Un an de prison ferme pour un sans-papiers ayant refusé d’embarquer

index Philippe Bernard, 

UN AN DE PRISON ferme. Pour s’être rebellé contre sa reconduite à la frontière, Diawara Sirine, un Malien sans papiers de trente ans va passer un an en prison. Son arrestation inattendue, à l’audience de la cour d’appel de Paris, jeudi 26 novembre, a provoqué la stupeur et la colère des militants des comités de soutien présents, qui rapprochent cette décision des récentes déclarations de fermeté de Lionel Jospin.

La salle a du être évacuée. Visiblement, les magistrats de la douzième chambre présidée par Jean Gouyette ont voulu faire un exemple, s’agissant d’une personne sans casier judiciaire et d’un délit pour lequel le « tarif » courant est de trois mois ferme. Trois autres Maliens, qui comparaissaient pour les mêmes faits, ont été respectivement condamnés à six mois pour l’un et trois mois pour les deux autres. Tous sont interdits du territoire français pour cinq ans. En première instance, le 8 juin, tous avaient bénéficié d’une relaxe, le tribunal correctionnel de Bobigny ayant constaté des irrégularités dans les procès verbaux de police. Le parquet avait fait appel et réclamé une peine de quatre mois de prison (Le Monde du 31 octobre).

Les faits remontent au 28 mars, lorsque douze Maliens en situation Irrégulière, avaient été conduits à Roissy vers un avion d’Air-Afrique à destination de Bamako. Dix jours plutôt, il faisaient partie du groupe qui avait occupé l’église Saint-Jean-de-Montmartre (Paris 18 ème) avant d’en être évacués par la police et d’être interpellés.

C’est l’époque où, à l’aérogare de Roissy, un groupe d’extrême-gauche, bientôt rejoint par des syndicats, des militants de gauche et des personnalités, incitait les passagers à refuser de voyager eh compagnie de sans-papiers reconduits. Une escorte de vingt- trois policiers avait été chargée d’accompagner les douze Maliens. « Les étrangers ont été entravés avant de monter dans l’avion pour éviter que des blessures inutiles soient infligées aux escorteurs », indiquent le rapport des Renseignements généraux qui a inspiré la décision des juges.

Selon la police, les douze sans- papiers ont du être portés jusqu’à la cabine puis ont manifesté « bruyamment et violemment » leur refus de partir. Quarante minutes plus tard, rembarquement des passagers ordinaires a compliqué la situation. «Plusieurs d’entre eux ont affirmé leur solidarité avec les reconduits », affirme le rapport.

Le scénario rapporté par les Africains diffère notablement. Ils affirment avoir été entravés aux chevilles et aux poignets, puis attachés aux sièges, une corde passée au niveau du torse s’ajoutant à la ceinture de sécurité. Une situation qui rendait impossible, selon eux, les « coups » dont on les accuse. Ils affirment enfin ne s’être rebellés qu’après y avoir été encouragés par les passagers. D’ailleurs, ils n’ont pas été poursuivis pour rébellion mais seulement pour refus d’embarquer et pour séjour irrégulier, souligne l’un de leurs avocats, Me Stéphane Maugendre. Le rapport des RG, lui, désigne Diawara Sirine comme « l’un des plus violents ». « Il a, avec son corps, porté des coups aux fonctionnaires d’escorte, affirme le document. Il a proféré une kyrielle de propos outrageants et insultants envers l’État français (…). Enfin il a menacé de mort(…)tous les fonction- mires lorsqu’ils seraient arrivés à Bamako ».

Les associations de défense des droits de l’homme ont réagi avec virulence contre la décision de la Cour d’appel de Paris. « Provocation, (…)indissociable de l’option brutale et inhumaine retenue par le premier ministre » », tonne le Mrap. Le syndicat de la magistrature, lui, exprime sa « vive indignation » et dénonce des «peines exorbitantes». La Ligue des droits de l’Homme (LDH) se dit «très choquée » et « inquiète » devant ce «refus complet d’ouverture ». Me Maugendre, l’avocat de Diawara Sirine conclut simplement : « en quinze ans de pratique du droit des étrangers Je n’ai jamais vu ça ».

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