Douze ans de réclusion pour la mère infanticide

logoParisien-292x75 Élodie Soulié, 10/03/2011

Le verdict est tombé tard hier soir. Nathalie, la mère du petit Romuald, son fils de 14 mois qu’elle avait précipité d’une fenêtre d’hôtel, le 26 mai 2008 à Noisy-le-Grand, et d’Océane, cette fillette d’aujourd’hui presque 14 ans qu’elle avait également tenté de défenestrer, a été condamnée par la cour d’assises de Bobigny à douze ans de réclusion criminelle et cinq ans de suivi socio-judiciaire.

Un verdict conforme aux réquisitions de l’avocate générale, qui n’avaient pas surpris Nathalie. «Je ne verrai pas grandir ma fille », avait-elle prédit un peu plus tôt, comme résignée à la prison, quelle qu’en soit la durée.

Le drame de toute une famille

Elle comptait sur ces années de réclusion pour « évoluer ». « J’ai pris la vie de Romuald et je l’ai empêché de grandir avec son père, avec sa sœur », a répété Nathalie, dont la détresse a marqué chaque minute des trois longues journées de son procès. Elle risquait la prison à vie, mais l’avocate générale, Marie-Denise Pichonnier, s’est refusée à cette trop simple application de la loi : le drame de Nathalie, du père de Romuald, d’Océane et de toute une famille, méritait des nuances.

« Comment ne pas être sensible à cette détresse? » s’est questionnée Marie-Denise Pichonnier, exhortant en même temps les jurés à « ne pas oublier son acte, le plus horrible, irréparable, d’avoir tué son enfant ». L’avocate générale est alors longuement revenue sur le « parcours de vie difficile » de cette mère de 46 ans, et sur « un processus qui mènera à ce drame ». Son enfance sans tendresse, ses échecs professionnels, sentimentaux, cette « quête d’amour et la peur de l’abandon ». Et les paradoxes de Nathalie, « qui a parfois su se tourner vers les bonnes personnes pour demander de l’aide, et pourtant va s’engluer dans une relation de couple qui conduira à son geste fatal ».

Cette relation a le visage de Sessinou Agossou, le père du petit Romuald Partie civile malmenée et souvent placée en accusé, pour n’avoir pas su aimer assez, et protéger d’elle-même, la femme qui, dans le box, dénonce «son emprise».

Entre eux, cinq ans d’amour avaient dégénéré en crises parfois violentes, de part et d’autre, avant même la naissance de Romuald L’enfant au¬rait pu les réunir, mais il rien fut rien La décision d’un juge des affaires familiales de confier le petit à son père fut le détonateur. Nathalie refusait « l’injustice » et, comme l’a rappelé l’avocate générale, a dès lors « plusieurs fois menacé de se tuer et de s’en prendre aux enfants ». Suicidaire, elle avait déjà montré qu’elle l’était Meurtrière, elle allait le devenir. Sur une impulsion, mais en même temps avec méthode. Elle avait acheté les médicaments qui devaient lui « donner le courage » et endormir sa fille, elle avait écrit une lettre à ses proches : « Ne vous posez pas de question sur ce qui est arrivé, je suis allée à l’encontre des décisions de cet homme.»

Cet homme, c’était Sessinou, qu’elle accusait d’avoir « causé [sa] perte et celle de ses enfants ».

Nathalie avait écrit cette lettre exutoire deux semaines avant le drame auquel a assisté Océane, restée sauve parce qu’elle s’est débattue et a refusé de boire le sédatif. Impuissante, la fillette a vu sa mère jeter son frère par la fenêtre du cinquième étage, et pourtant cette semaine, courageuse petite fille au regard vif encadré de tresses brunes, bouleversée mais présente tout au long de l’audience, elle a rappelé à la cour qu’elle avait une maman. « Maman je t’aime », a-t-elle murmuré lors de son audition en regardant sa mère.