Sans-papiers: confusion sur la date butoir. Inquiétudes autour de la fin des régularisations.

logo-liberation-311x113 Béatrice Bantman

 

Hier, les sans-papiers qui attendent encore les réponses de leur préfecture ont sursauté en entendant, à la radio et à la télé, que la «date butoir» pour les recours était arrivée. Alors que, sur les 142 000 dossiers déposés, 76 754 sans-papiers ont été régularisés au 31 août et 64 461 refusés, un certain nombre d’immigrés n’ont toujours pas de réponse et sont donc dans l’impossibilité de déposer les recours auxquels ils ont droit dans les préfectures et au ministère de l’Intérieur. Renseignements pris, le ministère de l’Intérieur a précisé que seuls étaient concernés les premiers recours devant les préfectures pour les dossiers expressément refusés. Les sans-papiers disposent donc de plusieurs mois avant l’épuisement des recours. Quant à leurs avocats, ils craignent que cette confusion ne nuise à la régularisation.

Hier, une centaine de sans-papiers affolés se sont donc rendus à la préfecture de Paris. «Nous ressentons une angoisse terrible face à la fin des recours car beaucoup d’entre nous n’ont toujours pas reçu de lettre de refus», explique Zhang Yi, du 8e collectif, qui regroupe environ 1 300 personnes. En fait, comme le précisent les deux circulaires du 10 et du 19 août, de nombreuses décisions de régularisation ont été notifiées avant le 15 mai. A la suite de cette notification, les sans-papiers peuvent alors former des recours «gracieux» devant les préfectures, ou «hiérarchiques» au ministère de l’Intérieur. Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti (Groupement d’aide et de soutien aux immigrés), se défend de voir dans cette annonce «un coup médiatique du ministère de l’Intérieur, qui a l’habitude de souffler alternativement le chaud et le froid». Mais Françoise Toubol-Fischer, avocate spécialisée dans le droit des étrangers, craint que les préfectures ne prennent au mot cette annonce d’une date butoir. Déjà, au ministère de l’Intérieur, qui s’est engagé à répondre à tous les recours hiérarchiques ­ 128 000 à ce jour ­, on refuse de renseigner les avocats sur le degré d’avancement des dossiers et, dans les préfectures, il est parfois impossible de faire valoir les droits des demandeurs. A titre d’exemple d’imbroglio, l’avocate cite le cas de ce jeune Mauricien en France depuis dix ans et marié l’an dernier à une Française. La circulaire du 30 septembre 1997 et, a fortiori, la loi Chevènement autorisent la régularisation des étrangers dans son cas. Le 17 novembre suivant, son dossier est rejeté, puis son recours, en avril 1998. Malgré une nouvelle lettre au préfet, on lui notifie son arrêté de reconduite à la frontière en juin. En dépit des interventions de son conseil, l’arrêté est confirmé. Et le couple attend. «Cas particulier», répond-on au ministère lorsqu’on évoque les erreurs de l’administration. S’il est expulsé, le jeune marié se consolera sans doute à l’idée qu’il est un cas particulier.

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