Dépôt de Paris: l’appel du préfet après les 26 libérations

logo-liberation-311x113  Dominique Simonnot

Le préfet contestait la décision prise jeudi par un juge.

Décidément, il sera dit que, durant cette campagne électorale, seule Danielle Mitterrand se sera engagée pour protester contre les lois Pasqua. Mardi, elle visitait des étrangers sans papiers en grève de la faim et, vendredi, elle a débarqué sans prévenir au palais de justice de Paris. On y jugeait l’appel du préfet de police après la décision d’un juge de remettre en liberté jeudi 26 étrangers retenus au dépôt, dans les sous-sols du palais de justice (Libération du 21 avril). Elle est venue parce que «c’est terrible, les étrangers sont traités dans ces lieux comme des animaux. Ça me fait mal de savoir que la France a été condamnée par le Comité européen de prévention de la torture. C’est l’image de la France qui est en jeu.» Elle a souligné que, pour elle, «les lois Pasqua sont peu recommandables». Etait-ce le fait de sa présence ou de celle des journalistes et des caméras, l’audience n’avait pas lieu dans la minuscule mezzanine réservée habituellement au droit des étrangers. On avait ouvert les portes de la 13e chambre de la cour.

Devant le président Jean-André Collomb-Clerc, Mes Gérard Tcholakian, Stéphane Maugendre, Claire Freyssinet et Simon Foreman ont expliqué tour à tour les raisons de la décision du juge: «Les conditions immondes faites aux étrangers à quelques mètres sous nos pieds et qu’en tant que juge judiciaire, gardien des libertés, il était en droit de vérifier lui-même.» Une décision d’autant plus justifiée qu’il avait vu comparaître à son audience de jeudi un jeune homme, Minou Rama, le bras plâtré, le visage tuméfié, tenant à peine debout et pour qui le préfet demandait une prolongation de rétention de trois jours. Rappelant les plus récentes affaires du dépôt, une tentative de viol par un policier, un passage à tabac et un suicide, François Sottet, le juge, avait alors décidé d’aller constater sur place ce qui se passait au dépôt, mais le préfet s’était opposé à sa démarche en refusant l’accès des lieux aux avocats de Rama. «J’en tire toutes les conséquences de droit», avait alors décidé le magistrat en remettant en liberté Rama et les 25 autres étrangers qui lui ont été présentés dans la journée, «car le refus du préfet me laisse présumer qu’il se passe au dépôt des faits contraires à la Convention européenne des droits de l’homme».

C’est de ces ordonnances de mise en liberté qu’a fait appel le préfet. Selon ses arguments, le juge qui statue sur la rétention «intervient non pas en qualité de juge judiciaire dans la plénitude de ses fonctions mais dans un rôle limité, en qualité d’auxiliaire d’une procédure relevant du droit administratif». Cette assertion a fait bondir les avocats et les magistrats du Syndicat de la magistrature présents dans la salle, car elle reviendrait à dénier au juge «les pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution». C’est une thèse inverse qu’a développée l’avocat général, Bernard Delafaye. Dans un réquisitoire légèrement gêné, il a reconnu qu’une visite du parquet au dépôt le 29 mars dernier «a été insatisfaisante pour ne pas dire plus», mais il s’est pourtant lancé dans une étonnante défense en règle de la préfecture et du ministre de l’Intérieur, car, «si une amélioration est en cours au dépôt, c’est grâce à eux». Selon lui, le juge «n’était pas compétent pour apprécier les conditions matérielles dans lesquelles la rétention a lieu» et aurait, en agissant ainsi, commis un «détournement de pouvoirs». «Je vous rappelle qu’une décision de justice n’a pu être exécutée hier en raison de l’opposition d’un fonctionnaire de police, lui a rétorqué Me Gérard Tcholakian, et je dépose plainte cet après-midi pour connaître la position du parquet à ce sujet.»

La décision doit être rendue samedi.

En attendant, seul, parmi les syndicats de police, Différence (syndicat de la police nationale et personnels affiliés, minoritaire) dénonçait vendredi «le dépôt à la limite de l’explosion», tant pour «les conditions précaires d’hébergement des étrangers en rétention» que pour «les conditions de travail inacceptables de nos collègues». De source autorisée, on apprenait vendredi que le dépôt des étrangers de Paris serait fermé pour travaux début mai , date à laquelle les retenus seraient transférés dans les locaux de l’école de police de Vincennes

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