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Au tribunal de Paris, la critique de la justice en procès

index Jules Metge,

Le parquet a requis, mercredi 12 octobre, 2 000 euros d’amende contre des responsables du Syndicat de la magistrature, du Gisti et de la Ligue des droits de l’homme, accusés d’avoir discrédité une décision concernant un migrant.

Critiquer ou discréditer ? Telle était la question posée mercredi 12 octobre au tribunal correctionnel de Paris. Le parquet poursuivait la Ligue des droits de l’homme (LDH), le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et le Syndicat de la magistrature pour « discrédit jeté sur une décision de justice ». A l’origine des poursuites, un communiqué commun aux trois organisations visant un arrêt de la cour d’appel de Paris de mars 2015. Celle-ci avait refusé à un jeune Malien l’assistance à mineur isolé, au motif que « son apparence et son attitude ne [corroboraient] pas sa minorité ».

Malgré des papiers d’identité authentifiés par le service de la fraude documentaire, la cour d’appel avait en outre justifié sa décision par l’absence de tests osseux, une mesure très controversée censée déterminer l’âge d’un individu. Dans leur communiqué, les trois associations dénonçaient une « invraisemblable décision », affirmant que « la cour n’(avait) pas seulement renié toute humanité, elle (avait) dû, aussi, tordre le droit ».

A la barre, Françoise Martres, présidente du Syndicat de la magistrature lors des faits, admet des termes « vifs », mais conçoit le texte dans son ensemble comme « un commentaire argumenté de l’arrêt », qui ne peut se confondre avec une volonté de discréditer la justice.

« En disant “inadmissible”, je discrédite ? »

Les trois prévenus viennent ainsi tour à tour défendre le droit de débattre, comme Pierre Tartakowsky, « viscéralement attaché à la critique ». Evoquant l’affaire Dreyfus, l’ancien président de la LDH rappelle que « la Ligue n’a pas été créée pour la critique de la justice, mais pour une critique ». Dans le communiqué, la critique était seulement dirigée contre un « durcissement de la jurisprudence », affirme Stéphane Maugendre, ancien président du Gisti.

Comment dès lors différencier le discrédit de la critique ? Selon le procureur Jean Quintard, quand les propos « outranciers » s’écartent du « commentaire technique ». Henri Leclerc, avocat de la LDH, s’insurge : « Si la violence des propos caractérise le discrédit, alors on entre dans l’arbitraire. » « En disant “inadmissible”, je discrédite ? », interroge-t-il.

Pour la défense, la liberté de critiquer les décisions de justice n’est pas le seul enjeu du procès. Pierre Joxe, ancien ministre de l’intérieur, un responsable associatif et un pédiatre se succèdent pour démontrer l’inefficacité des examens osseux dans l’évaluation de l’âge des jeunes demandeurs d’assistance. Le procès s’offre pour les associations comme une tribune permettant de revenir sur le traitement des mineurs étrangers isolés. Evaluation de l’âge par tests osseux, recours des personnes dont la minorité est niée, le système d’accès à l’assistance pour mineurs et ses failles sont expliqués.

« Suspicion érigée en principe »

Jean-François Martini, chargé d’études au Gisti, s’inquiète que l’argument de l’âge apparent soit utilisé pour réguler l’afflux des demandes. Il dénonce une « suspicion érigée en principe », selon lequel des documents authentifiés ne permettent plus de prouver la minorité. « L’intérêt général, c’est qu’un mineur ne soit pas livré à lui-même », ajoute Pierre Joxe, aujourd’hui avocat spécialisé dans la justice des mineurs, qui plaide pour un modèle inspiré par l’étranger : « Au Québec, s’occuper d’un mineur isolé qui “déraille”, c’est s’occuper du Québec. »

« Ce n’est pas le sujet », estime le procureur. Pour les avocats des associations, le traitement des mineurs isolés est bien au cœur du débat, puisqu’il s’agit de dire si la critique du communiqué contre l’arrêt de la cour d’appel était fondée.

Le parquet a requis 2 000 euros d’amende contre les responsables des trois associations. Le jugement sera rendu le 23 novembre.

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Discrédit sur une décision de justice : 2.000 euros requis

AFP, Sylvain Peuchemaurd, 12/10/2016

Le parquet a requis mercredi 2.000 euros d’amende contre des responsables du Syndicat de la magistrature, de l’association de soutien aux immigrés Gisti et de la Ligue des droits de l’homme (LDH), accusés d’avoir discrédité une décision de justice.

Dans un communiqué commun, les trois organisations avaient dénoncé une décision rendue fin mars 2015 par la cour d’appel de Paris, qui refusait une mesure d’assistance éducative à un jeune Malien au motif que sa minorité « n'(était) pas établie ».

Selon l’arrêt, l’extrait d’acte de naissance et la carte d’identité attestant sa minorité étaient « considérés comme authentiques par le bureau de la fraude documentaire », mais des interrogations subsistaient aux yeux des magistrats.

La cour avait demandé en vain des tests osseux, très critiqués par les associations. Les juges estimaient que des « éléments extérieurs » comme « son allure et son attitude » venaient contredire les documents du jeune homme.

Dans un communiqué, les trois organisations avaient dénoncé « le raisonnement (…) doublement fallacieux » des magistrats. « Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû aussi, tordre le droit », dénonçaient la LDH, le SM et le Gisti.

Leurs responsables respectifs sont jugés pour « discrédit » jeté sur une décision de justice. Une qualification pénale rarement utilisée, en tout cas pour la première fois à l’égard du Syndicat de la magistrature.

« C’est une critique argumentée », a déclaré à la barre l’ancienne responsable du SM, Françoise Martres, « les termes sont vifs parce que c’est un communiqué de presse ».

L’objet de ce texte n’était « évidemment pas » de jeter le discrédit mais « nous avons voulu alerter l’opinion sur les conséquences de certaines décisions », a-t-elle poursuivi.

Dans la presse, ce communiqué « n’a été repris que le jour où nous avons été convoqués par la police », a expliqué Stéphane Maugendre, du Gisti.

Parmi les témoins de la défense, l’ancien ministre (PS) Pierre Joxe, qui s’est dit « complètement sidéré » par la décision visée dans le communiqué.

Les prévenus ont invoqué la liberté d’expression syndicale, et vilipendé le recours aux tests osseux – consistant en un examen radiographique – dont la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) recommande l’interdiction. Tests dont un pédiatre, appelé à témoigner par la défense, a souligné le manque de fiabilité.

Pour le procureur Jean Quintard, les termes du communiqué sont « très forts », « voire injurieux ». Ce n’est « pas le principe de la critique qui est en cause » ici, mais sa « violence ».

Pour la défense de Pierre Tartakowsky, ancien président de la LDH, Me Henri Leclerc a distingué la critique et le discrédit.

« Notre rage, devons-nous l’exprimer en termes mesurés ? », s’est-il interrogé. Les décisions de justice critiquées sont légion, dans les revues juridiques « la violence est inouïe », dans la presse, elle est « absolue ».

Ce procès « n’aurait jamais dû avoir lieu », a estimé l’avocat, « le tribunal est saisi d’une grave atteinte à la liberté d’expression ».

La liberté d’expression syndicale « doit être protégée, même dans ses excès », a plaidé le conseil de Mme Martres, Me Maxime Cessieux, « nous n’avons rien à craindre et tout à gagner du syndicalisme judiciaire ».

Le jugement sera rendu le 23 novembre.

Sous Hollande comme sous Sarkozy, délit de solidarité, encore et toujours !

langfr-280px-Logo-crieur.svg 19/01/2016, RESF Réseau Éducation sans frontières

Rob Lawrie condamné pour avoir voulu aider une enfant Afghane de 4 ans à passer en Angleterre. Condamnation symbolique, mais vraie condamnation. Le gouvernement et les députés PS n’ont pas eu le courage de d’abolir le délit de solidarité et chez les magistrats, la volonté d’être clair est… variable. Certains sont courageux et prononcent des relaxes. D’autres, moins.

Rob Lawrie a été condamné à 1000 € d’amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Boulogne sur Mer pour « mise en danger de la vie d’autrui »… Autant dire rien et, en même temps, beaucoup trop !

Cet ancien militaire britannique de 49 ans, père de quatre enfants, patron d’une petite entreprise de nettoyage, avait été ému par la photo du corps du petit Aylan sur une plage turque. Il avait alors décidé de se rendre régulièrement à Calais pour apporter son aide aux réfugiés que les gouvernements français et britanniques empêchent de se rendre en Grande-Bretagne et condamnent à vivre dans des bidonvilles indignes. Rob apportait des vêtements collectés au Royaume Uni et construisait des baraques en bois pour que des réfugiés puissent se mettre au sec.

A l’occasion de ses séjours, il avait sympathisé avec Reza Ahmadi, père afghan de Bahar, 4 ans. Il s’était pris d’affection pour la fillette. Reza lui avait plusieurs fois demandé de la faire passer en Angleterre pour qu’elle rejoigne sa grand-mère, sa tante et ses cousins installés à quelques kilomètres du domicile de Rob Lawrie. Rob refusait… jusqu’à ce que le 24 octobre, il cède. Reza et Rob installent la fillette endormie dans une mini-couchette au-dessus de la cabine de la camionnette de telle façon que l’enfant ne puisse pas tomber.

Lors du contrôle à l’embarquement du ferry vers 23h30, les chiens policiers décèlent la présence de deux hommes montés dans le véhicule sans que Rob s’en aperçoive. Les deux Erythréens et le Britannique sont interpellés et conduits au poste de police. Au bout d’une heure et demie de garde à vue, craignant que Bahar se réveille, seule, dans le froid et le noir, Rob informe les policiers de sa présence. D’abord confiée à l’hôpital, l’enfant est ensuite rendue à son père. Même si les deux Erythréens ont reconnu avoir embarqué à son insu, Rob est considéré comme un passeur pour avoir tenté de mener Bahar en Grande-Bretagne. Il est emprisonné 5 jours puis libéré sous caution. Mis en examen pour aide au séjour irrégulier d’un étranger, il risque cinq années de prison et 30 000 € d’amende.

Dès qu’elle est connue et dénoncée par les associations de soutien aux migrants, l’affaire fait scandale ! La pétition demandant l’abandon des poursuites contre Rob Lawrie recueille en quelques semaines plus de 125 000 signatures en France et 50 000 en Angleterre.

Le 14 janvier au matin, une douzaine de caméras, des dizaines de journalistes dont beaucoup de britanniques, se pressent dans la salle paroissiale où Rob arrive pour une conférence de presse avec la petite Bahar dans les bras.

Le procès a lieu en début d’après-midi. Policiers nombreux et polis, procureur siégeant en personne, autorisation à la horde de caméras de faire quelques images, près de 150 personnes dans la salle d’audience, certaines debout ou assises par terre, la séance du TGI de Boulogne sur Mer du 14 janvier n’est pas tout à fait ordinaire. Parmi les soutiens, de nombreux militants et responsables d’associations d’aide aux réfugiés parqués dans les bidonvilles de toute la région, dont l’Auberge des migrants, la Plateforme de services aux migrants, Terre d’errance mais aussi le directeur d’Habitat et citoyenneté, l’association niçoise dont une militante a été condamnée le mois dernier à 1500 € d’amende pour avoir transporté deux jeunes Erythréens (15 et 22 ans !) de la gare de Nice à celle d’Antibes.

Le président mène son affaire efficacement. Interrogatoire d’identité du prévenu, sa personnalité, les faits. Mais, curieusement, il s’appesantit sur les conditions matérielles du transport de Bahar, pose des questions sur les dimensions de l’habitacle dans lequel elle se trouvait, la façon dont il était fermé, les risques en cas d’accident, avant de lâcher au détour d’une phrase qu’il ne s’interdit pas de requalifier le délit en « mise en danger de la vie d’autrui » moins lourdement sanctionné que l‘aide au séjour d’un étranger en situation irrégulière.

Christian Salomé président de l’Auberge des migrants apporte son témoignage sur les conditions de vie lamentables dans la jungle mais aussi sur la difficulté pour ceux qui y interviennent de « rester insensible à cette misère, de leur donner à manger, de les laisser là et de repartir ». Il comprend le geste de Rob. Le président du GISTI, Stéphane Maugendre, trace un historique du délit de solidarité et signale que la loi du 31 décembre 2012 ne l’a en rien supprimé mais simplement aménagé. Il soutient le geste de Rob.

Dans son réquisitoire, le Procureur Jean-Pierre Valensi caricature l’attitude de la Justice dans ces affaires. Il commence naturellement par se déclarer sensible aux raisons qui poussent à l’exil, les guerres, les violences, l’espoir d’une vie meilleure. Il se dit également sensible à ce qui se passe dans la jungle, il partage l’émotion que cela suscite. Bref, le Procureur est un humaniste généreux. Mais, corrige-t-il aussitôt, il n’appartient pas à l’institution judiciaire de porter une appréciation sur ces affaires. Son rôle est d’appliquer les textes. Fermez le ban. Une attitude qui, en d’autres temps, a permis des actes inadmissibles. Au-delà des exemples qui viennent immédiatement à l’esprit, on peut en citer qui ont été le fait de régimes démocratiques. Par exemple les décisions de magistrats américains emprisonnant Rosa Parks, Américaine noire « coupable » de s’être assise sur un siège légalement réservé aux blancs. Ou, en France, la mise aux arrêts de rigueur du général Paris de la Bollardière « coupable » d’avoir dénoncé la torture en Algérie sous un gouvernement de gauche.

S’appuyant sur la prétendue abolition du délit de solidarité, le procureur justifie les poursuites, en admettant que certes Rob n’a reçu aucune rétribution mais que la loi limite les aides possibles à la dignité des conditions de vie, aux soins médicaux et rien d’autre. Le geste de Rob n’entre pas dans ces catégories, il est poursuivi. Il est de plus coupable car il aurait pu aider Bahar d’autres façons, par exemple en l’encourageant à demander l’asile… Sa présence dans la Jungle est donc volontaire… En réalité, le Procureur joue sur les mots. Les conseils qu’il prodigue auraient pu éventuellement s’appliquer au père de Bahar, certainement pas à une enfant de 4 ans. Or, c’est bien l’enfant que Rob a tenté d’aider. Si son père s’était trouvé dans la camionnette, seul ou avec sa fille, nul doute que la justice se serait dispensée de ces arguties et que Rob aurait été jugé comme l’un des passeurs que le procureur se vante de faire condamner par dizaines chaque année.

Sentant la fragilité de son argumentaire, le Procureur ouvre une autre voie de condamnation : les conditions dans lesquelles Bahar a été transportée ne seraient pas dignes et elles l’ont mise en danger. Il fait une description volontairement dramatisée de la cache dans laquelle l’enfant était, faisant mine de s’inquiéter pour sa santé. Elle n’avait ni ceinture de sécurité, ni rehausseur assure-t-il, insinuant que Rob a mis « la vie d’autrui en danger »… Ce qui provoque des huées dans la salle. Il demande une condamnation à 1000 € d’amende pour mise en danger de la vie d’autrui si l’aide au séjour irrégulier n’était pas acceptée.

L’avocate, Me Lucile Abassade commence par récuser les arguments sur la taille de la cache en disant qu’il arrive que Rob –qui est costaud—y dorme, qu’elle pouvait s’ouvrir de l’intérieur et que le voyage devait être court.

Concernant les poursuites au titre de l’aide au séjour, elle rappelle qu’une enfant de 4 ans, comme tout mineur, n’est ni étranger, ni en situation irrégulière. L’infraction d’aide au séjour d’un enfant n’existe pas. Rappelant que la loi sur le délit de solidarité aurait dû être faite pour protéger Rob et ses pareils, elle conclut en disant que Rob Lawrie a déjà chèrement payé cette affaire dans sa vie privée et dans sa vie professionnelle et elle demande la relaxe.

Après une demi-heure de délibéré, le jugement est rendu : 1 000 € d’amende avec sursis pour « mise en danger de la vie d’autrui ». La salle, debout, applaudit… à l’exception de quelques militants, dont Nan Suel, qui protestent avec véhémence. La co-présidente de Terre d’Errance avait témoigné de façon émouvante lors de la conférence de presse, signalant que les bénévoles de son association mais aussi des habitants de Norrent-Fontes transportent quotidiennement des réfugiés… et sont potentiellement coupables.

Cette double appréciation du verdict se comprend : les uns se réjouissent légitimement de voir le risque d’une condamnation lourde de Rob écarté au profit d’une peine qui n’en est pas vraiment une. Les autres dénoncent l’hypocrisie de cette sanction qui, même si elle est très légère, reste une condamnation et une perpétuation du délit de solidarité.

Cette situation est d’abord le produit de la veulerie du gouvernement qui, loin de proposer une loi supprimant réellement le délit de solidarité, s’est contenté de quelques formulations vagues qui laissent la porte ouverte aux condamnations… la preuve ! Elle est aussi la conséquence d’un manque de courage chez certains magistrats. Soit Rob Lawrie et Claire Marsol condamnée à 1500 € d’amende par le TGI de Grasse pour avoir transporté deux Erythréens, sont des délinquants et il faut assumer d’appliquer les textes et les condamner à de tout autres peines que quelques centaines d’€ d’amende, avec sursis en plus. Soit ils ont eu les gestes de solidarité, ceux que tout le monde devrait avoir, et non seulement ils ne doivent pas être condamnés mais ils doivent être félicités. La décision du TGI de St-Etienne relaxant un prêtre qui avait accueilli des demandeurs d’asile dans son église en dépit d’un arrêté municipal l’interdisant témoigne de ce qu’il existe des magistrats cohérents et courageux.

Quant à la requalification de l’accusation contre Rob Lawrie d’aide au séjour d’un étranger (de 4 ans !) en « mise en danger de la vie d’autrui », elle est aberrante. Voilà une enfant qui vit dans la boue, dort sous la tente, mange et se lave on ne sait comment, etc… et des magistrats font mine de s’inquiéter de ce qu’elle ait parcouru quelques kilomètres sans ceinture de sécurité et sans rehausseur. Que ne poursuivent-ils pas ceux lui imposent de telles conditions de vie, la laissent dans le dénuement extrême alors que l’actuel quinquennat devait être celui de la jeunesse ? Que ne s’en prennent-ils pas aussi aux lois –et à ceux qui les appliquent y compris quand leurs décisions ont des conséquences inhumaines- qui font végéter des milliers et des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans les conditions indignes de la Jungle et tout risquer chaque jour pour se rendre là où ils espèrent refaire leur vie ?

Monsieur le Procureur Jean-Pierre Valensi avait conclu son réquisitoire d’un vigoureux « La fin ne justifie pas les moyens ». Peut-être gagnerait-il à se l’appliquer à lui-même ?

Richard Moyon

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« Houve compaixão » no julgamento do britânico que quis salvar Bahar de Calais

Ana Fonseca Pereira, 14/01/2016

Denis Charlet/AFP
Denis Charlet/AFP

Voluntário britânico foi preso quando tentava levar menina afegã para o Reino Unido a pedido do pai. Absolvido, espera que o caso tenha ajudado a dar uma imagem mais humana dos refugiados.

Há duas crianças na história de Robert Lawrie, o britânico que nesta quinta-feira foi absolvido em França do crime de apoio à imigração ilegal. No início está Aylan Kurdi, o menino sírio que em Setembro morreu afogado no Mediterrâneo. Foi a fotografia do seu corpo franzino, arrastado para uma praia da Turquia, que levou o antigo militar a deixar a família e o trabalho, a carregar a carrinha com bens doados e a partir para Calais. No centro do furacão em que se viu envolvido surge Bahar Ahmadi, um metro de gente e sorriso maroto que Lawrie não suportou que continuasse a dormir entre o frio e a imundice da “Selva”, onde milhares de refugiados e imigrantes sobrevivem à espera de uma oportunidade para entrar no Reino Unido.

Foi a 24 de Outubro, com o Inverno à porta, que Lawrie passou a fronteira ténue que muitas vezes separa o activismo da ilegalidade. O pai de Bahar, um agricultor afegão fugido aos taliban, há muito que tentava convencer o britânico a levar a filha para Leeds, no Norte de Inglaterra, onde tinha primos dispostos a acolhê-la. Uma e outra vez vez, Lawrie respondeu que não o podia fazer, mas naquela noite, sentado a uma fogueira acesa no campo viu a pequena afegã, quatro anos feitos, adormecer nos seus joelhos e não foi capaz de dizer que não.

“Não podemos salvar toda a gente, mas toda a gente pode salvar alguém, e ela é esse alguém para mim”, disse ao jornal Guardian, horas antes de se sentar frente aos juízes do tribunal de Boulogne-sur-Mer, cidade a poucos quilómetros de Calais e do amontoado de tendas onde, segundo os últimos dados oficiais, quatro mil estrangeiros vivem em condições descritas como “diabólicas”. Ainda nesta quinta-feira centenas receberam ordem para abandonar uma parte do campo, com a promessa de serem alojados nos primeiros contentores que o Governo mandou erguer para melhorar as condições de vida no local.

“Eu sei que cometi um crime, mas não podia deixá-la mais nenhuma noite naquele lugar horrível. E quando se vê o que eu ali vi, todo o pensamento racional desaparece”, disse ao Independent este antigo instrutor físico do Exército, pai de quatro filhos, que, comovido pela tragédia de Aylan, acabou por fechar a empresa de limpeza de carpetes que detinha em Guiseley, nos arredores de Leeds, para, em sucessivas viagens, levar ajuda aos refugiados e ajudá-los a construir abrigos a partir de paletes de madeira.

A viagem de regresso deveria ter sido rápida. Lawrie colocou Bahar num pequeno compartimento por cima do assento do condutor da sua carrinha e Reza Ahmadi, o pai da criança, garantiu que ela dormiria a noite toda até chegar a casa dos familiares. Mas à entrada do túnel da Mancha, cães-polícia detectaram o rasto de dois eritreus escondidos na bagageira – o britânico assegura que os jovens entraram sem que ele tivesse dado conta e terá sido ele que, já a caminho da esquadra, avisou os polícias franceses de que a menina continuava dentro do carro. “Acusaram-me de a ter violado”, recordou ao jornal francês Le Monde, explicando que a suspeita caiu quando, após uma hora de interrogatório, deixaram Bahar vê-lo. “Ela chorava, completamente desorientada, e quando me viu, saltou para os meus braços.”

A pequena afegã foi devolvida ao pai e à “Selva », mas nesta quinta-feira, pouco antes do julgamento, voltou aos braços de Lawrie, numa conferência de imprensa a abarrotar de gente. Ali, como depois à frente dos juízes, o britânico garantiu estar arrependido – “De forma egoísta tenho medo, não quero ir para a prisão” –, repetindo, porém, que não suportou a ideia de a deixar “num lugar muito, muito perigoso e frio”.

O antigo militar incorria numa pena de cinco anos de prisão e até 30 mil euros de multa por “facilitar, através de ajuda directa ou indirecta, a circulação ilegal de um estrangeiro”. Stéphane Maugendre, jurista e presidente de uma associação de apoio aos imigrantes, lembrou em tribunal que várias pessoas foram acusadas nos últimos meses por aquilo que classifica de “delitos de solidariedade”. “Temos homens e mulheres que, pela sua humanidade ou militância, tentam aliviar uma carência” a que competia ao Estado responder, acusou.

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Briton in smuggling trial says could not leave child in squalid camp

Reuters, , 14/01/2016

A British ex-soldier who tried to smuggle a 4-year-old Afghan girl into Britain at her father’s request told a court in France that he was sorry but that he could not bear to leave the child to sleep in the cold in a squalid migrant camp.

Rob Lawrie, 49, faces up to five years in jail and a 30,000-euro (£22,513) fine for aiding illegal immigration, a case that goes to the heart of Europe’s dilemma over how to deal with its worst refugee crisis since World War Two.

« It was very cold … the little girl, she fell asleep on my knees, and I couldn’t leave her. I’m sorry, » the former carpet cleaner told the court.

Lawrie was a volunteer in a makeshift migrants’ camp known as « the jungle » in Calais, northern France, when he met Bahar Ahmadi, known as Bru, and her father.

« It’s a very dangerous place, it’s dangerous and cold, » Lawrie told the court.

There are around 4,000 migrants at the unofficial camp. Many want to make it to Britain, trying night after night to jump onto trucks or trains or even walk the 31-mile (50-km) undersea tunnel to Britain. At least 16 have died.

Britain and France have jointly tightened security around the harbour and train-tracks over the past months, but the camp remains.

When Bru’s father asked to Lawrie to take her to relatives in Britain, he refused several times before relenting on Oct.24 as nights grew very cold in the camp.

He set off in his van with Bru but French police caught him, also finding two Eritrean men in the back of the vehicle, and returned Bahar to her father in the camp.

At the hearing, the public prosecutor recommended Lawrie either be condemned for breaching migration rules or, if the judges decided to acquit him for that, that he be sentenced to a 1,000-euro fine for putting the child’s life in danger since she was in the cache of the van, with no seatbelt.

« PRESSURE ON THOSE TRYING TO HELP »

Earlier on Thursday, Lawrie told reporters he had acted on the spur of the moment. Alternately defiant and emotional, he said: « I don’t understand why other people around the world are not getting as emotional as me. »

He had arrived at the news conference carrying the little girl, who was smiling and eating candies.

Lawrie said he was unaware of the Eritreans being at the back of his van, and the authorities are not pressing charges.

Lawrie’s lawyer said she would try to get him cleared of all charges, basing her case on a part of French law that protects from punishment those who help migrants in danger without being paid in return.

« We feel pressure growing on those who help refugees, pressure from the police, from the state, » Stephane Maugendre, a human rights activist who is also a witness during the trial, told Reuters.

« But as the migrants’ situation gets worse we also see more and more solidarity, » he said.

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Un Anglais jugé pour avoir tenté de franchir la frontière avec une fillette réfugiée

la-croix-logo Marie Boeton, 14/01/2016

Robert Lawrie comparaît, jeudi 14 janvier, pour avoir tenté de faire passer clandestinement la frontière à une enfant de la jungle de Calais.Le Gisti déplore une multiplication des procédures judiciaires à l’encontre des bénévoles et une réapparition du « délit de solidarité ».
Jon Super/AP
Jon Super/AP

Robert Lawrie fait profil bas. « J’ai fait une erreur et je m’excuserai devant le juge », explique ce père de quatre enfants. Son avocate invoque, elle, « un geste d’humanité ». L’ancien militaire anglais, très impliqué depuis l’été dernier auprès des réfugiés de Calais, comparaît devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-mer pour avoir tenté de faire franchir la frontière en octobre à Bahar, une petite Afghane de 4 ans. Le père de l’enfant l’aurait imploré d’emmener la fillette outre-Manche rejoindre le reste de sa famille.

Prison ferme à la clé

Le prévenu est poursuivi pour avoir « facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger » (art. 622-1 du Ceseda). À ce titre, il encourt cinq ans de prison et une amende de 30 000 €. On imagine mal toutefois qu’une peine de prison ferme soit prononcée contre l’intéressé.

D’autant qu’il est soutenu par un large comité de soutien. Une pétition -réclamant la clémence des autorités – dépasse même les 100 000 signatures. Plusieurs responsables associatifs devraient, par ailleurs, viendront témoigner à la barre en sa faveur.

Un retour du « délit de solidarité » ?

Les associations ont longtemps dénoncé le fait que les bénévoles puissent faire l’objet de poursuites pour avoir tendu une main secourable aux réfugiés. Depuis la loi du 31 décembre 2012 cependant, ces poursuites sont strictement encadrées. S’il reste formellement interdit de participer à un réseau organisant la venue de migrants, il est désormais possible de leur « fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux (…) ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci » sans être inquiété. Les responsables associatifs se sont alors félicités de la suppression du « délit de solidarité ».

Et pourtant, le président du Gisti, déplore une multiplication des poursuites ces derniers mois. « Les militants sont à nouveau dans le viseur de la justice, dénonce Stéphane Maugendre. Aujourd’hui, c’est autour de Rob Lawrie mais, il y a peu, c’était au tour d’une retraitée de Grasse d’être condamnée pour être venue en aide à deux Érythréens. Simplement pour les avoir emmenés en voiture de Nice à Antibes. Un bénévole de Perpignan a aussi récemment été poursuivi pour avoir accueilli une famille de réfugié. On assiste, de fait, à une réapparition du délit de solidarité. »

> À lire : L’abrogation du délit de solidarité, un acte symbolique

L’aide à la circulation

Le ministère public justifie ces poursuites. « Le droit est très clair : on peut héberger un migrant ou lui donner à manger mais il reste formellement interdit de faciliter leur circulation, et a fortiori de les aider à passer la frontière », explique un magistrat. Des nuances qu’ignoreraient certains bénévoles. Notamment ceux agissant en dehors des structures associatives.

Pour sa part, Pierre Henry, le président de France terre d’asile, appelle quoi qu’il en soit la justice à être clémente lorsque « la bonne foi du prévenu est établie ».

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Rob Lawrie, dernier exemple de poursuite pour «délit de solidarité»

index Maryline Baumard, 14/01/2016

Un Britannique, qui avait caché une fillette afghane dans son véhicule à Calais pour la faire entrer au Royaume-Uni, est poursuivi pour avoir transporté l’enfant sans papiers sur le territoire français. Le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) juge jeudi 14 janvier Rob Lawrie.
JON SUPER/AP
JON SUPER/AP

Cet ancien militaire de 49 ans, chef d’entreprise, a été arrêté le 25 octobre 2015 par la police aux frontières française avec à son bord Bahar Ahmadi, 4 ans. A la demande de son père, un Afghan rencontré dans la « jungle » de Calais, Rob Lawrie avait accepté de déposer la fillette dans la communauté afghane de Leeds, loin du bidonville de toiles et de bâches, où il ne la jugeait pas à sa place. Le prévenu, père de quatre enfants, risque cinq années de prison et une amende de 30 000 euros.

Rob Lawrie est poursuivi pour « avoir facilité, par aide directe ou indirecte, la circulation irrégulière d’un étranger en France », selon le chef de mise en examen. Or, M. Lawrie n’est pas le premier à devoir répondre de ce que les associations d’aide aux migrants ont rebaptisé le « délit de solidarité ». Depuis quelques mois, les cas se multiplient.

Lire aussi : Retour de bâton pour le Britannique qui a sorti une réfugiée de 4 ans de Calais

Confusion

Le 18 décembre 2015, une maître de conférences en retraite de 72 ans a été condamnée à 1 500 euros d’amende par le tribunal de Grasse pour avoir, elle aussi, transporté des sans-papiers. Elle avait conduit de la gare de Nice à celle d’Antibes une jeune femme et un mineur souhaitant rejoindre le nord de l’Europe. Le juge a conclu qu’elle avait « aidé au séjour de personnes en situation irrégulière ». Elle a fait appel.

Cinq mois auparavant, en juillet, un militant d’un collectif d’aide aux sans-papiers a été accusé par le substitut du procureur de Perpignan d’« aide au séjour irrégulier » pour avoir hébergé une famille arménienne entre janvier 2014 et juillet 2015. Autre lieu, autre lecture de la loi, le procureur a abandonné les poursuites dès le début du procès, estimant que « l’immunité prévue par la loi couvre l’hébergement des sans-papiers ». Le Père Riffard, curé d’une paroisse de Saint-Etienne, avait connu la même issue en appel un an auparavant, après avoir été condamné en première instance pour l’hébergement de demandeurs d’asile africains.

Pour Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés, appelé à témoigner au procès de Rob Lawrie, le délit de solidarité est bien « en train de faire son retour ». L’avocat observe « que c’est le cas tous les cinq ou six ans » et que « la dernière vague remontait à 2009, sous Eric Besson [alors ministre de l’immigration] ».

« Nous demandons depuis des années la suppression de ce texte parce qu’il est incroyable que l’Etat s’oppose à une solidarité qui naît justement pour répondre à ses carences », observe M. Maugendre. L’affaire prend aussi un tour différent aujourd’hui, car on croyait le délit de solidarité gommé du droit des étrangers. Une confusion entretenue par le fait qu’en 2012, la gauche avait annoncé qu’elle retirerait ce délit, alors qu’elle s’est contentée d’élargir le champ des immunités.

« Préserver l’intégrité physique de l’enfant »

La loi du 31 décembre 2012 précise qu’« une personne échappera aux poursuites à condition que l’aide soit apportée sans aucune contrepartie directe ou indirecte, qu’elle se limite à la fourniture de prestation de restauration, d’hébergement, de soins médicaux, de conseils juridiques, et qu’elle ait pour objectif d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou de « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci », rappelle Danièle Lochak, professeur émérite de droit public à l’université de Nanterre.

L’avocate de Rob Lawrie, Lucile Abassade, plaidera qu’« il n’y a pas eu d’échange d’argent entre la famille afghane et Rob Lawrie, d’une part. D’autre part, qu’il s’agissait de préserver l’intégrité physique de cette enfant ». Sans scolarisation, sans maison, sans chauffage, avec un seul repas quotidien, la vie dans la « jungle » de Calais est extrêmement difficile pour un enfant. Bahar Ahmadi y vit pourtant toujours… La pétition demandant que Rob Lawrie n’aille pas en prison est en passe d’obtenir plus de 120 000 signatures.

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Jugé pour avoir tenté de sortir une migrante de 4 ans de la « Jungle »

newlogovecto_0_0 13/01/2016

Un Britannique comparaît ce jeudi 14 janvier devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) pour avoir tenté de faire passer clandestinement une fillette afghane de la « Jungle » de Calais en Angleterre.
Sipa
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Petite fille afghane, échouée dans la « Jungle »… Pour avoir tenté de la sortir clandestinement de cet immense camp sauvage, où survivent environ 6.000 réfugiés près de Calais, un Britannique comparaît ce jeudi après-midi devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer.

L’affaire avait fait grand bruit fin octobre : Robert Lawrie, 49 ans, ancien soldat devenu dirigeant d’une entreprise de nettoyage, avait tenté de transporter une fillette Afghane jusqu’à Leeds, où elle avait de la famille et où lui-même vit. Mais ce père de quatre enfants avait été arrêté par la police des frontières française le 24 octobre. Les chiens de la police avaient également découvert deux Erythréens adultes présents à l’arrière de sa camionnette, cachés selon lui à son insu. Poursuivi pour aide au séjour irrégulier, il risque jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 30.000 euros.

« Bouleversé » par le sort des migrants l’été dernier, l’homme avait décidé de « faire quelque chose » en faveur des réfugiés et avait commencé à se rendre fréquemment à la « Jungle » de Calais, apportant vêtements et nourriture aux clandestins, les aidant à construire leur tente. Dans ce camp où vivent plusieurs milliers de migrants qui caressent l’espoir de rejoindre l’Angleterre, il y avait fait la rencontre de la petite Afghane et de son père. Selon Rob Lawrie, le père lui a alors demandé d’emmener son enfant de quatre ans dans le nord de l’Angleterre.

« Il ne me semblait tout simplement pas juste de la laisser là, sous une tente, dans la ‘Jungle' », s’est-il défendu lors d’un entretien à l’AFP diffusé en novembre. D’après son avocate Me Lucile Abassade, le Britannique « a agi dans l’émotion, sans réfléchir ». Rob Lawrie a reconnu avoir « fait quelque chose d’illégal… Mais je ne pense pas avoir agi illégalement sur le plan moral ».

Une pétition intitulée « «  a recueilli sur change.org environ 120.000 soutiens français et un peu plus de 50.000 sur sa correspondante anglaise. « Le tribunal devra dire si Robert Lawrie s’est conduit comme un passeur, un criminel, ou en citoyen pris de compassion pour cette situation », souligne dans un communiqué « « , un blog pro-migrants actif dans le Calaisis. Et Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés, de dénoncer dans le « retour » du « délit de solidarité », dont la gauche avait pourtant annoncé en 2012 l’abrogation.

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Procès délit de solidarité à Nice : un verdict peu courageux et dangereux

langfr-280px-Logo-crieur.svgRéseau Education sans Frontières, 23/12/ 2015

La suppression du délit de solidarité était l’une des très rares promesses que Hollande avait fait mine de tenir. La condamnation de Claire Marsol à Nice «coupable» d’avoir aidé deux tout jeunes Erythréens montre que, finalement, les engagements de Hollande dans ce domaine ne valent pas plus que dans les autres.

Claire Marsol, maître de conférences en retraite et militante de l’association Habitat et Citoyenneté, a été condamnée le 13 décembre 2015 par le tribunal correctionnel de Grasse à 1500 € d’amende pour « aide directe ou indirecte à l’entrée, la circulation, le séjour irrégulier de deux étrangers en France ».

Le 13 juillet dernier, alors que la police de M. Cazeneuve accomplissait sa noble mission de refoulement des réfugiés débarqués en Italie et se présentant à la frontière pour poursuivre leur exode vers l’Europe du nord, des militants d’associations de défense des droits de l’Homme étaient en gare de Nice pour observer les policiers contrôlant les voyageurs au faciès, leur demandant leurs papiers, leur interdisant l’accès aux trains et, parfois, déchirant leurs billets SNCF.

Vers 10 heures, un garçon de 15 ans, Erythréen, contrôlé et refoulé s’adressait à Claire, lui disant « Paris !» « Paris !». Une jeune femme de 22 ans se joignait à lui. Claire les prenait dans sa voiture et les conduisait à la gare d’Antibes, moins surveillée espérait-elle.

Mais, alors qu’elle montrait aux deux jeunes gens comment composter leurs billets, elle était repérée et dénoncée –oui, dénoncée—par un employé de la SNCF. Les trois « délinquants » étaient embarqués, menottes aux poignets. Claire allait subir 24 heures de garde à vue, une perquisition de son domicile puis une mise en examen.

Remise en liberté, la jeune Erythréenne reprenait immédiatement sa route vers le nord. Confié à l’ASE, le garçon de 15 ans fuguait rapidement pour, lui aussi, tenter de retrouver les siens. Des faits qui témoignent du gâchis matériel et moral que constitue la politique du gouvernement français…

Six mois plus tard, le 18 décembre, Claire Marsol comparaissait devant le tribunal correctionnel de Grasse qui n’a probablement rien de mieux à faire. Plus d’une centaine de personnes solidaires et de militants associatifs remplissaient la grande salle d’audience, surveillés par des dizaines de policiers le casque au côté. Hautain, cassant, sarcastique avec des prévenus sans beaucoup de défense, le président Alexandre Julien se montrait dès les premières affaires tel qu’en lui-même, hélas.

Face à Claire Marsol, son parti est pris dès le début : « Vous savez que la police contrôle les migrants et c’est sciemment que vous vous opposez à ces contrôles ». « Au moindre bruit, je n’hésiterai pas à faire évacuer la salle ! » clame-t-il quand une rumeur accueille son affirmation mensongère selon laquelle les mineurs isolés étrangers sont tous pris en charge par l’ASE. Un avertissement qu’il renouvellera au moment de rendre sa décision. Ni la revendication des faits par l’accusée, ni le témoignage de Stéphane Maugendre, président du GISTI qui rappelle les épisodes de la lutte contre le délit de solidarité jusqu’à la loi du 31 décembre 2012 censée le supprimer, ni celui d’Hubert Jourdan, le président d’Habitat et Citoyenneté, plusieurs fois grossièrement interrompu, n’ébranlent la conviction affichée du président : « La politique migratoire n’est pas dans le débat » et « Vous empêchez la police de faire son travail ».

Un boulevard ouvert pour le procureur qui reprend et développe les arguments suggérés par le président et, pour finir, demande une condamnation à 2000 € d’amende… avec sursis.

Décision du tribunal en forme de minable diminution des tarifs : 1500 € d’amende ferme avec un rabais de 20% si elle est réglée dans le mois.

Avec ou sans sursis, cette condamnation est évidemment inacceptable dans son principe… comme le reconnaissent sans s’en rendre compte et le procureur et le président Julien. Elle est aussi le témoignage d’une certaine pleutrerie. En effet, s’ils considèrent, comme tous leurs discours au long de l’audience tendaient à le démontrer, que Claire Marsol joue le même rôle que les passeurs… il fallait trouver le courage de lui infliger une vraie condamnation et pas une peine ridicule avec sursis ou une amende ferme et minable qu’une simple collecte à la sortie du tribunal aurait permis de payer avec intérêts. Ou alors, avoir la volonté de rendre vraiment la justice et la relaxer en affirmant publiquement, comme le demandait son avocate Sarah Benkemoun, que par ses actes, Claire Marsol a veillé à préserver la dignité de ceux qu’elle a aidés mais aussi de tous. Le tribunal s’est dérobé et a préféré se réfugier dans une peu glorieuse condamnation au rabais.

Bien entendu, l’affaire n’est pas close. Sur le plan juridique, il y aura appel. Mais elle va bien au-delà. La suppression du délit de solidarité était l’une de ses très rares promesses que Hollande ait tenue… avec les limites que l’on voit !

La condamnation des délinquants de la solidarité était intolérable sous Sarkozy. Elle l’est tout autant sous Hollande. Avec, en prime, le goût amer d’avoir été floué.

Richard Moyon, Militant RESF

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Une bénévole condamnée pour «délit de solidarité» avec les migrants

langfr-280px-Logo-crieur.svg Michaël Haidenberg, 22/12/2015

Le délit de solidarité , qui consiste à aider des migrants dans le besoin, n’est pas mort, contrairement à ce qu’avait annoncé Manuel Valls en 2012. Une bénévole vient d’être condamnée à Grasse pour avoir tenté d’aider deux Érythréens. Ailleurs en France, les poursuites se multiplient.

Depuis 2012, on croyait le « délit de solidarité » enterré. Vendredi , il a pourtant resurgi du passé : Claire , une militante de 72 ans , a été condamnée pour avoir aidé en juillet des migrants érythréens à voyager. Le tribunal de grande instance de Grasse l’a condamnée à 1 500 euros d’amende, au grand dam d’associations d’aide aux étrangers d’autant plus inquiètes que d’autres cas de poursuites judiciaires ont émaillé l’année 2015. Ainsi, le 14janvier prochain, ce sera au tour d’un Anglais de comparaître devant le tribunal de Boulogne- sur-Mer, pour avoir voulu venir au secours d’une enfant de 4 ans résidant dans la jungle de Calais. Est-ce le signe d’un retour en arrière ? Ou faut-il parler de circonstances bien particulières ?

L’enjeu est hautement symbolique. En septembre 2012, Manuel Valls avait annoncé la suppression de ce délit qui permettait de poursuivre toute personne ayant « tenté ou facilité » le séjour d’étrangers en situation irrégulière en France : « Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable », expliquait celui qui était alors ministre de l’intérieur.

Ce « délit de solidarité », une expression inventée par des défenseurs des étrangers, avait connu un pic de notoriété en 2009 avec la sortie du film Welcome gui contait l’histoire d’un maître nageur souhaitant aider un jeune Afghan à rejoindre l’Angleterre par la nage, et dont les projets se trouvaient contrariés par la police.

La loi du 31 décembre 2012 n’a cependant pas tout réglé, comme le montre la condamnation de Claire. Ancienne maître de conférences en chimie , cette retraitée de 72 ans est bénévole au sein de l’association « Habitat et citoyenneté », une association d’aide aux migrants en situation précaire. Le13 juillet, elle se trouve avec d’autres militants en gare de Nice , pour traquer les contrôles au faciès effectués par la police. Elle y rencontre un mineur Érythréen de 15 ans, en provenance de Vintimille, sans argent, qui ne parle pas français, et qui lui dit seulement « Paris ». Puis, sur le parvis de la gare, elle fait la connaissance d’une autre Érythréenne, âgée de22 ans, munie d’un billet de train pour la capitale.

Tous deux font face à des policiers qui veulent visiblement les empêcher de voyager. «Après en avoir parlé avec un ami,j’ai décidé de les emmener à Antibes, où je pensais qu’il y aurait moins de policiers », raconte-t-elle. Peine perdue : un agent de la SNCF les repère, alerte la police. Claire refuse de présenter ses papiers d’identité (« c’est peut-être le seul tort que j’ai eu, mais je ne le regrette pas »). Elle est menottée , son téléphone confisqué ; fouillée, elle est placée en garde à vue pendant 24 heures, et le lendemain, elle est conduite menottes aux poignets dans son immeuble où son appartement est perquisitionné. Puis elle est convoquée au tribunal pour avoir «facilité, par aide directe ou indirecte, l’entrée irrégulière, la circulation irrégulière, le séjour irrégulier de deux étrangers en France ».

L’article L622-1 est en effet toujours en vigueur : il prévoit qu’aider des sans-papiers est passible de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros. L’article L622-4 a cependant été ajouté en 2012, et il prévoit des exemptions. Pour ne pas être condamné , il faut d’abord n’avoir touché aucune contrepartie , notamment financière. Aucun doute sur ce point : Claire, chez gui on n’a pas retrouvé d’argent en liquide, n’a jamais été un passeur.Juste une bénévole.

Pour être considéré comme innocent, il faut cependant remplir une seconde condition sur le type d’aide apporté. Le texte de loi «précise» qu’il faut avoir fourni « des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ».

Avoir conduit ces Érythréens à la gare relève-t-il d’une « aide visant à préserver leur dignité ou leur intégrité physique » ? Non, à en croire le tribunal de Grasse, qui reproche à Claire d’avoir soustrait ces migrants à un contrôle de police. Oui , selon son avocate , Me Sarah Benkemoun, qui fait appel du jugement car elle estime que ce n’est pas la question : sa cliente a empêché un mineur et une jeune femme de se retrouver en détresse , dans la rue , dans une ville qui leur était inconnue. Elle a voulu les aider à rejoindre leur famille à Dijon et Paris.

« Ils étaient en danger. Elle a eu une démarche humanitaire. Elle n’a pas aidé des fugitifs, elle ne leur a pas fabriqué de faux documents, elle ne les a pas cachés. Ils auraient d’ailleurs pu rejoindre Antibes par leurs propres moyens. Mais dans le contexte actuel, entre les attentats de Paris et les élections, plaider la solidarité n’est visiblement pas aisé. »

Claire ne comprend pas plus la décision : « Depuis 2009,j’aide des étrangers. J’ai déjà hébergé chez moi des Géorgiens, Érythréens, Soudanais, Tchadiens, et cela ne pose visiblement pas de problème. Quand j’aide un sans-papiers à se soigner et que je le conduis à l’hôpital, on me félicite. Et là, on me condamne. Ces Érythréens se sont finalement retrouvés dans la rue, on a perdu leur trace, alors qu’ils cherchaient juste à rejoindre leur famille. Tout ça pour ça. »

«Je ne pouvais pas laisser passer cette enfant une nuit de plus dans cet endroit horrible »

Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), estime que « toute l’ambiguïté du texte de loi » éclate au grand jour. Tous les six ans, note-t-il, le délit de solidarité réapparaît. 1997 : condamnation de Jacqueline Deltombe , coupable d’avoir prêté les clefs de son appartement à un sans-papiers. 2003 : fortes mobilisations contre le projet de Sarkozy de durcir les peines encourues. 2009 : des condamnations mènent à un affrontement dur entre les militants et le ministre Éric Besson. Et maintenant 2015, avec, faute de suppression , un danger qui renaît.

Camille Six, juriste à la PSM (Plateforme de service aux migrants), estime que la loi, sujette à interprétation, l’oblige à prévenir les bénévoles : «Attention ! Ralliez-vous aux réseaux d’hébergements existants plutôt que de vous lancer seuls dans l’aventure. Car cette activité de soutien n’est pas sans risque. »

Ces ambiguïtés donnent lieu à des interprétations différentes selon les juridictions, et parfois jusqu’au sein des tribunaux. À Perpignan, Denis a hébergé à son domicile une famille arménienne (avec deux enfants de 3 et 6 ans), sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Pendant ses 36 heures de garde à vue, il fut demandé à Denis : « Qui faisait la vaisselle ? » Sa réponse a fourni l’occasion d’un procès, au motif que les migrants versaient une contrepartie : ils « participaient aux tâches ménagères (cuisine, ménage, etc.) ».

Le 15 juillet, jour du procès, le procureur de la République de Perpignan est cependant venu en personne à l’audience pour demander la relaxe de Denis. Mais l’absence de condamnation ne signifie pas que ce type d’affaire ne laisse pas de trace. Les bénévoles, angoissés, savent qu’ils peuvent être poursuivis, longuement interrogés, ignorent au bout de combien de temps ils seront relâchés. Camille Six va jusqu’à parler d’un « harcèlement moral » des militants.

Rob Lawrie en a fait les frais. Cet ancien soldat britannique de 49 ans, père de quatre enfants, a tenté de faire passer clandestinement la frontière à Bahar, une enfant afghane de 4 ans. Il comparaîtra le 14 janvier devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer où il encourt lui aussi une peine de cinq ans de prison pour cet acte qui, selon son avocate, Me Lucile Abassade, relève pourtant de «l’aide humanitaire».

Rob, qui habite près de Leeds, connaît bien la jungle de Calais. Après avoir vu les images dans la presse du corps d’Aylan Kurdi, l’enfant syrien échoué sur une plage turque, il a décidé de faire régulièrement l’aller-retour pour aider les étrangers qui y résident : il a créé un groupe d’entraide pour récolter des vêtements et de la nourriture. Sur place, il aidait à construire des cabanes. Sur sa page Facebook, il a posté une vidéo de ce qu’il y a vu.

Il y a fait la connaissance de Bahar et de son père. À la presse britannique, il a raconté : « Je ne pouvais pas laisser passer cette enfant une nuit de plus dans cet endroit horrible. Les conditions étaient horribles. Cela m’a rappelé des décharges de Bombay. Et quand vous avez vu ce que j’ai vu, toute pensée rationnelle sort de votre tête. »

Son avocate détaille : « Fin octobre, il y avait une grosse vague de froid, ils étaient au milieu du bois, dans la misère. Le père de Bahar a demandé à Rob de bien vouloir emmener son enfant chez sa tante, en Angleterre. Rob a ressenti une forme d’urgence et il a craqué. »

Rob a caché la petite fille dans un des compartiments de stockage de son van, au-dessus du siège du conducteur. Mais des chiens renifleurs ont détecté deux Érythréens cachés, à son insu , à l’arrière de sa camionnette. Bahar a été découverte et Rob Lawrie arrêté. Il a prévenu : «Je m’excuserai devant le juge. Je ne dis pas : « Hé, regardez-moi, je suis un héros »,je dis : « J’ai pris la mauvaise voie, trouvons la bonne ». »

À Calais, il n’est pas le seul à venir au secours des étrangers. « Si on poursuivait tous les gens qui aident les étrangers, les tribunaux seraient pleins », explique Me Marie-Hélène Calonne, avocate spécialiste du droit des étrangers à Boulogne-sur-Mer.

Cela n’empêche pas la police de mener la vie dure à certains militants, parfois en contournant le délit de solidarité. À Calais, un arrêté interdit aux militants de s’arrêter sur le chemin des dunes, le chemin qui conduit de la ville à la plateforme Jules-Ferry. Les policiers laissent les bénévoles entrer, et une fois qu’ils stationnent, ils leur collent des PV, racontent plusieurs associations présentes sur place.

À Norrent-Fontes, quatre abris pour les exilés avaient été construits en 2012, avec l’accord du maire de l’époque. Deux de ces abris de fortune ont été détruits au printemps dernier dans un incendie accidentel. Les membres de l’association Terre d’errance ont voulu le reconstruire. Le maire leur a opposé le droit de l’urbanisme , qui ne posait pourtant pas de problème auparavant. Suite à deux plaintes de la mairie, ils ont été poursuivis par le procureur de Béthune pour construction illégale sur un terrain municipal ; ils encourent 3 mois de prison et 75 000 euros d’amende. Pire : à défaut de pouvoir continuer à construire, les militants ont posé une toile protégeant les migrants de la pluie. Nouvelle plainte et convocation au commissariat. « Mettre à l’abri : voilà donc né un nouveau délit de solidarité ! », dénonce le Gisti.

Offrir une toile ou un toit n’est donc plus une sinécure. À Dijon , un militant de la Ligue des droits de l’homme a été poursuivi pour avoir hébergé des sans-papiers. Et le curé de Montreynaud (Saint-Étienne), pour avoir hébergé des sans-papiers dans un lieu de culte qui n’offrait pas toutes les conditions requises en matière d’hygiène et de santé publique.

Léopold Jacques, lui, après avoir été condamné en première instance, a fini par obtenir gain de cause devant la cour d’appel de Rouen. Celle-ci a estimé que ce bénévole à la Croix-Rouge et membre de France Terre d’Asile ne pouvait être condamné pour avoir aidé une Congolaise en 2011 : il avait fourni à cette femme malade des attestations d’hébergement pour qu’elle puisse bénéficier de soins médicaux en France. Léopold jacques, 70 ans, croyait en avoir enfin fini avec la justice. Le parquet a toutefois décidé de se pourvoir en cassation.

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