ! Maïs tso », au lieu de « chaud », et ça m’a fait rire. Je venais d’acheter un épi au KFC Ménilmontant. J’ai vu les filles cou­rir et trois policiers s’avancer : « Vos pa­piers ! » J’ai tendu ma carte d’identité fran­çaise. Ils voulaient voir mon sac. « Il est interdit d’acheter ce maïs ! – Pourquoi ?— C’est un délit. – Mais je l’ai acheté au ma­gasin. – Vous êtes en état d’arrestation ! », coupe une policière.

J’ai discuté : « Bien que d’origine nigé­riane, je ne vends rien… Rendez-moi mes affaires. » Un policier m’a alors attrapée par le bras et envoyé deux coups de botte dans les jambes. J’ai chuté, ventre à terre, son genou appuyant sur mon dos. Je me suis débattue, mon pagne s’est ouvert, j’étais à moitié nue au milieu des badauds, qui criaient, sifflaient et filmaient. Les po­liciers leur ont lancé des lacrymos, même sur une femme et son bébé. Ils m’ont me­nottée, emmenée dans une cellule, au com­missariat du XVIIe.

A 14 heures, une policière me demande si je sais lire. J’ai répondu qu’étant di­plômée de l’American University of Texas et de l’American University of Paris, oui, je savais lire et écrire… A 17 heures, l’avo­cate est arrivée et, une heure plus tard, on m’a amenée, menottée, à l’hôpital. Le médecin a constaté des hématomes. Le lendemain, à midi, un policier est venu me libérer à l’hôpital. Je suis accusée d’« outrages et rébellion ». J’ai porté plainte.

interdit d’acheter du maïs

Accueil Laurent Mouloud, 8/12/2008

Bavure . Accusée d’avoir acheté du maïs à des vendeurs à la sauvette, une quinquagénaire sans histoire a été violemment interpellée par trois policiers. Ils la poursuivent aujourd’hui pour « outrage » !
Expérience oblige, l’avocat Stéphane Maugendre n’est pas du genre à s’enflammer à la moindre annonce de bavure. Mais là, dit-il, « les policiers ont dépassé les bornes ! ». En effet. Car, voyez-vous, sa cliente, Augusta Marchand, quinquagénaire sans histoire, a eu le tort de posséder dans son sac à main… un épi de maïs. Un fait qui lui a valu une interpellation musclée, une nuit à l’hôpital et une convocation, aujourd’hui, devant la 28e chambre du tribunal correctionnel de Paris, où elle devra répondre d’« outrage » envers deux brillants pandores.
L’affaire remonte au dimanche 28 septembre. Nous sommes à Paris, en fin de matinée. Française originaire du Nigeria, Augusta n’a pu assister à la messe de 11 heures. Aussi décide-t-elle d’aller faire quelques courses. Elle passe dans un KFC, achète deux morceaux de poulet épicés et une « cobette » de maïs emballée dans un sachet. En attendant midi (diabétique, Augusta doit manger à heure fixe), elle range le tout dans son sac et reprend le métro. À la sortie de la station Château-Rouge, deux jeunes filles vendent du maïs à la sauvette. Augusta regarde dans son sac pour « comparer » avec celui qu’elle vient d’acheter, relève la tête. Les deux vendeuses s’enfuient, tandis que trois policiers approchent.
« Je n’ai pas couru, explique-t-elle. J’étais sûr de mon bon droit. » Les trois agents – deux hommes et une femme – lui demandent de montrer ses papiers et le contenu de son sac. Augusta s’exécute. « Vous savez qu’il est interdit d’acheter du maïs, c’est un délit », enchaîne un des policiers. « Mais je ne l’ai pas acheté là », répond Augusta. La policière : « Vous êtes en état d’arrestation. » Effarée, la femme proteste. Le ton monte. Des gens s’attroupent et les noms d’oiseaux volent. Un des policiers tente de menotter Augusta. Elle résiste. « Il m’a pris le bras et, sans prévenir, j’ai reçu deux coups de bottes dans les jambes », assure-t-elle. La voilà ventre à terre, un genou appuyé dans le dos, son pagne remonté, la laissant à demi-nue. C’est la confusion. Des gaz lacrymogènes sont lancés pour disperser la foule.
Évidemment, la version policière est bien différente. Eux parlent d’une femme « franchement hostile », qui aurait tenté de « liguer la foule » contre eux et se serait écriée : « J’en ai rien à foutre de votre contrôle ! Je vous emmerde ! » Un récit, selon Me Maugendre, en complet décalage avec le profil de cette catholique pratiquante, mariée à un ingénieur et mère de deux enfants en études supérieures. « Les policiers voudraient aussi nous faire croire que cette femme de cinquante-trois ans, qui se déplace difficilement, les auraient bousculés pour tenter de s’enfuir en courant ! C’est ubuesque. »
Augusta Marchand se retrouve finalement au commissariat du 18e arrondissement. Elle décrit des auditions tendues et une attitude provocante des policiers. Ces derniers auraient refusé, notamment, de lui rendre son sac à main alors qu’elle avait besoin de prendre du sucre. Augusta devra aussi patienter plusieurs heures en cellule avant d’être emmenée – menottée ! – à l’hôpital. Sur place, le médecin décide de la garder pour la nuit. Sitôt dehors, elle file à l’Hôtel-Dieu. Verdict : « douleurs multiples » au poignet droit, à l’épaule gauche, au genou droit et au tibia, ainsi qu’une « ecchymose » d’une dizaine de centimètres à la cheville gauche. Augusta Marchand a porté plainte pour « violences » auprès du procureur de la République, déclenchant une enquête de l’inspection générale des services (IGS). Alertée, la sénatrice communiste Nicole Borvo Cohen-Seat a aussi saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) sur cette affaire.
De leur côté, seulement deux des trois policiers impliqués ont porté plainte pour « outrage ». Une prudence suspecte. Tout comme est énigmatique la signature d’Augusta Marchand figurant au bas du PV de notification de garde à vue. Un document que la femme assure n’avoir jamais signé. « On m’y attribuait des phrases insultantes prononcées par des jeunes pendant l’attroupement, s’indigne-t-elle. Des mots que je n’ai jamais utilisés en vingt ans de présence en France ! » Me Maugendre a agrandi la fameuse signature. « Il s’agit d’un faux, cela ne fait guère de doute. » Quant à la « cobette » de maïs ? Augusta ne l’a pas mangée. Elle l’a conservée soigneusement dans son congélateur. Comme pièce à conviction.

L’appel d’offres d’Hortefeux retoqué

 , Catherine Coroller

Jeudi, le tribunal administratif de Paris a annulé l’appel d’offres lancé par Brice Hortefeux en août afin de réorganiser l’aide aux étrangers emprisonnés dans les centres de rétention administrative. Confié jusque-là à la seule Cimade, ce système serait explosé entre plusieurs intervenants, afin de faire taire une association trop critique. Le motif retenu par la cour d’appel : «Alors que le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) garantit aux étrangers retenus une véritable assistance juridique, le fait que l’appel d’offres exige peu de qualifications de la part des personnes intervenant dans les centres de rétention n’est pas conforme à ce que dit la loi», explique Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Brice Hortefeux a annoncé qu’il allait «engager immédiatement un nouvel appel d’offres». Le cas échéant, «on l’attaquera aussi», prévient Stéphane Maugendre.

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