Bras de fer avant l’ouverture des audiences pour étrangers

18/09/2013

Les étrangers retenus au Mesnil-Amelot ou en zone d’attente de Roissy ne seront bientôt plus jugés à Meaux ou Bobigny mais sur place. Visite guidée.

C’est la première fois que les journalistes ont enfin été autorisés à visiter les nouvelles salles d’audience pour étrangers, qui doivent ouvrir au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), le 30 septembre et à la fin de l’année à l’aéroport de Roissy. Il aura fallu que les associations mobilisées depuis des années contre cette « justice des aéroports », éloignée des tribunaux et difficiles d’accès, organisent un « bus tour » pour que les présidents des tribunaux de Bobigny et de Meaux (Seine-et-Marne) décident d’ouvrir ces lieux.
 Première halte au Mesnil-Amelot. Le car transporte des parlementaires, des avocats, magistrats et défenseurs des droits de l’homme. En transports en commun, il faut compter une heure et demie depuis Paris. Attendre un bus qui passe toutes les heures et marcher dix minutes. « La salle d’audience se situe entre la chambre de cantonnement des CRS et la direction départementale de la police aux frontières », détaille Clémence Richard de la Cimade, une association d’entraide aux travailleurs migrants, craignant que cette proximité policière dissuade bien des familles de sans-papiers de venir assister aux audiences. C’est là que devraient être jugés les étrangers du centre de rétention administrative, le plus important de France (où peuvent notamment être envoyés les sans-papiers arrêtés en Seine-Saint-Denis). Jusqu’à présent, ils étaient transférés à Meaux.

Christian Girard, procureur de la République à Meaux, et Marie-Christine Hébert-Pageot, première vice-présidente, présentent les salles toutes neuves avec toilettes, tandis que des avocats crient « police partout, justice nulle part ». « Ça n’est pas la salle d’audience, le problème, conteste l’avocat Stéphane Maugendre. Vous vous imaginez siéger dans cet environnement-là? » Michel Revel, juge des libertés à Meaux, l’imagine sans peine. « L’isolement? Ça fait trente ans que je suis magistrat. Quand on prend une décision, on est seul. Et on n’est pas coupé du tribunal, on a le téléphone. Pour moi, on est ici dans un palais de justice, pas dans une enceinte policière. »

Dans l’annexe de Bobigny, juste à côté de la zone d’attente de Roissy, en revanche, aucun juge des libertés n’a fait le déplacement pour défendre le projet. « Quand on ferme la porte, on n’entend plus le bruit des avions », assure Rémy Heitz, le président du TGI de Bobigny, qui assure que cette salle « améliorera les conditions d’accueil des étrangers maintenus ».

Jusqu’ici, ceux qui sont arrêtés à la descente d’un avion et présentés à un juge sont escortés à Bobigny où ils patientent longtemps, avec leurs bagages, dans une petite salle confinée au deuxième sous-sol. Rémy Heitz évoque aussi l’économie réalisée « pour le contribuable » une fois les escortes supprimées. Mais ça n’est pas la motivation principale, recadre Sylvie Moisson, procureur de Bobigny qui parle avant tout de « dignité » pour les étrangers. Les avocats n’en sont pas convaincus. Une simple porte sépare l’annexe de la zone d’attente. « On juge les fous dans des hôpitaux, les étrangers à l’aéroport, à quand les voleurs dans les centres commerciaux? », interroge Ariana Bobetic, avocate au barreau de Bobigny. L’ouverture de cette annexe du tribunal de Bobigny n’est pas encore datée. Les associations seront reçues le 26 septembre par le premier président de la cour d’appel de Paris, conformément à la demande de la ministre de la Justice.

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