Les petits secrets du ministre du Travail : Brice Hortefeux

Capital, Sandrine Trouvelot, mars 2009

Après les charters, les braseros. Nommé rue de Grenelle, l’ancien ministre de l’Immigration doit montrer son sens du dialogue social. Pas gagné, vu son caractère tranché.

Pendant deux longues années, il a rongé son frein au  peu glamour ministère de l’Immigration. En rêvant, pour la suite, de celui de l’Intérieur. Mais celui que Nicolas Sarkozy appelle son «meilleur ami» a fina­lement hérité du ministère du Travail. Comme à  son habitude, Brice Hortefeux,

50 ans, a accepté sans broncher. Adolescent, ce bon soldat du gaullisme passait des heures autour d’un Risk, le célèbre jeu de stratégie militaire. Et scotchait des images de généraux napoléoniens sur les pions du jeu de dames familial. Sur fond de grogne sociale et de récession, la partie qui s’annonce avec les syndicats sera rude. Mais, s’il pousse habilement ses pièces, «Briçou», comme on le surnommé dans son fief auvergnat, pour­rait bien gagner le gros lot : Matignon.

Ses amies serviables à Sciences po

Son père, di­recteur de banque, et sa mère, professeur d’histoire-géo, le voyaient énarque. Raté ! Le jeune Brice, élevé à Neuilly, n’a guère fait d’étincelles à l’école, redoublant sa quatrième et n’obtenant sa maîtrise de droit public à Nanterre qu’à 26 ans, avant d’entrer à Sciences po. Peu assidu, il y repé­rait les jeunes filles bosseuses, jolies de préfé­rence, à qui il demandait de prendre les cours en note pour lui. Malgré ces bonnes amies, il n’a pas réussi à décrocher le diplôme de la rue Saint-Guillaume. A dé­faut de bosse des maths, il s’est très tôt découvert celle de la poli­tique. A16 ans, lors de la présidentielle de 1974, il militait pour Jacques Chaban-Delmas. Un peu plus tard, il était embauché, grâce à Charles Pasqua, au conseil général des Hauts-de-Seine. Son ascension a commencé quand il a rejoint à la mairie de Neuilly son ami Sarkozy, rencontré à un congrès des jeunes gaullistes. Après avoir été directeur de cabinet, il s’est fait nommer secrétaire général afin d’obtenir le grade d’administrateur territorial, puis, plus tard, de devenir préfet. Le tout sans avoir à passer le concours. Sa boulangère préférée Le nouveau ministre du Travail passe quasiment tous ses week-ends dans la maison fa­miliale qui lui vient de sa mère, à Saint-Saturnin, au sud de Clermont-Ferrand. Son grand-père paternel, un Alsacien proche du Parti commu­niste, a été maire du village à la Libération. Son père en est resté conseiller municipal pendant plus de trente ans. Et c’est là que Brice Hortefeux s’est marié en 2000 avec Valérie Dazzan, fille d’un immigré italien et originaire d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), rencontrée à l’Ecole fran­çaise des attachés de presse (Efap), où il donnait des cours. Sur ses terres, il fait du vélo avec ses trois enfants et achète son pain chez la boulan­gère du village, à qui il a décerné la médaille de «la meilleure commerçante d’Auvergne». Une distinction jugée un brin exagérée par certains ha­bitants… Il faut dire que, pour sa carrière d’élu local, Brice Hortefeux ne laisse rien au hasard. Elu depuis 1992 au conseil régional, «il a toujours rêvé de la mairie de Clermont-Ferrand», affirme Charles Ceccaldi-Raynaud, ancien député sup­pléant de Nicolas Sarkozy dans les Hauts-de-Seine. S’il enlevait ce bastion socialiste, ce serait un joli pied de nez à Valéry Giscard d’Estaing, un lointain cousin par sa mère, qui, lui, n’a jamais réussi à s’installer à l’hôtel de ville clermontois.

Son humour cruel

Ce grand blond semble tellement timide et rougit si souvent qu’il a gagné, au conseil régional d’Auvergne le sobriquet de «vanille-fraise». Les apparences sont trompeuses: Brice Hortefeux est doté d’un humour pince-sans-rire et souvent cruel. A l’Assemblée nationale, personne n’a oublié le terrible «Allez fissa, dégage de là !», lancé en 2006 à Azouz Begag, alors minis­tre délégué à l’Egalité des chances. La directrice de «Modergnat», un jeune magazine clermontois, en sait aussi quelque chose. Après un article, pourtant anodin, qui  ne lui avait pas plu, le ministre lui a hurlé dessus. Aupoint qu’elle n’a plus osé l’approcher seule y pédant des mois. Il manie l’ironie même avec ceux qu’il tente de séduire. Stéphane Maugendre, par exemple, le président du Gisti, un groupe de soutien aux immigrés qu’il avait convié au minis­tère de l’Immigration. Comme si c’était plus fort que lui, Hortefeux a lancé: «Vous prenez des no­tes ? Avec votre look d’artiste, je pensais que vous me faisiez le portrait ! » Ça promet pour les discus­sions avec Bernard Thibault…

Ses réseaux à gauche

Hortefeux n’est pas seule­ment l’ami de Nicolas Sarkozy. Il fréquente aussi d’anciens chiraquiens, comme François Baroin, Jean-François Copé ou Renaud Muselier, avec qui, lors d’un mariage, il a improvisé un show endiablé sur un tube de Claude François. A gau­che, le ministre côtoie plusieurs «grandes gueu­les» : Bernard Tapie, qui lui a servi d’intermédiaire pour appro­cher Bernard Kouchner; Gilles-Jean Portejoie, l’avocat de Mazarine Pingeot et de Johnny Hallyday – l’un de ses chanteurs préférés ; Michel Charasse, l’ex-ministre du Budget de François Mitterrand. Sans oublier sa «compatriote» auvergnate Fadela Amara, l’actuelle secrétaire d’Etat à la Ville, qui pourrait figurer sur sa liste aux prochaines régionales. Il nous a affirmé en revanche ne pas être franc-maçon, démentant une rumeur persistante dans le Puy-de-Dôme.

Son anxiété chronique

«Je suis méthodique et laborieux», expli­que-t-il. Le nouveau ministre du Travail combat son anxiété en surlignant, en plusieurs couleurs, tout ce qu’il lit, même le jour­nal du week-end, puis en résumant les monta­gnes de notes transmises par ses conseillers. In­vité récemment au Grand Jury RTL, il avoue avoir «passé deux jours et demi, samedi soir compris», pour se préparer. Ce dingue de travail mange bio, carbure au jus de citron pour main­tenir sa ligne et a régulièrement besoin de décompresser. Entre deux réunions rue de Grenelle., il s’échappe de son bureau et s’acharne quelques minutes sur le vélo d’intérieur qu’il vient d’acheter. Lorsqu’il était ministre de l’Immigration, et souvent en voyages officiels, il se défoulait en faisant des longueurs dans la piscine des grands hôtels.

Ses bains de foule très encadrés

Ce 26 janvier 2008 aurait dû être un jour de fête au Rouget, petit village de 1000 habitants dans le Cantal, où le ministre de l’Immigration venait inaugurer un centre de loisirs. Las ! Le bourg avait été vidé de ses habitants et une centaine de gendarmes en­cadraient une petite manifestation de sans-papiers géorgiens. «C’était surréaliste, raconte un député présent sur les lieux. On n’avait jamais vu un tel dispositif de sécurité dans la région.» Quand, enfin, Brice Hortefeux a débarqué en hélicoptère, entouré de ses gardes du corps, plusieurs élus ont préféré quit­ter ostensiblement les lieux.

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