A peine veuve et déjà menacée de reconduite à la frontière

index Sylvia Zappi, 30/06/2000

POUR SOUAD S., une Marocaine sans papiers, la douleur s’est doublée d’un total désarroi, dimanche 25 juin. Son compagnon, un Français qu’elle a connu quelques mois auparavant au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), meurt sous ses yeux. Quelques heures plus tard, la jeune femme se retrouve, en garde à vue puis en rétention, menacée de reconduite à la frontière. Mercredi 28 juin, c’est devant le juge délégué de Bobigny, chargé de statuer sur le maintien en rétention, que la jeune femme va raconter son histoire, la voix cassée par les sanglots.

CENTRE DE RÉTENTION

Ce dimanche soir-là, raconte-t-elle, son compagnon est pris d’un violent malaise, la jeune femme appelle le Service médical d’urgence et de réanimation (SMUR). Les policiers ayant constaté le décès, somment Mme S. de présenter ses papiers. Or la Marocaine n’a plus son passeport de service depuis qu’elle a quitté, en avril, son emploi de « dame d’entretien » au consulat du Maroc de Villemomble (Seine-Saint-Denis). Souad S. est donc conduite au commissariat de Blanc-Mesnil où on lui notifie un arrêté de reconduite à la frontière (APRF), puis transférée pour deux jours en centre de rétention. « Il n’y avait rien dans la situation qui a valu cette dame son interpellation, sauf sa situation irrégulière », s’étonne le président du tribunal se tournant vers le représentant de la préfecture.

Le fonctionnaire tente d’expliquer que la préfecture n’avait pas «tous les éléments». Avant de souffler: « Est-ce que Mme S. présente les garanties suffisantes pour une assignation à résidence ? Je m’en remettrai à votre décision, M. le juge». Le magistrat, Jean-Michel Maton, ne cache pas son exaspération devant tant de désinvolture : Pourquoi n’avez-vous pas fait initialement cette assignation à laquelle vous ne semblez pas vous opposer aujourd’hui ? »

Avocate de la prévenue, Me Christine Delon n’a alors aucun mal à plaider en faveur de cette « situation dramatique ». « Ma cliente pensait que le seul fait d’être mariée à un Français lui donnait le droit de résider. C’était un vrai mariage même s’il n’était que religieux, le défunt étant engagé dans une longue procédure de divorce », explique-t-elle. « Convaincu, le juge Maton rend alors une ordonnance assignant Mme S. à résidence « jusqu’à sa convocation par l’administration pour la reconduite à la frontière ». Il reste maintenant deux mois à Mme S. pour déposer un recours contre l’APRF devant le tribunal administratif de Paris.