A Bobigny, le procès du «pliage» des expulsés

  Didier Arnaud

Trois policiers sont accusés d’homicide involontaire après la mort de Mariame, 24 ans, lors de son renvoi.

La technique du «pliage», utilisée par la PAF (police aux frontières), a-t-elle été fatale à Getu Hagos Mariame, 24 ans, en janvier 2003 ? Ce geste est utilisé par les policiers lorsqu’ils veulent maintenir quelqu’un assis. Il s’agit de faire pression sur le haut des cuisses et de plier la hanche en appuyant avec son corps. La tête est alors sur les genoux. Axel Dallier, chef d’escorte, Merwan Khelladi et David Tarbouriech, âgés de 26 à 32 ans, ont «plié» Mariame en le raccompagnant dans l’avion pour Johannesburg, en Afrique du Sud. Il est mort quatre jours après sa tentative de reconduite. Les policiers comparaissaient hier devant le tribunal de Bobigny pour «homicide involontaire».

«Une force incroyable».

Le 16 janvier, le jeune homme d’origine éthiopienne ­ les autorités l’avaient d’abord dit somalien ­ est très agité lorsque les trois policiers l’accompagnent. Il gesticule, hurle, en anglais, qu’il ne veut pas rentrer, qu’il «préfère mourir». Mariame réussit à libérer son bras. A ce moment-là, les fonctionnaires le «plient». Tarbouriech : «Je l’empêchais de tourner la tête pour que le collègue ne se fasse pas mordre, il paraissait en bonne santé, il avait une force incroyable.» Khelladi : «A aucun moment nous ne l’avons complètement plié en deux, c’était une lutte perpétuelle pour le maintenir.» Le personnel de bord a d’autres perceptions. Le steward a vu un policier «assis» sur l’Éthiopien. Le «chef-avion» a aperçu un policier assis au niveau de ses épaules et un autre à hauteur des fesses, lui couvrant la bouche. Une hôtesse parle d’un «coup de genou».

A 23 h 40, brusquement, Mariame cesse de s’agiter et de crier. «Il n’y avait plus rien au niveau des menottes, il fallait faire vite», dit un des policiers. Il a les pupilles dilatées, plus de pouls. Les secours l’emportent. L’autopsie conclura que le maintien de la tête pliée sur les genoux a provoqué une compression de la carotide. Déjà, l’après-midi, il avait fait un malaise. «Simulé», dit le médecin de l’aéroport, ajoutant que le patient était «capable de se faire du mal pour ne pas repartir». Dallier se défend : «A aucun moment je ne pensais que [le pliage] pouvait tuer quelqu’un.» Me Maugendre, avocat de la partie civile, regrette : «Un homme est mort loin de chez lui des mains de la police française, j’aurais aimé juste un seul mot pour les parents de M. Mariame.»

Maladroits.

Pour la procureure, les policiers n’ont pas transgressé un règlement mais ont été négligents et maladroits. Elle a demandé une peine de prison avec sursis pour deux des policiers, pas pour Tarbouriech. Après ce drame, la formation des escortes a été revue. Ils doivent désormais tenir compte du comportement des reconduits et, le cas échéant, abandonner si ceux-ci se mettent en danger. Le «pliage» est interdit. Jugement en délibéré au 23 novembre.

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