Archives de catégorie : droit à la frontière

Le gouvernement en difficulté après la libération de réfugiés

Reuters, 25/01/2010

La remise en liberté de la plupart des 123 immigrés clandestins se disant Kurdes de Syrie et arrivés en Corse à la fin de la semaine dernière met à l’épreuve la politique d’immigration du gouvernement français.

Après des décisions semblables à Nîmes et Rennes dimanche, des juges des libertés de Lyon et Marseille ont jugé irrégulier lundi le placement dans des centres de rétention de ces personnes découvertes vendredi sur une plage du sud de la Corse et transférées ensuite sur le continent.

Une dernière décision était attendue dans la soirée à Toulouse concernant 19 personnes, dont six enfants.

Le ministre de l’Immigration, Eric Besson, critiqué pour avoir pris d’emblée samedi des arrêtés de reconduite à la frontière, ne parle plus de les expulser.

Sur 81 adultes, 61 ont officiellement demandé l’asile politique, dit son ministère.

Dans un communiqué, il justifie le recours au placement en rétention, qui était selon lui la seule manière de procéder en raison des contraintes matérielles.

Ceux qui n’obtiendront pas l’asile et refuseront une aide au retour volontaire seront reconduits dans leur pays, précise-t-il. Il y aura une nouvelle loi pour mieux gérer ces situations à l’avenir, annonce-t-il enfin.

« Les règles du placement en rétention en vigueur sont mal adaptées à ces situations d’urgence impliquant de très nombreuses personnes.

C’est pourquoi le prochain projet de loi sur l’immigration comportera un assouplissement des ces règles », explique Eric Besson.

La gauche et les associations de défense des droits de l’homme estiment que les réfugiés, parmi lesquels 38 enfants dont neuf nourrissons, cinq femmes enceintes et une handicapée, ont été traités durement et illégalement sur le plan procédural.

ATTAQUES DE LA GAUCHE ET DE L’EXTRÊME DROITE

Les magistrats qui ont statué jusqu’ici estiment que les règles prévoyant l’accès des réfugiés à divers droits n’ont pas été respectées. Ils ont mis en cause les mesures coercitives, les arrestations, le transfert forcé sous garde armée, la dispersion et l’emprisonnement d’enfants en rétention.

L’Elysée et Eric Besson affichent des objectifs chiffrés d’expulsion et une fermeté censée dissuader les candidats à l’immigration illégale, tout en réaffirmant qu’ils souhaitent conserver la tradition française d’asile politique.

Le président du Groupement d’information et de soutien aux immigrés, Stéphane Maugendre, conteste l’idée qu’un accueil ponctuel de réfugiés en fait forcément venir d’autres.

“C’est ridicule, l’appel d’air n’existe pas, c’est pour faire peur aux gens. La population qui fuit les atrocités, la guerre, les régimes politiques viendra toujours chercher refuge. S’ils ne passent pas par la Corse, ils passeront ailleurs », a-t-il dit à Reuters.

Le Parti socialiste accuse Eric Besson d’avoir « bafoué les règles du droit d’asile. » « Le Haut commissariat aux réfugiés, comme la justice ont appelé le gouvernement au respect du droit et des conventions internationales qui protègent les réfugiés », se félicite-t-il dans un communiqué.

Le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, estime que le dossier démontre que la France est incapable de surveiller ses frontières. « Il est clair que le pouvoir est le complice quand il n’est pas l’organisateur de l’immigration-invasion », dit-il dans un communiqué. Sa fille Marine Le Pen demande la démission d’Eric Besson.

Selon Le Figaro, une panne technique d’un radar militaire aurait permis le débarquement sur une plage de Corse de ces immigrés clandestins par un navire toujours non identifié.

Le parti majoritaire UMP se prononce pour l’expulsion, car la France ne peut « accueillir toute la misère du monde », a dit son porte-parole Frédéric Lefebvre lors d’un point de presse.

Eric Besson a exprimé le même point de vue sur Europe 1, en disant qu’il ne voulait pas voir apparaître en Corse un « nouveau Sangatte », en référence au centre d’accueil de la Croix-Rouge pour réfugiés afghans, près de Calais, fermé en 2003.

Fronde contre les audiences à Roissy

logoParisien-292x75 Pascale Egrée, 8 /06/2003

«NON À UNE juridiction d’exception sur l’aéroport de Roissy ! » : « Projets Sarkozy, atteintes à la justice »… A quelques jours de l’examen en première lecture du projet de loi Sarkozy sur l’immigration, loi qui doit être adoptée le 11 juin par la commission des lois de l’Assemblée nationale, la grogne s’intensifie au tribunal
de Bobigny.

Objet de cette « fronde » qui unit magistrats du TGI et avocats du barreau de Seine-Saint-Denis depuis plusieurs semaines sous forme de lettres ouvertes, tribunes, pétitions et motions : la délocalisation des audiences des étrangers à Roissy-Charles-de-Gaulle, prévue par l’article

34 dudit projet. Une vieille polémique

L’idée de faire statuer les juges sur le maintien ou non en rétention des étrangers en situation irrégulière au plus près des lieux de leur arrivée – c’est-à-dire des zones d’attente portuaires et aéroportuaires – est une vieille revendication des ministres de l’Intérieur et un vieux sujet de discorde avec leurs homologues de la Justice.

Le TGI de Bobigny est le premier concerné, puisque Roissy, principal point d’arrivée de migrants en France, dépend de sa zone de compétence (95 % des étrangers concernés par les procédures dites du « 35 quater »). En 2002, ses juges ont ainsi statué sur le sort de plus de 12 000 étrangers (un flux en augmentation constante depuis trois ans), transportés quotidiennement entre l’aéroport et le tribunal par des escortes de la PAF. Il y a deux ans, une nouvelle étape avait été franchie par l’Intérieur, avec l’aménagement, malgré une première levée de boucliers, d’une salle d’audience au cœur d’une des zones d’attente de Roissy (Zapi 3). Fin prêt depuis un an, l’endroit est resté vide. Dominique Perben lui-même s’opposait à son utilisation. Mais un arbitrage de Matignon a tranché en faveur de Nicolas Sarkozy. Rédigé sur mesure, l’article 34 de son projet, s’il est adopté, forcera les magistrats à s’incliner. « Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal de grande instance, dit le texte. Toutefois, si une salle d’audience lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée sur l’emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, ll statue dans cette salle. » Du côté des policiers, on attend avec impatienceque la loi soit votée. « C’est une question d’efficience et de bon emploi des effectifs », souligne Jean-Yves Topin, directeur de la PAF de Roissy, qui rappelle que 30 à 60 de ses fonctionnaires ont chaque jour affectés aux transferts. « Je défends une position pragmatique, y compris quant au confort des étrangers non admis », insiste-t-il. Les avocats sont très mobilisés

Du côté judiciaire, on multiplie les démarches contre une disposition jugée « contraire aux grands principes d’impartialité, d’égalité de traitement et de publicité des débats ». « Délocaliser ces audiences revient à placer un tribunal à l’intérieur d’une enceinte policière ! », s’insurge Brigitte Marsigny, bâtonnier de Seine-Saint-Denis, qui s’inquiète d’un amoindrissement des droits de la défense.
« Toute personne, citoyenne ou non de notre pays, a le droit d’être entendue dans une enceinte judiciaire normale », tempête Dominique Barella, de l’Union syndicale des magistrats (USM), qui souligne les difficultés d’accès à la salle de Zapi 3. « Les principes du droit ne peuvent s’effacer devant des arguments matériels », insiste Stéphane Maugendre, avocat de Bobigny et vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés ( Gisti).

Soutenus par les associations de défense des droits des étrangers, magistrats et avocats espèrent encore que cet article 34 ne sera pas maintenu. Et vont jusqu’à promettre, s’il l’est, « d’utiliser tous les moyens de droit et de procédure pour que cette salle d’audience soit déclarée illégale ».

Le Conseil d’État interdit la consignation à bord des passagers clandestins

index Nathaniel Herzberg, 31/07/1998

Extrait : LA POLICE ne pourra plus consigner à bord des bateaux les passagers clandestins réclamant l’asile en France. Dans un arrêt rendu, mercredi 29 juillet, le Conseil d’Etat a confirmé un jugement, rendu le 3 mars 1995, par le tribunal administratif de Paris, qui condamnait le refus d’entrer en France opposé à un jeune Mozambicain. Rédigé en des termes particulièrement explicites, l’arrêt de la haute juridiction devrait mettre un terme à une longue bataille juridique qui opposait, depuis quatre ans, l’administration aux associations assistant les étrangers aux frontières.

Zito Mwinyl est âgé de treize ans, le 23 juin 1994, lorsque le Mimoza débarque à Brest. Caché dans les cales du navire depuis Durban, en Afrique du Sud, l’adolescent réclame l’asile. Il affirme avoir été persécuté, avec toute sa famille, dans son pays d’origine. Pour l’administration, qui examine sa demande pendant quatre jours et finit par la rejeter comme « manifestement infondée », il n’est qu’un immigrant économique parmi d’autres.

Mais derrière cette différence d’appréciation classique, une nouvelle polémique éclate. Saisi en référé, le tribunal de grande instance de Paris, condamne, le 27 juin 1994, l’administration pour « voie de fait » et ordonne la remise en liberté immédiate de Zito Mwinyl. Le juge explique en effet que la loi n’offre à la préfecture que deux possibilités : soit admettre le demandeur d’asile sur le territoire afin d’examiner selon la procédure habituelle qui dure quelques mois sa requête, soit le placer en « zone d’attente » afin de déterminer si celle-ci n’est pas « manifestement infondée ». Mais pas question de consigner l’adolescent à bord.

PORTÉE GÉNÉRALE

L’administration libère le jeune garçon mais refuse d’en tirer une leçon de portée générale. Pendant trois ans, elle poursuit les consignations à bord. Les associations portent les affaires devant les juges des référés, qui condamnent les préfets. Mais bien souvent, les bateaux ont repris…

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Les lois Pasqua réformées sans « humanité ».

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman

Juristes et associations estiment que le projet Debré pénalise encore plus les étrangers.

«Un bout de gras donné à l’extrême droite et aux sans-papiers», «un projet qui ne tient pas compte des événements.» Les spécialistes, familiers des arcanes du droit des étrangers, qui ont analysé l’avant-projet de loi sur l’immigration du gouvernement (Libération du 9 octobre) sont sévères et parlent de durcissement et de répression. «Les dispositions les plus répressives sont à la fois innovantes et liberticides, et tout ce qui peut sembler libéral n’est en fait que l’application de textes actuellement en vigueur, ou de la jurisprudence appliquée depuis longtemps par les tribunaux administratifs», estime l’avocat Stéphane Maugendre. Défenseurs de nombreux étrangers, il regrette que ni les propositions des médiateurs, ni le travail de ceux qui ont réfléchi depuis des années sur l’immigration, n’ait jamais été pris en considération. «Le projet, dans sa forme actuelle, aggrave les conditions de traitement des étrangers à l’entrée et à la sortie», note de son côté Jean-Pierre Alaux pour le Gisti (Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés). Pour lui, l’avant-projet Debré «ne tient pas compte des événements récents et ne régularise qu’une petite frange des immigrés. Ainsi, les parents d’enfants nés en France, qui sont déjà inexpulsables, sont absents du projet». Les juristes notent aussi que le texte fait preuve d’une grande méfiance envers la justice, puisqu’il fait passer de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai de présentation au juge d’un étranger placé en rétention administrative. La déception est d’autant plus forte que la disposition la plus libérale inscrite dans l’avant-dernière mouture, qui interdisait d’expulser les étrangers dont l’éloignement aurait des conséquences «d’une gravité exceptionnelle», a disparu de l’avant-projet définitif. Et que les déboutés du droit d’asile voient leurs possibilités de recours encore un peu plus limitées. D’autres critiques portent sur les pouvoirs ­jugés excessifs­ accordés aux maires pour contrôler la réalité des certificats d’hébergement. «Pour réprimer les étrangers, on porte atteinte à la liberté des Français», déplore-t-on au Gisti.

«On en profite pour resserrer les verrous», résume, au PS, Martine Aubry. Une intention dont se défendent, à droite, ceux qui ont travaillé au projet: bien que des concessions ont été faites en direction des plus répressifs sur la rétention administrative et les certificats d’hébergement, ils soutiennent, que la loi autorise un maximum de régularisation et tire, sans équivoque, les leçons de la crise estivale des sans-papiers. Mais sera-t-elle suffisante pour éviter d’autres Saint-Bernard?. – 24 membres d’un collectif de sans-papiers, dont une militante du MRAP et 2 sans-papiers ont été arrêtés et conduits dans les locaux de la police. Ils participaient à une manifestation qui n’avait pas été déclarée auprès de la préfecture.

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Un Tanzanien refoulé contre l’avis de la justice. Un demandeur d’asile a été consigné de force à bord d’un bateau en rade de Brest.

Le second clandestin du Mimoza a pu débarquer pour demander asile

letelegramme_logo 12/07/1995

Le ministre de l’Intérieur a été assigné en référé hier, au tribunal de grands instance de Paris, à la suite de la consignation d’un passager clandestin à bord du « Mimoza ».

Ce cargo frigorifique, arrivé d Brest le 6 juillet pour charger 4.000 t de poulets, avait à son bord deux clandestins d’origine mozambicaine. Il leur était interdit de mettre pied à terre et devaient s’éloigner du territoire français avec le navire. L’un d’eux, Abdella Juma. 26 ans, qui avait échappé à la surveillance policière, allait être repris aussi-tôt et faire l’objet des démarches habituelles précédant toute expulsion.

Séquestration de  Saldi : « arbitraire »

Son compagnon, Saldi Ali, 22 ans, originaire de Starera (Mozambique) et de nationalité tanzanienne. soutenu par l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (l’ANAFE), a donc sollicité l’autorisation d’entrer en France. L’assignation en référé, à la demande de ses avocats, Mes Simon Foreman, de Paris, et Stéphane Maugendre, de la Seine-Saint – Denis, est motivée de la façon suivante : «Sa demande d’asile n’a fait l’objet d’aucun examen, et il lui a été impossible de descendre du Mimoza. Cela, en violation de l’ordonnance du 2 novembre 45 relative aux conditions d’entrée des étrangers en France ».

Et de préciser : «Un étranger arrivant en France par la voie maritime doit, selon cette ordonnance, être placé en zone d’attente le temps que soit examinée sa demande d’asile ou, si elle est rejetée, le temps que soit organisé son rapatriement. Un tel placement permet à l’intéressé de faire valoir ses droits en recevant librement la visite d’avocats ou de conseils ». Aussi « l’administration se rend-elle coupable de séquestration arbitraire», selon les arguments avancés.

Une zone d’attente a donc été créée à Brest, au bureau de police du Port, pour accueillir hier après-midi Saldi Aii et son camarade Abdalla Juma au retour du Port. Accompagné de policiers, celui-ci est allé dans la journée expliquer son cas au consulat du Mozambique. L’objectif était d’embarquer les clandestins sur le  « Mimoza », l’un d’entre eux du moins, s’il n’avait pas obtenu satisfaction au tribunal. Encore fallait-il que la résultat du référé soit connu avant l’appareillage du bateau programmé pour 21 h et qui est effectivement parti hier soir.

Finalement, tard dans la soirée, considérant que le refoulement de Saldi Ali pourrait avoir des conséquences graves pour l’intéressé, le tribunal de grande instance de Paris a invité le ministère de l’Intérieur «à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité physique et morale du demandeur ». En clair, le clandestin ne devait pas réembarquer.

Le tribunal administratif de Paris contredit le ministère de l’intérieur à propos du droit d’asile

 index Nathaniel Herzberg,

ZITO POURRA RESTER en France. Le tribunal administratif de Paris a annulé, vendredi 3 mars, le refus d’admission sur le territoire français de ce Mozambicain de quatorze ans. Cette décision avait été prise par le ministre de l’intérieur, le 27 juin 1994, au motif que la demande d’asile de l’adolescent était « manifestement infondée ».

Arrivé à Brest, le 23 juin, à bord d’un cargo panaméen en provenance d’Afrique du Sud, l’adolescent, dont les parents ont été assassinés pendant la guerre civile au Mozambique, s’était vu immédiatement consigné à bord par la police de l’air et des frontières. Il n’avait été libéré que par un jugement du tribunal de grande instance de Paris dénonçant la « voie de fait » de l’autorité administrative. Un premier revers pour le ministère de l’intérieur.

Mais celui enregistré vendredi est d’une tout autre ampleur. Dans ses attendus, le juge administratif rappelle que « l’étranger arrivant en France par la voie maritime ou aérienne qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié » doit être « autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande ». Le tribunal précise que, « le cas échéant », il peut être « maintenu en zone d’attente le temps strictement nécessaire à un examen tendant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée ».

Or, il n’en a rien été dans le cas de Zito, pour la bonne et simple raison qu’il n’y avait pas de zone d’attente dans le port de Brest. En passant outre, et en motivant sa décision de façon erronée, le ministère de l’intérieur a donc commis une « erreur de droit », conclut le tribunal.

Pour Zito, actuellement dans une famille à Quimper, cette décision devrait permettre de faire une nouvelle demande d’asile. Pour le ministère de l’intérieur, en revanche, elle pose le problème de tous les « demandeurs » qui ne sont pas placés immédiatement dans les zones d’attente situées dans les aéroports internationaux et certains grands ports.

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Le tribunal de Paris « libère » deux passagers nigériens clandestins

index 17/02/1995

JACQUELINE COCHARD, président du tribunal de grande instance de Paris, a ordonné, mercredi 15 février, la libération de deux passagers clandestins nigériens que le ministère de l’intérieur empêchait de débarquer du cargo français Véronique-Delmas, depuis son arrivée, le 12 février, à Saint-Nazaire, puis le surlendemain à Rouen. Les deux hommes, John Osas et Eldis Ojo, embarqués à Dakar, avaient en vain demandé l’asile en France et avaient été consignés à bord. Le tribunal de Paris a jugé que cette décision constituait une voie de fait, ainsi que l’avaient plaidé Mes Simon Foreman et Stéphane Maugendre. « La mesure de consignation d’étrangers à bord d’un navire n’est prévue par aucun texte », a estimé le tribunal, censurant l’attitude de l’administration comme il l’avait fait, récemment, dans le cas comparable d’un mineur mozambicain (Le Monde daté 5 et 6 février 1995). L’ordonnance rappelle que la loi impose le placement des demandeurs d’asile non admis sur le territoire dans les «zones d’attente» spécifiques, où ils peuvent faire valoir leurs droits. Quelques heures après la lecture de l’ordonnance, les deux demandeurs d’asile ont été autorisés à débarquer mais transférés dans la zone d’attente de l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy.

« Faute de droit » contre un jeune réfugié mozambicain

index  Nathaniel Herzberg, 05/02/1995

Extrait : « UN GARÇON comme un autre », résume sa famille d’accueil. Si ce n’est qu’après avoir vu ses parents massacrés sous ses yeux, traversé la planète dans un cargo comme passager clandestin, passé quelques jours dans les prisons allemandes et atterri à Quimper à l’issue d’un western maritimo-judiciaire, Zito, jeune Mozambicain âgé de quatorze ans, pose des problèmes aux services de Charles Pasqua. Examiné, vendredi 3 février, par le tribunal administratif de Paris, son cas menace aujourd’hui l’ensemble de l’édifice érigé par le ministre de l’intérieur en matière de droit d’asile.

Lorsque le Mimoza, cargo battant pavillon des Bahamas en provenance de Durban (Afrique du Sud), arrive à Brest le 23 juin 1994, la police de l’air et des frontières (PAF) a été avertie de la présence d’un clandestin à bord. Zito est immédiatement consigné sur le navire (Le Monde du 1 juillet 1994). Quatre jours plus tard, le ministère de l’intérieur juge sa demande d’asile « manifestement infondée » et ordonne au transporteur de le réembarquer. Mais, le 29 juin, le tribunal de grande instance de Paris dénonce une « voie de fait » de l’autorité administrative. Alors que le Mimoza vient d’appareiller, une vedette va rechercher le jeune Mozambicain en haute mer. Confié à la tutelle de l’Union départementale des associations familiales (UDAF) du Finistère, il est placé dans une famille bretonne.

L’affaire aurait pu en rester là. Mineur, Zito ne risquait pas d’être frappé d’un quelconque arrêté de reconduite à la frontière. Pourquoi l’UDAF s’obstina-t-elle alors à vouloir faire annuler le rejet de sa première demande d’asile ? Le ministère de l’intérieur n’avait-il pas indiqué, par écrit, qu’il considérait son entrée comme régulière puisque « autorisée (…) par l’autorité de police » et que, à l’âge de dix-huit ans, l’administration ne pourrait donc pas invoquer ce motif pour rejeter une demande de régularisation ?

Pour l’UDAF, M Simon Foreman a d’abord rappelé que « le…

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La  » zone de transit  » devant le tribunal de grande instance de Paris L’Etat est condamné pour voie de fait sur des étrangers

index , Philippe Bernard, 27/03/1992

La tribunal de grande instance la Paris a Jugé, mercredi 25 mars, que le ministère de l’intérieur avait porté gravement atteinte à la liberté» de six demandeurs d’asile en les retenant, plusieurs jours durant, dans l’aéroport de Roissy, puis à l’hôtel Arcade, en dehors de toute légalité, L’État a été condamné à payer au total 33 000 francs de dommages et intérêts aux intéressés, ainsi que 1 franc symbolique au Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI). Cette décision affirme l’illégalité de l’actuelle zone internationale où sont placés les étrangers non admis sur le territoire. C’est pour légaliser cette pratique sous le nom de «zone de transit» que le ministère de l’intérieur avait fait adopter l’« amendement Marchand », que le Conseil constitutionnel a censuré le 25 février dermier.

La «zone internationale» est une «zone de non-droit» et la police ne peut y retenir un étranger, sauf à être condamnée pour «atteinte à la liberté individuelle». Telle semble être la conséquence, lourde dans la pratique, de la décision du tribunal de grande instance de Paris. Les juges ont estimé, en effet, que le maintien d’un étranger à l’hôtel Arcade de Roissy, « en raison du degré de contrainte qu’il revêt et de sa durée – laquelle n’est prévu par aucun texte et dépend de la seule décision de l’administration, sans le moindre contrôle Judiciaire, – a pour conséquence d’affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l’objet».

L’affaire concernait une Zaïroise et cinq Haïtiens qui, à l’automne dernier, n’avaient pas été admis en France. La police de l’air et des frontières (PAF) avait préparé leur refoulement vers Kinshasa et Port-au Prince. Mais, demandant a bénéficier du droit d’asile, ils avaient été retenus dans une salle de aéroport Charles-de-Gaulle, puis au premier étage de l’hôtel Arcade, loué à cet effet par le ministère de l’intérieur, en attendant l’examen de leur demande. Si l’«atteinte au droit d’asile», que certains invoquaient, n’a pas été retenue par le tribunal au motif que le refoulement n’avait pas été exécuté, les juges ont, en revanche, analysé en détail les conditions de rétention, avant de reconnaître que «l’atteinte à la liberté Individuelle» constituait une « voie de fait ».

Les magistrat ont constaté que les étrangers retenus à l’hôtel Arcade sont placés sous la surveillance de la PAF et sont logés «dans des chambres dont les fenêtres sont condamnées» avec interdiction de quitter le premier étage, dont le couloir est fermé par une porte verrouillée et «gardée par la police, qui empêche toute entrée ou sortie non autorisée par l’administration».

Le tribunal ajoute que les intéressés «ne bénéficient pas des droits reconnus par la loi mais seulement de ceux qui leur sont octroyés, à sa discrétion, par l’autorité administrative (…)». Il rejette l’argument du ministre de l’intérieur qui soutenait que cette privation de liberté consistait seulement en une interdiction d’entrer en France. La décision relève qu’aucun texte, national ou international, ne confère «une quelconque extra-territorialité à tout ou partie des locaux de l’hôtel Arcade, situé (…) hors de l’enceinte de l’aéroport», ce qui relève d’une «fiction juridique».

La décision d’un magistrat d’autoriser à porter une telle affaire devant un tribunal civil (le Monde du 28 février) devait conduire logiquement à la condamnation de l’État, puisque aucun texte n’a jamais autorisé la création de la « zone internationale ». La teneur prévisible de ce jugement avait d’ailleurs été pour ainsi dire annoncée par le Ministre de l’intérieur, M. Marchand, lorsqu’il avait déposé in extremis un amendement légalisant cette pratique, pour tenter de prévenir les conséquence d’un condamnation de son administration. On connaît le sort qu’a réservé le Conseil constitutionnel à ce texte, non pour des raisons tenant au principe même d’une «zone de transit», mais parce que le texte gouvernemental laissait les mains libres à la police pendant vingt jours, délai que le Conseil n’a pas jugé « raisonnable ».

Le jugement présent, s’il empêche le ministère de l’intérieur de maintenir les étrangers non admis à Arcade et le prive donc d’un moyen efficace de filtrer les entrées, ne laisse cependant pas l’administration démunie. L’ordonnance de 1945 sur les étrangers lui permet, en effet, de maintenir ces personnes dans les centres de rétention existant sur tout le territoire « s’il y a nécessité absolue » Le texte prévoit le contrôle du juge judiciaire au bout de vingt-quatre heures et la limitation à sept jours, total, de la durée de cette rétention tout à fait légale celle-là.

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