Quand le contrôle policier vire au drame, Argenteuil demande justice

  28/11/2011

Capture-decran-2011-11-28-a-18
Photo : DR

Un rassemblement est prévu mardi soir, deux ans et demi après la mort d’Ali Ziri, 69 ans.

Alors que le procureur de la République de Pontoise doit rendre ses réquisitions à partir du 2 décembre, l’Association des Travailleurs Maghrébins de France organise mardi soir à 18 heures un rassemblement à l’angle des rues Jeanne d’Arc et Antonin-Georges Belin, à proximité de la mairie d’Argenteuil (Val d’Oise) en hommage à Ali Ziri, Algérien de 69 ans décédé après un contrôle policier qui a mal tourné. Elle demande que justice soit faite dans un dossier où figurent de nombreux manquements.

Insultes ou excès ?

Le 9 juin 2009, Ali Ziri, retraité de 69 ans, vivant en Algérie est en France comme souvent pour rendre visite à ses amis et sa famille. Il passe la journée avec son ami Azekri, 61 ans et handicapé à plus de 60%, avec qui il finit la journée dans un bar du quartier. Vers 20h30, alors qu’Azekri ramène Ali à son domicile, les deux hommes, éméchés (les analyses révèleront qu’Ali avait 2,4 grammes d’alcool par litre de sang) sont soumis à un contrôle de police mené par trois gardiens de la paix dont une femme. Le contrôle tourne mal. Les policiers affirment avoir été insultés et avoir pris alors la décision de conduire les deux hommes au commissariat, l’un pour conduite en état d’ivresse, l’autre pour outrage à agents de la force publique. Une heure et demie après son interpellation, Ali Ziri sera conduit à l’hôpital où il décèdera le lendemain à 7h30.

Menottés et laissés dans leur vomi

Entendu par la police, Azekri affirme avoir été « saisi par le poignet et entraîné à terre où il a reçu des coups de pieds et de poing, avant qu’un policier applique son pied sur sa tempe et qu’il perde connaissance ». Il ajoute que « lorsqu’il s’est réveillé, il était allongé sur le sol d’un véhicule de police » selon le rapport de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS). Les trois policiers indiquent eux que le conducteur a d’abord refusé l’éthylotest avant d’être conduit hors du véhicule. Ali, lui, aurait refusé de sortir de la voiture et  aurait ensuite insulté les policiers. Menottés et placés à l’arrière du véhicule de police, les deux sexagénaire sont alors conduits au commissariat. Selon les fonctionnaires, Azekri aurait craché à trois reprises sur le conducteur tandis qu’Ali tentait de donner un coup de tête à l’un d’entre eux. Arrivé au commissariat à 20H46, Azekri est pris en charge. La gardienne de la paix aurait en vain tenter de faire sortir Ali Ziri du véhicule et aurait appeler du renfort. « Ali a été expulsé du véhicule : on voit sur l’enregistrement effectué par la caméra de vidéosurveillance qu’il est dans un premier temps jeté au sol, puis saisi par les quatre membres, la tête pendante, sans réaction apparente, et emmené dans cette position à l’intérieur du commissariat selon la CNDS. Il a ensuite été emmené, soutenu par plusieurs fonctionnaires, en position allongée, jusqu’à l’intérieur du commissariat, où il a été posé au sol, les bras menottés dans le dos, comme Azekri ». La Commission affirme que les deux hommes seraient restés au sol, auraient vomi à plusieurs reprises, et que jamais les policiers ne leur auraient proposés de s’asseoir, les laissant dans leurs vomis. A 21h55, un fourgon conduira finalement les deux sexagénaires à l’hôpital. Ali n’en sortira jamais.

Les policiers jamais entendus

« Il y a eu trois juges d’instructions dans ce dossier et pourtant, il n’y a eu aucune mise en examen et aucun policier entendu,  c’est une honte! s’indigne Stéphane Maugendre, avocat de la famille Ziri. Seule l’IGPN (police des polices, ndlr) a eu leur version des faits ». Maître Maugendre est convaincu qu’Ali, à son arrivée au commissariat, avait déjà perdu connaissance. « La CNDS comme la vidéo en atteste, quand il arrive, il ne peut peut se débattre, c’est un poids mort de 83 kilos selon les déclaration d’un policier. Comment a-t-il pu se débattre ? » s’interroge-t-il.

Technique du pliage

L’avocat est catégorique, les policiers ont utilisé la technique du pliage (l’individu est maintenu de force la tête penchée jusqu’à toucher ses genoux, dans une position qui coupe le souffle et l’empêche de respirer et donc de crier) à l’égard d’Ali Ziri. « Les fonctionnaires l’ont reconnu, pourtant, cette technique a été interdite en 2006 suite au décès d’un homme dans un avion à Roissy en 2003, rappelle  Me Maugendre. Une note avait alors été envoyée aux policiers pour leur interdire de pratiquer cette méthode ». L’avocat ajoute qu’un des rapports d’expertise confirme un arrêt cardiaque dû à une absence d’oxygène elle-même conséquente à un appui sur le dos et sur la face. « Il y a plusieurs hématomes, dont un de 17 cm sur le dos ! indique l’avocat. Les gestes portés à Ali Ziri n’ont pas été appropriés compte tenu de son état et de son âge. Quand un individu meurt alors qu’il est sous la protection de la police, toute la lumière doit être faite. L’instruction doit maintenant aller jusqu’au bout ». Si le procureur prononce un non lieu, l’avocat de la famille Ziri, Maître Stéphane Maugendre, annonce d’ores et déjà qu’il fera appel et qu’il n’hésitera pas par la suite à aller en cassation et devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’il le faut.

⇒ Voir l’article

Avocat