Le journaliste acquitté, le caïd condamné

logoParisien-292x75 Elodie Soulié, 24/10/2003

Des deux accusés du meurtre de Gilbert Ducret, le 15 janvier 1995 à Gagny, l’un est ressorti libre et acquitté, l’autre est retourné en prison pour vingt ans. Hier soir, sans doute faute de preuves plus que par conviction, la cour d’assises de Seine-Saint-Denis a blanchi Omar Guendouz, ce journaliste de 34 ans rendu célèbre par son enquête sur le « tueur de l’Est parisien » Guy Georges.

Et tout aussi démunie de preuves mais avec plus de conviction, la cour a « chargé » son coaccusé Victor Aboui-Ella, 31 ans, le caïd de banlieue au coup de poing facile et au casier judiciaire long comme le bras, plombé par la violence et son incapacité à « laisser un affront impuni ».

Un verdict tombé à la fin d’une dernière journée d’audience qui n’a pas donné ce qu’elle espérait à Anita Ducret : la veuve de Gilbert Ducret était venue chercher une « vérité » attendue depuis bientôt neuf ans. Hier soir, épuisée par trois journées d’audiences aussi vaines que longues, elle a quitté la cour d’assises nouée par l’effroyable sentiment d’avoir perdu son temps.

Malgré les 20 ans de réclusion infligés au meurtrier présumé de son mari, elle ne saura jamais vraiment pourquoi Gilbert, le père de deux de ses enfants, est mort un soir de janvier 1995, battu à mort sur le bitume d’un carrefour de Gagny, après un banal accident de la route.

20 ans de réclusion

Durant trois jours d’audiences « polluées par le mensonge », comme le regrette l’avocat de la famille Ducret, Me Stéphane Maugendre, et comme ils le font en réalité depuis le début de l’instruction, les deux accusés n’ont pas aidé la cour à progresser vers cette vérité que tout
le monde espérait. Ils n’ont fait que se renvoyer la faute, sans regards pour le petit banc où, coudes serrés dans une douleur qui les brise, les proches de Gilbert espéraient un aveu, une explication.

Or ni Omar Guendouz, si contrit en avouant « avoir beaucoup menti, par lâcheté et par peur » pour protéger Aboui, ni celui-ci, en répétant lapidairement n’avoir « rien vu, rien entendu, rien fait » ce soir du 15 janvier 1995, n’ont aidé à trouver cette vérité.

A l’heure de rendre leur verdict, les jurés ne pouvaient qu’être troublés par le réquisitoire de l’avocate générale, ouvertement impuissant à demander une quelconque peine contre Omar Guendouz. Mais suffisamment convaincue pour requérir 15 ans de réclusion criminelle contre Victor Aboui. «Je ne peux requérir sur de seuls sentiments, et sur les mensonges si nombreux de Guendouz, a reconnu Laure Vermeersch. Or, en l’état de ce dossier, aucun élément tangible ne m’apporte la preuve qu’il a fait quelque chose. » L’avocate générale a trouvé plus « d’éléments » contre Victor Aboui, coupable, selon elle, de l’acharnement de violence dont est mort Gilbert Ducret.

Laure Vermeersch venait d’ouvrir la porte de l’acquittement pour Guendouz, et de fermer toute issue à Victor Aboui. Me Sophie Bottai, l’avocate du journaliste, a juré que Guendouz n’était fautif que de « n’avoir pas été courageux ». Pour Me Oussedik, avocat d’Aboui, son client paie son profil de « coupable idéal », et la cour est selon lui tombée dans le nouveau piège construit par Guendouz, le « magicien du verbe » : la manipulation.

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