Nuit policière pour dix enfants de Chinois sans papiers.

index Philippe Bernard, 08/10/1996

DIX ENFANTS viennent de passer une journée et une nuit entière au commissariat de police de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Adolescents au couteau ? Voleurs de supermarché ? Non, enfants de Chinois sans papiers. Le plus jeune, un bébé de six mois, se prénomme Geneviève. La plus âgée va sur ses quatorze ans. Ils sont nés en France ou y sont scolarisés. L’affaire commence par l’une de ces rumeurs de régularisation qui précipitent «dans la gueule du loup», c’est-à-dire dans les préfectures, des étrangers en situation irrégulière. Ces temps-ci, la rumeur veut que les parents d’enfants nés en France puissent bénéficier des largesses de l’administration. Elle est née en juin, d’un communiqué du ministère de l’intérieur justifiant par ce motif la régularisation de certains Africains de l’église Saint-Ambroise.

« UN PIÈGE »

Lundi 3O septembre, M. et Mme Lim, Mme Huang et Mme Luo se présentent donc à la préfecture de Bobigny. Là, affirment ces personnes, un employé leur remet une note manuscrite leur proposant de revenir afin de « prendre rendez-vous pour un examen de situation ». Le lendemain matin dès 5 heures, les voilà à nouveau dans la file d’attente, accompagnées cette fois de leurs trois enfants. Le guichetier constate leur situation illégale et appelle la police.

Au début de l’après-midi, parents et enfants, bébé compris, se retrouvent au centre de rétention situé dans le commissariat. Ils ne retrouveront la liberté que le lendemain, lorsque, sur intervention de leur avocat, Stéphane Maugendre, le juge les assignera à résidence à leur domicile (Le Monde des 3-4 octobre). Un scénario identique se reproduit le mardi 1er octobre devant la préfecture, où quatre autres couples chinois se présentent dès 22 heures et passent la nuit pour être certains d’être reçus le lendemain. Ils le sont effectivement mais un fonctionnaire, assurent-ils, exige la présence des enfants. Ils connaîtront le même sort que leurs prédécesseurs.

«On a voulu attirer les étrangers dans un piège ! », dénonce le Syndicat des avocats de France. «Ces personnes n’ont jamais été convoquées, dément-on formellement au cabinet du préfet. Elles se sont présentées volontairement. Comme elles avaient déjà fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, elles ont été interpellées». Mais la préfecture ne donne aucune précision sur la présence dans un centre de rétention de dix enfants, que la loi ne permet pas d’expulser. « Les enfants n’ont pas fait l’objet d’une mesure de rétention : ils y ont accompagné leurs parents, nuance subtilement un représentant de l’État On ne peut pas séparer les familles : éloigner les parents et mettre les enfants à la Ddass. » Ainsi, sous couvert de «ne pas séparer les familles», on tente de reconduire illégalement à la frontière des enfants.

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