A Caen, des contrôleurs de bus invités à «compter les migrants»

logo-liberation-311x113 Charlotte Belaich, 03/05/2016

La CGT a révélé deux documents transmis aux contrôleurs par la société de transport Twisto. Ils leur demandent de contrôler les migrants.

Quatre colonnes sur une feuille blanche.«Vers Ouistreham, Vers Caen, Nombre de Migrants contrôlés, Nombre de Migrants Verbalisés». Le tableau, révélé par la CGT, est destiné à être rempli par les contrôleurs du bus qui relie Caen à Ouistreham. La direction de Twisto, le réseau de transport de l’agglomération Caen la Mer, leur a en effet demandé de compter le nombre de migrants à bord. Dans un deuxième document manuscrit, au cas où le premier n’aurait pas été assez clair, la direction écrit : «Faire des contrôles sur la ligne 61 par équipe. La préfecture nous demande de maintenir ce niveau de présence. Si vous suspectez la présence de squats, merci de remonter l’information (lieu précis).»

La ligne 61 n’a pas été choisie au hasard. Elle est empruntée par des migrants qui veulent rejoindre le port de Ouistreham, pour ensuite tenter d’atteindre l’Angleterre. «C’est un système de vases communicants. Ils essaient d’autres ports sur la côte puisque c’est devenu plus dur à Calais», explique-t-on à la structure d’accueil La Boussole.

«Des agents nous ont alertés», raconte Samuel Varnier, secrétaire CGT du comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail de la société de transport. «Ils sont très mal à l’aise, certains refusent d’ailleurs de faire ce comptage». Thierry Poullennec, représentant CGT section retraités, a assisté à l’une des fameuses opérations de comptage. Il ose la comparaison : «Quand par décret le gouvernement de l’époque a réquisitionné des bus pour procéder à ce qu’on a appelé la rafle».

Ni la direction de Twisto, ni la préfecture du Calvados ne souhaitent apparemment assumer la paternité de cette mesure. Selon France Bleu Normandie, la société de transport a assuré aux représentants du personnel avoir agi sur injonction de la préfecture. Le préfet Laurent Fiscus assure pourtant le contraire. «Des signalements venant des opérateurs de transports publics sont spontanément remontés auprès des forces de l’ordre», explique un communiqué envoyé dans la journée de mardi. Il précise toutefois : «Il a été alors suggéré de procéder à des contrôles plus réguliers sur les lignes où des infractions étaient régulièrement commises. Ces informations sont naturellement remontées aux autorités car les contrôleurs de tous les transports publics peuvent apporter des éléments d’information concernant la sécurité dans l’espace public quel que soit le problème.»

«Qu’importe qui en est à l’origine !, s’emporte Eric Vève, conseiller municipal de l’opposition (PS), ce qui compte, c’est de faire cesser cela au plus vite. La mesure contrevient au principe de non-discrimination.» L’avocat, averti jeudi dernier par Thierry Poullennec, s’interroge : «Est-ce que le comptage est basé sur l’apparence physique ?»

«Comment on repère que les gens sont des migrants ? Ça induit évidemment l’apparence physique. C’est du contrôle au faciès», affirme sans hésiter Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigrés) et avocat pénaliste. «On est dans le cadre d’une infraction pénale», assure-t-il. L’objectif selon lui : encourager les contrôles de personnes d’apparence migrantes pour faire grossir les statistiques en termes d’infraction aux transports. «Ensuite on les utilise pour dire « Regardez, ils fraudent plus ! » Mais aussi pour demander au parquet des contrôles d’identité dans des lieux donnés en raison d’un fort taux d’infraction.»

Autre problème juridique, et pas des moindres : «Les contrôleurs n’ont pas le droit de procéder à des contrôles d’identité», explique l’avocate Nathalie Ferré. Ils peuvent en effet relever l’identité des passagers seulement en cas de problème, «un pied sur un siège, un chien sans muselière ou une absence de titre de transport», pour établir une contravention. Conclusion : «C’est illégal et discriminatoire.»

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