Immigration : appel à la dénonciation des passeurs

  Pascale Egré, 05/02/2009

Eric Besson déclenche « la guerre aux passeurs ». Le nouveau ministre de l’Immigration l’avait martelé le 27 janvier lors de son déplacement à Calais : « Il faut traquer ces exploiteurs, ces menteurs, ces tricheurs qui font fortune sur le dos des miséreux.»

Pour cela, il entend fournir aux préfets un « nouvel outil ». Signée ce jeudi matin à Paris, une circulaire leur permettra de délivrer des titres de séjour « aux étrangers victimes de la traite des êtres humains qui coopèrent avec les autorités judiciaires ».

Ce titre de séjour conditionné à une dénonciation serait, selon nos informations, d’une durée initiale de six mois, renouvelable « jusqu’à la fin de la procédure judiciaire ». Il serait assorti de « mesures d’accompagnement social et de soutien financier » et concernerait aussi bien les victimes d’exploitation sexuelle que d’exploitation par le travail.

Délation contre papiers ? « Non. Mon objectif premier est de démanteler les filières », s’est défendu Eric Besson hier sur Europe 1. « L’idée est d’encourager les clandestins à témoigner en leur garantissant qu’ils n’en seront pas pénalisés », insiste-t-on dans son entourage. « Une proposition spectaculairement inefficace sur le fond ! », a rétorqué l’association France Terre d’asile. « On demandait déjà aux patrons de dénoncer leurs salariés sans papiers. On demande maintenant aux salariés de dénoncer leurs patrons », s’emporte Stéphane Maugendre, président du Gisti. « Si tu me dénonces, je me venge sur ta famille, dira le passeur. Le risque de représailles sur les proches restés au pays est évident », estime-t-il.

Une difficulté d’application

La circulaire, dont le contenu sera dévoilé ce matin lors d’une visite d’Eric Besson à la préfecture de police de Paris, s’appuie sur une directive européenne et sur la loi du 18 mars 2003, qui introduisait l’infraction de traite des êtres humains dans le Code pénal français. Voulue à l’époque par Nicolas Sarkozy pour lutter contre les réseaux de prostitution, la possibilité de décrocher un titre de séjour s’adressait surtout à leurs victimes, des jeunes femmes originaires des pays de l’Est ou d’Afrique.  En pratique, selon les rares chiffres disponibles, seules 92 autorisations ont été accordées à Paris en 2008. « Toute la difficulté tient à l’application inégale de cette disposition selon les préfectures, décrypte Patrick Hauvuy, directeur de l’ALC-Nice, association de lutte contre la traite. »

A l’appui de son annonce, le ministre de l’Immigration s’est félicité hier du récent démantèlement, par les services de la police de l’air et des frontières, de deux réseaux. Hier, onze personnes dont huit organisateurs d’une filière chinoise de faux papiers ont été interpellées en région parisienne et à Paris. Le 27 janvier, huit employeurs et onze travailleurs sans papiers étaient arrêtés lors d’une opération visant 44 établissements de restauration indo-pakistanais.

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