Devenir français, un parcours du combattant

Accueil Emilien Urbach, 20/01/2015

Les acquisitions de nationalité ont augmenté de 11 % en 2014… après avoir été divisées par deux entre 2010 et 2012 ! Les associations dénoncent des critères injustes.
Hasard du calendrier, le ministère de l’Intérieur a publié, jeudi dernier, les chiffres de l’immigration pour l’année 2014. Notamment ceux des naturalisations, dont va bénéficier aujourd’hui Lassana Bathily, héros de la prise d’otages du 9 janvier. Les acquisitions de nationalité ont augmenté de 10,9 % l’an dernier, avec 77 335 nouveaux Français. Un rebond salutaire mais très modeste lorsqu’on sait que ces mêmes naturalisations avaient été quasiment divisées par deux entre 2010 et 2012… « On ne peut que se satisfaire de ce qui arrive à Lassana Bathily, commente Stéphane Maugendre, avocat spécialiste du droit des étrangers et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Mais on crée de la confusion en donnant ces chiffres au même moment. Il y a quelque chose de nauséabond à relier les récents événements aux débats sur l’immigration. L’accès à la nationalité reste un réel parcours du combattant. »

Est citoyen français celui qui naît sur le territoire national de parents français ou de parents étrangers, si l’un des deux est né en France. Dans le cas contraire, le jeune né sur le territoire doit faire une demande de nationalité entre 13 et 18 ans. Pour les étrangers qui ne sont pas nés en France, la nationalité s’acquière par naturalisation. Soit par le mariage soit par demande à la préfecture, en justifiant, dans les deux cas, de plusieurs critères de bonne « assimilation » à la société française. En janvier 2012, Claude Guéant fanfaronnait sur une baisse de 30 % des naturalisés. Il venait de durcir ces critères en instaurant un délit de séjour irrégulier et en ajoutant aux compétences linguistiques, que la loi exigeait déjà, l’obligation de connaître l’histoire, la culture et la société françaises, et d’adhérer aux valeurs de la République. Les préfets devenant seuls juges de la qualité de cette assimilation.

En octobre 2012, une circulaire édictée par le nouveau gouvernement était censée traduire une conception plus ouverte de la naturalisation. Mais le Gisti reste déçu. Le texte spécifie, notamment, que « le recours récurrent aux systèmes d’assistance, ou de longues ou fréquentes périodes d’inactivité » traduisent un défaut d’assimilation justifiant l’ajournement. De quoi continuer à rendre la naturalisation inaccessible aux étrangers peu qualifiés ou précaires. Et d’en faire une faveur accordée au mérite et non le droit d’appartenir à la communauté nationale pour quiconque y participe depuis plusieurs années.

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