Affaire Leonarda : Dati, Copé et Pierre Laurent disent-ils vrai?

, Le vrai du faux, 21/10/2013

Rachida Dati, ancienne ministre de la Justice et eurodéputée PPE:

« Le président de la République viole la Constitution en disant cela. Comment peut-il défaire ce qui a été décidé par des magistrats, c’est impossible. »

Faux

Le chef de l’Etat peut, et c’est justement la Constitution qui le permet, proposer à titre exceptionnel ce qu’on appelle un visa de souveraineté pour des raisons de solidarité ou humanitaire.

D’après Rabah Hached, avocat spécialiste des droits des étrangers, c’est ce droit que François Hollande a utilisé la semaine dernière en annonçant l’accueil de 500 réfugiés syriens. Et c’est ce même droit que le chef de l’Etat pourrait proposer à Leonarda si la jeune femme accepte de revenir en France sans sa famille. Elle bénéficierait
alors d’un visa de retour.

Mais François Hollande est-il en train de défaire une décision de magistrats, comme l’annonce Rachida Dati ?

Si tous les recours déposés par la famille de Leonarda devant les tribunaux ont été épuisés, « la décision des magistrats concernent les parents de l’adolescente et pas l’adolescente elle-même« , affirme Stéphane Maugendre, avocat et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés.

Deuxièmement, la mesure d’éloignement de la famille, c’est-à-dire l’expulsion à proprement parler, a été prise par la préfecture du Doubs. C’est une décision strictement administrative et non judiciaire. François Hollande a donc le droit de revenir dessus.

Jean-François Copé, président de l’UMP

« La jeune Leonarda revient en France, elle pourrait alors demander automatiquement le regroupement familial pour l’ensemble de sa famille. »

Faux

Le regroupement familial est un dispositif très encadré en France. D’abord, il n’est pas accessible pour les mineurs et Leonarda a 15 ans. Ensuite, il permet à une personne de faire venir en France son conjoint et ses enfants mais pas ses parents ou ses frères et sœurs.

Il faut également remplir toute une série de critères : habiter en France depuis au moins 18 mois, avoir des revenus de 1800 euros minimum (hors prestations sociales), bénéficier d’un logement d’au moins 18m2 pour un couple, 32 m2 pour une famille avec un enfant et 5m2 en plus pour chaque enfant supplémentaire.

Bref Leonarda n’aurait aucune chance de faire venir sa famille en France via le regroupement familial.

Pierre Laurent, président du Parti communiste français

« C’est une décision choquante et qui est d’ailleurs contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant dont la France est signataire. »

Partiellement vrai

Que dit cette Convention internationale des droits de l’enfant ?

Article 9 – 1 « Les Etats veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré… « 

Jusque là, Pierre Laurent a raison puisque Leonarda a déjà répondu qu’elle ne rentrerait pas en France sans sa famille. Mais la suite dit ceci : »… à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant.« 

Quant à l’article 3-1, il précise que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants (…) l’intérieur supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale« .

Or l’intérêt supérieur de l’enfant est une notion assez floue. En l’occurrence, quel est l’intérêt supérieur de Leonarda ? Finir sa scolarité en France ou rester avec sa famille au Kosovo. Sur ce point, la question reste ouverte.

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