rassemblements en France contre le « délit de solidarité »

AFP, 08/04/2009

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté mercredi dans toute la France pour dénoncer des pressions exercées sur les personnes qui aident les sans-papiers démunis, ce qui revient, selon eux, à instaurer un « délit de solidarité ».

« Si la solidarité devient un délit, nous demandons à être poursuivis pour ce délit », ont clamé bénévoles et militants associatifs à Paris, Marseille (sud-est), Lyon (centre-est), Bordeaux, Toulouse (sud-ouest), Strasbourg (est), Lille (nord) et Nantes (ouest).

Un collectif d’associations dont Emmaüs, le Secours catholique, la Ligue des droits de l’Homme, soutenu par des partis d’opposition de gauche et des associations religieuses, avait appelé à manifester dans 90 villes.

Les associations montrent du doigt l’utilisation d’une loi qui punit de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 30.000 euros « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ».

Selon elles, un objectif chiffré d’interpellations d’ »aidants » aux étrangers en situation irrégulière figure dans la loi de Finances : 5.000 pour 2009 et 5.500 pour 2011.

Le collectif et les partis d’opposition de gauche y voient une « atteinte au droit de solidarité » afin de dissuader les bénévoles d’aider les migrants démunis, dont certains viennent de pays en guerre.

Le ministre de l’Immigration Eric Besson a répété mercredi que le « délit de solidarité » était « un mythe », soulignant que l’objectif du gouvernement est de lutter contre les réseaux de « passeurs ». Le gouvernement « non seulement laisse travailler les associations qui aident les étrangers mais encore leur apporte une assistance financière en leur donnant 20 millions d’euros », a-t-il dit.

« Les poursuites contre ceux qui aident des étrangers sans papiers ne sont pas un mythe. Je les ai vécues », a rétorqué Kamel Fassatoui, responsable d’une communauté Emmaüs à Marseille. Il a expliqué à l’AFP avoir été inculpé le 16 février d’ »aide au séjour irrégulier » après l’expulsion d’un membre de la communauté sans papiers algérien.

« J’ai eu un fichage, une mise en cellule, une prise d’empreintes. Et puis, surtout, on m’a demandé de donner le nom de toutes les personnes qui ne seraient pas forcément en situation régulière, ce que j’ai refusé. On m’a donc emmené pour une perquisition immédiate à Emmaüs », a-t-il raconté.

Pour Stéphane Maugendre, l’un des responsables du collectif, « l’intimidation aux aidants fait partie de la stratégie du gouvernement d’isoler les sans-papiers ».

Après des mois de protestation des associations humanitaires, une polémique a surgi à l’occasion de la sortie récente du film « Welcome » du cinéaste Philippe Lioret qui évoque les pressions policières vis-à-vis des associations et des personnes venant en aide aux demandeurs d’asile ou aux clandestins.

Les députés d’opposition socialiste ont déposé une proposition de loi visant à ne poursuivre que l’aide au séjour irrégulier « à des fins lucratives », qui sera examinée le 30 avril au Parlement.