Plus de prison pour les sans-papiers pour le seul refus d’être expulsés

  12/05/2011

© Jean-Philippe Ksiazek AFP

La France n’incarcèrera plus les étrangers sans papiers au seul motif qu’ils refuseraient d’être expulsés, en application d’une décision de la justice européenne, mais Paris maintiendra le dispositif de garde à vue et de rétention administrative en cas de séjour irrégulier.

Deux semaines après un arrêt de la cour de justice européenne de Luxembourg jugeant illégale la détention en Italie d’un migrant en situation irrégulière qui a refusé de quitter ce pays, la Chancellerie a diffusé aux cours d’appel et aux parquets une circulaire précisant la « portée » de cette décision.

L’arrêt européen du 28 avril, salué par les syndicats comme la fin de la pénalisation du séjour irrégulier, a produit « des divergences d’interprétations entre diverses cours d’appel », a justifié le ministère de la Justice.

En effet, des décisions favorables aux étrangers ont été rendues à Nîmes, Rennes et Toulouse. A Paris et Marseille, ce sont des décisions contraires qui ont été prononcées.

Après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le ministère de l’Intérieur a jugé que la France n’était pas concernée et qu’elle continuerait d’incarcérer un étranger en situation irrégulière « en cas de refus » d’éloignement.

Deux dispositions du Ceseda (code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile) prévoient des peines d’emprisonnement des sans-papiers.

L’article 624-1 punit la soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement et l’article 621-1 sanctionne l’entrée et le séjour irréguliers. Dans ce second cas, deux circulaires préconisent de n’exercer l’action publique qu’envers les étrangers coupables d’une autre infraction dans le but de favoriser la procédure administrative d’éloignement.

Loin de l’analyse de la place Beauvau, la Chancellerie demande aux parquets de « se conformer à la décision du 28 avril » en plaçant en garde à vue et en ne poursuivant un étranger qu’en cas d’infractions « détachables du séjour irrégulier ou de soustraction à une mesure d’éloignement ».

En clair, un délit autre que le refus d’être expulsé.

Le ministère cite des « comportements de violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique ou de fraudes avérées (faux documents administratifs) » et ceux « visant à faire échec à l’exécution forcée de la mesure d’éloignement par l’autorité administrative lorsque a été préalablement mis en oeuvre le placement en rétention ».

« Il conviendra désormais, avant toute poursuite fondée sur l’article 624-1 du Ceseda, de s’attacher à caractériser un défaut manifeste de coopération dans la phase d’identification se déroulant pendant la rétention administrative ou de résistance à l’exécution de la procédure forcée d’éloignement », recommande la circulaire.

L’arrêt de la CJUE découle de la « directive retour » européenne de 2008 sur les modalités de reconduite à la frontière qui considère l’emprisonnement incompatible avec l’objectif d’éloigner un étranger.

Cet arrêt, estime en revanche la Chancellerie, ne fait pas obstacle au placement en garde à vue des étrangers sur la base de l’article 621-1 du Ceseda, ni aux mesures de rétention administrative qui peuvent en découler.

Dans ce cas, la chancellerie recommande de formuler des appels, voire des pourvois en cassation contre les décisions des juges de ne pas prolonger la rétention.

« C’est une interprétation erronée de l’arrêt européen », a dit Stéphane Maugendre du Groupe de Soutien et d’information des travailleurs immigrés (Gisti) qui envisage de faire un recours devant le Conseil d’Etat. En revanche, analyse-t-il, la circulaire ministérielle « a ouvert la voie à une modification de la législation française ».

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