L’emprisonnement au seul motif du séjour irrégulier soumis aux Sages

 

© Bertrand Guay afp.com

Le Conseil constitutionnel rendra le 3 février sa décision sur les sanctions pénales, comportant une peine de prison, prévues dans le droit français pour le seul motif de séjour irrégulier, contestées par plusieurs associations de soutien aux sans-papiers.

Les « Sages » ont examiné mardi en séance publique une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) – disposition qui permet à tout justiciable de contester une disposition législative – sur la pénalisation du séjour irrégulier, prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda).

Cette QPC a été soulevée par Me Julien Gautier, avocat d’un Algérien qui avait été placé en garde à vue fin août sur le fondement de l’article contesté (L.621-1 du Ceseda), puis en rétention administrative.

Cet article prévoit une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 3.750 euros pour un étranger, pour le seul motif qu’il est en séjour irrégulier.

La Cour de cassation, dans sa décision de transmission de la QPC au Conseil constitutionnel, avait souligné que la garde à vue de cet homme « n’aurait pu être ordonnée si le délit » qui lui est reproché « n’avait pas été puni d’une peine d’emprisonnement ».

Sa situation a depuis été « régularisée », « il n’est donc pas un délinquant », a précisé Me Gautier, jugeant « manifestement disproportionnées » les sanctions pénales qui lui étaient applicables.

Il a demandé aux Sages de déclarer cet article non conforme à la Constitution, et plus particulièrement à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui exige des peines « strictement et évidemment nécessaires ».

Les avocats de plusieurs associations s’étant jointes à la procédure se sont également appuyés sur deux arrêts rendus en 2011 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Celle-ci a jugé que l’emprisonnement d’un étranger en situation irrégulière, au cours de la procédure de retour, était en contradiction avec le droit européen.

« Est-ce que le niveau de protection des droits de l’Homme est le même dans le cadre du droit français et dans le cadre du droit européen?, a demandé Me Henri Braun, avocat de SOS soutien aux sans-papiers.

Même si elles sont « relativement rares », les poursuites sur la base de l’article contesté « existent », a-t-il dit.

Selon Me Stéphane Maugendre, avocat du Gisti, on compte chaque année « 100.000 ouvertures de procédures pour séjour irrégulier, 60.000 gardes à vue, 600 condamnations sur le fondement unique de l’article 621-1 du Ceseda, 200 peines d’emprisonnement ferme prononcées par les tribunaux correctionnels, pour en moyenne 2,7 mois ».

Me Maugendre a dit avoir constaté que « des préfets, rencontrant des difficultés pour procéder à des reconduites à la frontière, demandaient à des procureurs de prendre des réquisitions fermes, pour faire garder (des étrangers) sur le territoire deux mois de plus, ce qui ajoutait à l’encombrement des maisons d’arrêt ». Cet article « est complètement dévoyé de son sens », a-t-il dénoncé.

Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, a pour sa part jugé qu’en raison des décisions de la CJUE, cet article « n’a plus aucun sens, parce qu’il n’est plus applicable en l’état ».

Xavier Pottier, qui intervenait au nom du gouvernement, a objecté que « compte tenu de l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière » et de la « nécessité de prévoir une peine suffisamment dissuasive (…), la peine d’un an de prison ne peut être regardée comme manifestement disproportionnée ».

Il a également relevé que « la constitutionnalité de la loi ne saurait dépendre de sa conformité avec le droit de l’Union européenne ».

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