Le 4ème charter ou la banalisation des expulsions

InfoMatin, Christophe Dubois, 08/09/1995

Chose promise, chose due. Jean-Louis Debré, ministre de l’Intérieur, avait annoncé en août son intention de poursuivie « les opérations groupées de reconduite par avions affrétés». Objectif : doubler le nombre de reconduites à la frontière (soit 20000 expulsions) au moyen d’un charter par semaine.

Mercredi matin, ces mesures ont été mises une nouvelle fois à exécution : trente Africains (vingt Sénégalais, sept Ivoiriens, deux Cap- Verdiens et un Guinéen) ont été renvoyés chacun dans son pays. C’est le quatrième charter organisé sous le gouvernement Juppé (22 Roumains le 17 juin, 51 Tsiganes le 10 juillet et 43 Zaïrois le 18 juillet).

La Cimade, association de défense des étrangers, présente dans les centres de rétention, avait mercredi, un peu tard, détecté quelques regroupements d’étrangers. Embarqués à 8 h 26, les trente illégaux ont quitté l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle dans un Airbus A320 affrété par le ministère de l’Intérieur. « On ne va pas rester les bras croisés», assure Stéphane Maugendre (avocat), membre du Groupement d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti). De son côté, la Fasti (Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés) a protesté en appelant « à la plus grande vigilance et à la dénonciation de cette opération qui encore une fois n’honore pas le pays des droits de l’homme».

Le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) stigmatise une méthode « démagogique et dangereuse. Le gouvernement valide les thèses d’une extrême droite raciste et xénophobe qui fait de l’immigration son cheval de bataille». Malgré la convention européenne des droits de l’homme qui interdit les expulsions collectives, les charters sont juridiquement assimilés à des «reconduites individuelles d’étrangers prenant le même avion». Les associations posent la question de l’intérêt de ces actions. Le Mrap mentionne que, pour atteindre le nombre de 20000 éloignements par an, il faudrait organiser un charter par semaine… pendant sept ans. Pour ces organisations, une telle politique ne peut que décourager les étrangers qui voudraient régulariser leur situation. Ce n’est pas autrement que l’on fabrique des clandestins.