« C’est mon oncle qui m’a conseillé de vendre de la drogue »

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Les trafics de stupéfiants se succèdent dans les tribunaux. Les identités brouillées des prévenus compliquent le travail des juges.

Un homme sans âge se présente sous une identité inventée : « B ». Après onze mois d’instruction durant lesquels il a été placé en détention, il est jugé par le tribunal correctionnel pour usage et trafic de stupéfiants pendant deux ans.

Les policiers l’avaient interpellé en septembre 2011 à son domicile du 16e arrondissement après qu’un renseignement anonyme avait dénoncé le trafic. Ils avaient assisté durant plusieurs jours à des allées et venues suspectes et à une « transaction ». La perquisition qui s’est en suivie n’est pas revenue bredouille. Parmi les objets saisis figuraient plusieurs bonbonnes de cocaïne, des galettes de crack, une balance de précision et de l’argent. Les différents acheteurs auditionnés dans le cadre de l’enquête confirment avoir acquis de la drogue auprès du prévenu, et certains ont même précisé qu’il était leur fournisseur habituel et qu’il monnayait le gramme environ 70 euros.

L’homme indique être un « ancien consommateur » de stupéfiants. Sauf que les tests pratiqués lors de l’interpellation l’ont étiqueté positif à la cocaïne et au cannabis. Sachant qu’il risque gros, il tente de minimiser sa participation active au trafic. « C’est mon oncle qui m’hébergeait et qui m’a laissé la drogue quand je suis parti. Il savait que j’étais en galère, c’est lui qui m’a conseillé de vendre la drogue… » Et d’évoquer le piège de l' »engrenage » et l’étreinte de la « solitude ».

Quatre ans de prison

Sur son casier, deux mentions gênantes aggravent son cas. Il a été condamné à deux lourdes peines pour trafic de stupéfiants, dont un an de prison. Il est en outre sous le coup d’une interdiction du territoire français. Le procureur demande l’application de la peine plancher de 4 ans ferme « en raison des quantités retrouvées (plus de 300 grammes de drogue) et du nombre de clients ».

« Ce n’est pas un trafiquant qui profite de l’argent généré par la souffrance des autres, car la première victime, c’est lui ! » plaide son avocat. Il demande l’indulgence du tribunal face à un prévenu qui reconnaît les faits, « ce qui est rare dans ce type d’affaires ». Reste que, pour le tribunal, ces faits appellent une sanction. L’homme sera condamné à 4 ans, dont un an assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve pendant deux ans. À l’issue de cette peine, il sera sous le coup d’une interdiction du territoire français pendant 5 ans.

Concrètement, à sa sortie de prison, il sera placé en rétention administrative. « S’il ne donne pas son identité pour que l’administration puisse exécuter la décision, cela constitue un délit qui lui fait risquer une nouvelle peine d’emprisonnement », décrypte Me Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés). En tout état de cause, étant en France depuis plusieurs années, sa véritable identité devrait être révélée par ses empreintes.

Faisant singulièrement écho à cette scène, un autre trafiquant connu sous une quinzaine d' »alias » est jugé par une autre composition du tribunal. Cocaïne et crack ont été retrouvés sur lui lors de son interpellation en flagrant délit près de la porte de la Chapelle. Il n’a pas de quoi nourrir ses quatre enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. Et sa femme – qu’il voit épisodiquement – est enceinte du cinquième. Le procureur réclame 10 mois de détention…

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